Rien ne t’arrête quand tu commences
Si tu savais comme j’ai envie d’un peu de silence
Dalida, Paroles, paroles, 1973
Il ne s’y attendait pas. La photographie sur le Web était bien, mais là, en réalité, elle était un véritable coup de canon dans son cœur. Jamais il ne s’était senti aussi intimidé en la présence d’une femme. Quelle beauté ! Habituellement, il les rencontrait, les gardait un mois ou deux et c’était terminé. Il se lassait vite d’elles. Pour lui, elles étaient mornes, bavardes et insipides. Souvent il s’était demandé pourquoi sa libido était tant attirée par ce sexe faible dans tous les sens du terme.
Or, elle, il le savait, il le sentait, il la marierait. Il l’avait trouvée. L’émotion de départ était trop forte pour nier ce destin.
Avec ses jambes longues jusqu’à demain, elle s’était assise devant lui et le soleil verdissait ses yeux comme dans les films. Elle avait le look, le corps, le sourire et les mains d’une star. Le mot beauté n’était pas assez puissant pour qualifier le physique de cette déesse.
— Tu aimes les frites ? lui avait-il demandé en lisant le menu du restaurant. Le steak est servi avec des frites, ici ?
— Oui, j’aime bien. Je les mange avec du Ketchup. Je suis une fana de Ketchup.
Après le papotage lié au menu et au vin, il s’attaqua à l’intérieur de la femelle. Ce n’était pas par intérêt, mais pour lui faire croire, même si ses pulsions étaient exclusivement sexuelles, qu’il avait envie de savoir qui elle était, il la questionna sur ses valeurs, ses passions, son passé.
— Il y a trois choses que je n’aime pas. Les chats, les orages et les maudits Indiens, rigola-t-il.
— Tu as des idées bien arrêtées, lui fit-elle remarquer.
Le souper s’éternisa. Pendant que la serveuse s’activa à ramasser la table. Il voyait bien qu’elle bâillait et semblait maintenant s’ennuyer en sa présence.
— Tu as aimé ta soirée ?
— Pas si mal !
— Tu aimerais me revoir ? Moi, je serais content. Tu me plais vraiment beaucoup, admit-il courageusement.
— Je ne sais pas. Je veux être honnête avec toi, lui répondit-elle.
— Tu ne me trouves pas à ton goût ?
— Oh ! Ce n’est pas ça. Je ne sais pas. C’est tout. Je ne sais pas.
Elle se leva, s’excusant et prétextant qu’elle devait aller à la toilette. Toutefois, elle n’en fit rien et elle sortit pour aller téléphoner. Pendant quelques minutes, elle discuta avec sa meilleure amie pour planifier le reste de la soirée. Le sort décida qu’elles iraient danser à la discothèque la plus huppée du centre-ville.
Après l’appel, elle revint vers la table où il était assis, pensive.
— Alors, tu as pensé ? ricana-t-il, presque ridicule, avec l’espoir qu’elle accepte de le revoir.
Elle le fixa en enfilant son manteau et en empoignant la facture.
— Non, laisse, je vais payer, s’empressa-t-il de lui signifier.
Elle le remercia d’un sourire et d’un charmant signe de tête.
— Alors, on va se revoir ? répéta-t-il avec un air presque idiot.
— Non !, on ne se reverra pas, trancha-t-elle avec une certitude déconcertante.
— Et puis-je savoir pourquoi ?
— Parce que je suis une maudite Indienne, murmura-t-elle en tournant le dos.
Notice biographique
Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :
-Le génocide culturel camouflé des indiens
-Ta gueule, maman
-Les dessous de l’intimidation
-Des fleurs pour Rosy
-T’as besoin de moi au ciel ?