Note : 17/20
«Longtemps je n’avais pas compris que le fait d’être une femme était comme on dit un handicap ; je ne m’étais nullement attardée sur l'évidence qu’il était difficile d’envisager un destin à la Lawrence d’Arabie en étant de sexe féminin. Je n’avais d’ailleurs eu aucune alerte à ce sujet. Mes parents ayant oublié de m’interdire quoi que ce soit, je n’avais jamais de ma vie entendu dire que je ne pouvais pas entreprendre quelque chose parce que j’étais une fille.» La Triomphante est l’histoire d’une enfant d’Orient rêvant à l’Europe, la cavalcade d’une étrangère dont la seule patrie est la littérature, l’humour, l’ironie. La Triomphante est le portrait d’une aventurière : l’odyssée, réussie ou ratée, ne compte que pour elle-même.
Merci à Livraddict et aux Editions Folio pour cette lecture.
Mon avis :
Je suis tout de suite rentrée dans l'histoire (la vie) de Teresa Cremisi. Cette femme a multiples casquettes (éditorialiste, chef d'entreprise, lectrice passionnée...) et une éducation multiculturelle très intéressante. J'ai énormément apprécié le style de cette autobiographie, simple, léger, avec parfois des réflexions profondes sur la vie, la littérature, l'Histoire. Car, pour ne rien gâcher, Teresa Cremisi est née juste à la fin de la deuxième guerre mondiale, son histoire personnelle est donc teintée d'événements historiques qui guident ses pas dans son apprentissage de la vie.
Il ne faut pas s'attendre non plus à une vie extraordinaire (quoi que...), mais simplement au récit d'une femme qui nous raconte des bribes de son existence en toute simplicité. On passe par ses premiers amours, ses études, son comportement en société, ses parents, ses déménagements, sa foi religieuse... Le tout souvent ponctué de citations d’œuvres littéraires (Homère, Shakespeare, Stendhal).
Notre héroïne qui ne se prend pas pour quelqu'un d'exceptionnel (et pourtant), poursuit son chemin, se marie, déménage. Ces fréquents changements dans sa vie impliquent aussi d'apprendre et de désapprendre des langues. Elle apprend l'italien, pour ensuite l'oublier, revenir au français et laisser l'anglais de côté. Ses réflexions par rapport à ce bousculement de mots dans son esprit sont très intéressantes. Comme si on pouvait perdre un peu de notre identité en parlant une autre langue, comme si on pouvait devenir quelqu'un d'autre...
J'ai aimé le découpage du livre : Tôt le matin, Fin de matinée, Après-Midi, Neuf heures du soir et Minuit et demi. Ces parties représentent les pans de sa vie. A plus de 80 ans maintenant, elle est au crépuscule de son existence, si riche d'expériences. J'ai trouvé que c'était une femme très inspirante, dans sa simplicité et sa volonté à toute épreuve lorsque des difficultés se présentaient à elle.
Le seul bémol dans cet ouvrage serait son début : un peu long, laconique, une plongée dans son enfance qui ne m'a pas beaucoup emballée au départ. Mais la deuxième partie du livre, à partir de l'Après-midi, coule toute seule, les pages se tournent, certaines phrases sont belles et poétique, et on veut savoir où Teresa Cremisi en est maintenant dans sa vie.
En résumé, une lecture intéressante, inspirante et profondément ancrée dans la réalité. Ce livre a été écrit par une femme cultivée, qui a réussit à construire sa vie malgré une culture multiple, des origines clairsemées et incomplètes. Cet ouvrage est aussi empreint d'une forme de féminisme très léger, qui s'exprime à travers son inconfort, parfois, d'avoir des passions pas assez féminines (elle est passionnée par la marine et les batailles navales de l'Histoire). J'ai apprécié cette lecture, courte et vraie, empreinte d'une mélancolie propre aux autobiographies.