Après Les âmes grises (Claudel, cool), Les âmes vagabondes (Stephenie Meyer, beaucoup moins cool), Les âmes mortes (Gogol, soit le cool à la russe), ou encore Les âmes fortes (Giono, pas lu à ma grande honte), voici venir Les âmes rouges.
Libres pensées
J'ai été surprise par le style du roman de Paul Greveillac, qui m'a rappelé des romans d'un autre temps: très travaillé, empreint d'un certain classicisme, loin de toute oralité.
On s'y glisse néanmoins, aidé en cela par les deux protagonistes, Vladimir Katouchkov, censeur, et Pavel Golchenko, projectionniste.
Tous deux sont amis, et traversent les années Khrouchtchev puis les années Brejnev, parfois mouvementées.
Le roman donne à voir la situation de la dissidence russe durant cette époque, à travers Katouchkov et Golchenko, mais aussi une galerie de personnages qui gravitent autour d'eux.
Le pan du roman dédié à l'activité de censure de Katouchkov est bien entendu captivante, nous proposant d'observer à l'oeuvre les instruments du pouvoir et le contrôle sévère de toutes les publications. Une réalité sinistre, et dont on ne peut s'empêcher de réfléchir aux répercussions, parce qu'il semble à l'observer qu'elle pourrait advenir et s'exercer dans nombre de pays dits "développés", dès lors qu'une proximité existe entre les médias et le pouvoir, ou que le gouvernement/les dépositaires du pouvoir disposent de droits élargis (par exemple, un contexte d'état d'urgence fait primer le secret sur le droit à l'information, ce qui peut, en cas de dérive, constituer une censure pure et simple - mais ce n'est là qu'un exemple, of course).
Le contexte historique est par ailleurs très intéressant, s'étendant de la mort de Staline au règne Brejnev, et l'approche choisie par l'auteur permet d'aborder le milieu de la dissidence dans son quotidien. A travers les deux protagonistes, on observe une évolution intellectuelle sur plusieurs décennies, les rapports entretenus avec le pouvoir, la problématique de l'identité double, de la responsabilité individuelle, de l'injustice et de l'oppression et leur impact sur les parcours de chacun.
Les références sont nombreuses, il y a une grande richesse dans le texte de Paul Greveillac, qui se montre à la fois exigeant et précis.
Pour vous si...
Morceau choisi
"Pour Olga Katouchkova, pour Vladimir Katouchkov, pour des millions de Soviétiques, les années Khrouchtchev devaient rester comme un âge d'or relatif, coincé entre les tenailles terrifiantes et arbitraires du stalinisme et les années de plomb autarciques de Brejnev. Et ce court âge d'or suffit à semer le germe de l'impertinence. A lever une génération de malappris, qui iraient peupler les rangs de la dissidence.
Il est un âge où l'homme désapprend. Où il remet en cause ce qui lui a été inculqué. Cette expérience se fait nécessairement seul. Elle s'impose, devant le chaos du monde. Car tout ce que l'on enseigne à l'homme est lourd d'une inertie téléologique : Le passé fut arriéré, a préparé le présent éclairé - qui lui-même prépare l'avènement d'un avenir radieux. Tout pouvoir, afin de bâtir sa légitimité, justifie la rupture, inocule l'idée du progrès. Mais l'homme, devant le chaos du monde, commence à réfléchir. Devant les ruptures apparentes, met à nu l'ossature inchangée des courants. Pour ne citer qu'elles : la Terreur en France ou les purges en U.R.S.S. ont voulu mettre au pas les hommes. Et ce faisant, outils de forces obscures, portaient en leur sein les contre-révolutions qu'elles voulaient faire avorter."
Note finale3/5(cool)
Libres pensées
J'ai été surprise par le style du roman de Paul Greveillac, qui m'a rappelé des romans d'un autre temps: très travaillé, empreint d'un certain classicisme, loin de toute oralité.
On s'y glisse néanmoins, aidé en cela par les deux protagonistes, Vladimir Katouchkov, censeur, et Pavel Golchenko, projectionniste.
Tous deux sont amis, et traversent les années Khrouchtchev puis les années Brejnev, parfois mouvementées.
Le roman donne à voir la situation de la dissidence russe durant cette époque, à travers Katouchkov et Golchenko, mais aussi une galerie de personnages qui gravitent autour d'eux.
Le pan du roman dédié à l'activité de censure de Katouchkov est bien entendu captivante, nous proposant d'observer à l'oeuvre les instruments du pouvoir et le contrôle sévère de toutes les publications. Une réalité sinistre, et dont on ne peut s'empêcher de réfléchir aux répercussions, parce qu'il semble à l'observer qu'elle pourrait advenir et s'exercer dans nombre de pays dits "développés", dès lors qu'une proximité existe entre les médias et le pouvoir, ou que le gouvernement/les dépositaires du pouvoir disposent de droits élargis (par exemple, un contexte d'état d'urgence fait primer le secret sur le droit à l'information, ce qui peut, en cas de dérive, constituer une censure pure et simple - mais ce n'est là qu'un exemple, of course).
Le contexte historique est par ailleurs très intéressant, s'étendant de la mort de Staline au règne Brejnev, et l'approche choisie par l'auteur permet d'aborder le milieu de la dissidence dans son quotidien. A travers les deux protagonistes, on observe une évolution intellectuelle sur plusieurs décennies, les rapports entretenus avec le pouvoir, la problématique de l'identité double, de la responsabilité individuelle, de l'injustice et de l'oppression et leur impact sur les parcours de chacun.
Les références sont nombreuses, il y a une grande richesse dans le texte de Paul Greveillac, qui se montre à la fois exigeant et précis.
Pour vous si...
- Votre idole est Soljenitsyne
Morceau choisi
"Pour Olga Katouchkova, pour Vladimir Katouchkov, pour des millions de Soviétiques, les années Khrouchtchev devaient rester comme un âge d'or relatif, coincé entre les tenailles terrifiantes et arbitraires du stalinisme et les années de plomb autarciques de Brejnev. Et ce court âge d'or suffit à semer le germe de l'impertinence. A lever une génération de malappris, qui iraient peupler les rangs de la dissidence.
Il est un âge où l'homme désapprend. Où il remet en cause ce qui lui a été inculqué. Cette expérience se fait nécessairement seul. Elle s'impose, devant le chaos du monde. Car tout ce que l'on enseigne à l'homme est lourd d'une inertie téléologique : Le passé fut arriéré, a préparé le présent éclairé - qui lui-même prépare l'avènement d'un avenir radieux. Tout pouvoir, afin de bâtir sa légitimité, justifie la rupture, inocule l'idée du progrès. Mais l'homme, devant le chaos du monde, commence à réfléchir. Devant les ruptures apparentes, met à nu l'ossature inchangée des courants. Pour ne citer qu'elles : la Terreur en France ou les purges en U.R.S.S. ont voulu mettre au pas les hommes. Et ce faisant, outils de forces obscures, portaient en leur sein les contre-révolutions qu'elles voulaient faire avorter."
Note finale3/5(cool)