Audrey Siourd est aussi pianiste. (c) Gérard Cambon.
L'autre soir à Bruxelles, Saliha, ma voisine de chaise, me dit:
- "Attends, je sors tout juste du métro. Je range mon livre."
- "Ah bon, tu lis dans les transports en commun?"
- "Oui, toujours, et je suis loin d'être la seule."
L'affiche de l'exposition.
Je ne prends pas assez le métro bruxellois pour le savoir mais j'ai confiance en ma bibliothécaire chérie. Sa remarque me fait immédiatement transplaner à Paris où se déroule jusqu'au 5 mars (de 16 à 20 heures) l'exposition visuelle et sonore d'Audrey Siourd "Les Liseuses de bonne aventure (Instantanés de femmes qui lisent dans le métro)". C'est à la galerie La Ville A des Arts, Villa des Arts, 15 rue Hégésippe Moreau, Paris 18.
Une déclinaison parfaite de la phrase de Daniel Pennac extraite de "Comme un roman" (Gallimard):
"Le temps de lire est toujours du temps volé. C'est sans doute la raison pour laquelle le métro se trouve être la plus grande bibliothèque du monde."
Des "liseuses" donc, comme le mot qui désigne les tablettes numériques. Ou celui qui, au singulier, est le titre d'un très beau roman de Paul Fournel (P.O.L., 2012, lire ici en fin de note). Mais des "liseuses" bien vivantes même si elles paraissent être ailleurs que dans le métro.
(c) Audrey Siourd.
(c) Audrey Siourd.
Assises le plus souvent, mais parfois debout ou en mouvement sur un tapis roulant, des femmes lisent. Chacune est dans son livre, dans sa lecture, comme hors du monde ou hors du temps, saisie avec émotion et respect.
Parvenir à de telles attitudes dans les sous-sols parisiens, c'est cela, la magie et la grâce de la littérature. Encore faut-il qu'un œil féminin, muni d'un appareil photographique, soit là pour capturer ces moments, ces attitudes, ces présences-absences. Cet œil, c'est celui d'Audrey Siourd, femme multiple. Attachée de presse dans l'édition, musicienne, parolière, compositrice, photographe, sans oublier sa vie privée.
Elle nous dit être née le 19 octobre 1976, sans trop savoir ce qu'il s'est passé ce jour-là. Ce jour-là était un mardi où il ne s'est pas passé grand-chose à l'échelle (inter)nationale. Mais la jeune femme partage sa date de naissance avec Agnès Jaoui (1964), Giulia Sarkozy (2011), John Le Carré (1931), Laurent de Belgique (1963), Philip Pullmann (1946) et même Pierre Alechinsky (1927).
(c) Audrey Siourd.
"Il y a un an", explique Audrey Siourd, "une femme aux cheveux carmin s'est assise en face de moi dans le métro et a ouvert un livre. Quelque chose de puissant émanait d'elle. Une force dans sa concentration m'a captivée. Elle semblait indifférente au brouhaha alentour. J'ai eu envie de la photographier. Le lendemain, une autre lectrice s'est installée près de moi. Le surlendemain, une autre encore. L'idée de faire une série de portraits de femmes lisant dans le métro est devenue une évidence."
"Lire dans le métro, au milieu de la foule et de son bourdonnement, est une activité à la fois fréquente – presque banale – et une acrobatie extraordinaire. Embusquée dans ma rame, je me plais à observer toutes ces vies qui s'entremêlent et toutes ces histoires contenues dans les livres qui flottent au-dessus et au-dedans de nous."
"Liseuses de bonne aventure" est un projet artistique plurimédia qui entremêle photographies numériques et bande-son originale (lectures de textes, ambiances sonores et petites pièces musicales). On peut en écouter un extrait ici. Quelle chance ont les Parisiens de pouvoir découvrir ces liseuses!
(c) Audrey Siourd.