Les harmoniques de Gérald Tenenbaum aux éditions de L'Aube
Un homme, engoncé dans son imperméable, fait les cent pas le long du débarcadère du vaporetto. Visiblement nerveux, il attend quelqu'un. Une femme brune descend de l'embarcation, le rejoint. Tous deux ils entrent dans le hall du Danieli, célèbre palace vénitien.
Trois mathématiciens sont réunis à proximité de l'Ambassade de France en Argentine à Buenos Aires. Ils sont invités à une réception en marge d'un colloque sur le hasard. Ils attendent Pierre, le quatrième larron. Pierre est en retard, il a oublié son invitation mais décide malgré tout de tenter sa chance. C'est une jeune femme qui le fera entrer.
Cette femme, c'est Keïla, jeune actrice argentine. Toute la soirée, ils vont la passer à parler, à échanger, oubliant tout autour d'eux. Ils décident de se revoir dans trois jours, attendant, chacun de leur côté ce rendez-vous avec impatience.
Un grain de sable, un attentat va se dresser entre eux. Tous deux en seront le témoin, prêteront, chacun à leur façon assistance aux victimes, mais ils vont se manquer. Suite à ce rendez-vous avorté, Pierre et Keila vont reprendre leur vie, lui à Paris, elle a Buenos Aires avec un sentiment d'inachevé. Jamais ils n'oublieront cette rencontre et ce coup du destin qui les a empêché de se retrouver.
Cette rencontre de deux personnes va faire s'entrecroiser les destins des quatre personnages principaux de ce roman. Quatre personnages avec leurs failles, comme empêchés de vivre leur vie pleinement.
Pierre, le mathématicien ne vit que dans son monde peuplé de chiffres, dans l ' idéal et la poésie mathématiques.
Keïla, elle, vit dans le souvenir de sa sœur jumelle disparue pendant la dictature militaire. Elle n'aura de cesse de la retrouver, laissant se vie être dictée par l'absence de sa sœur.
Belen, amie de Keïla est écrivain, elle écrit des livres à succès pour la jeunesse et ne semble vivre pleinement que dans les mondes qu'elle invente, elle se dissout dans ses histoires.
Samuel, l'ami de Pierre est journaliste scientifique, pigiste pour un magazine. Il ne vit que lorsqu'il enquête pour son travail. Bouleversé par la tristesse de Pierre qui n'ose pas entreprendre les recherches pour retrouver Keïla, il va mener l'enquête pour son ami.
De juillet 1994 à février 2015 nous sommes emportés par les coups du destin qui vont frapper les quatre personnages. Comme eux nous sommes ballotés par le hasard de Buenos Aires à Paris, de Madrid à Jérusalem. Mais le hasard existe-t-il ?
Avec Les harmoniques, Gérald Tenenbaum nous offre un roman construit comme une symphonie. Porté par une langue musicale et poétique, je l'ai dévoré d'une traite. Ces quatre personnages, comme quatre notes de musique réussiront-il à vibrer ensemble pour obtenir l'accord parfait majeur. Vous aussi laissez vous emporter par ce roman dense et poétique. Un gros coup de cœur.
" Pierre s'est effacé le jour où elle s'est retrouvée errant parmi des monceaux de pierres carbonisées et de restes humains. Il y a un dessein sinon une logique, dans cette disparition. Toutes les disparitions ne se valent pas, cependant, elle l'a appris dans sa chair, toutes se répondent dans les harmoniques d'un vaste concerto silencieux recouvrant le temps humain comme un édredon de plumes. Keïla n'a ni l'audace ni l'impudence de perturber cet arrangement par un cri de rage ou de désespoir. "