Garry Kilworth – Roche-Nuée

roche-nuéeRoche-Nuée met en scène une petite société tribale décadente qui fonctionne en cercle clos. Personne ne sort d’un étroit périmètre, tous les membres sont consanguins, cannibales et dégénérés. Du fait d’un manque évident de sang neuf, il naît régulièrement des enfants difformes, les indésirés, dont on se débarrasse volontiers dès la naissance. Suite à un concours de circonstance, le narrateur, malgré son physique particulier, a échappé à ce triste sort. Il raconte son histoire, celle de son frère, celle de la Famille, décrit et analyse cette société dont l’ordre bien établi sera bientôt bouleversé par un évènement que personne n’avait vu venir…

Bien que rien n’indique où et quand se déroule l’action, le livre exploite ce qui ressemble fort au thème classique de la société post-apocalyptique. Et c’est une très bonne variation sur ce sujet. Le décor est désolé, visuel, cohérent et âpre. La communauté, élaborée dans son caractère basique, propose une conception surprenante du rapport familial, fascinante d’obtusité. Mais la vraie bonne trouvaille, c’est le personnage principal et le fait qu’on découvre son univers et certaines notions abstraites à travers le prisme déformant de son regard d’indésiré. Il est original et prend à chaque chapitre un peu plus d’épaisseur. Quant à ses interrogations, elles touchent à la quête initiatique et son évolution conduit doucement l’intrigue vers une chute intelligence et bien amenée.

Voilà donc le bon roman inattendu d’un auteur dont j’ignorais jusqu’à l’existence il y a encore quelques jours. Roche-Nuée, sans être une révolution dans le monde de la littérature, est une bonne surprise, un bel objet joliment illustré qui vaut le détour.