Le mystère, c’est comme un ballon de baudruche…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

Par Chatquilouche @chatquilouche

Le mystère, c’est comme un ballon de baudruche : quand on le perce, il n’en reste plus rien que quelques morceaux de latex baveux par terre. Et ceux qui jouaient avec, en le frottant contre leur pull en laine, pour faire rire l’assemblée quand ensuite ils parvenaient à le coller au plafond ou aux cheveux dressés sur la tête de mémé dont le brushing foutu ne riait pas du tout ; ceux qui le tenaient entre les mains bien haut en se gaussant des mômes de leurs bonds de marsupilamis, mais rigolaient un peu moins fort quand les mômes décidaient finalement de jouer à Tarzan avec leur barbichette ; ceux-là qu’il occupait encore il y a cinq minutes à peine, mais dont les ongles trop longs ont fini par se planter dedans, prennent maintenant un air dégoûté et hésitent à le ramasser avec les doigts. Et, même si toute l’assemblée, qui tout à l’heure s’était vite lassée de ces tours de passe-passe qu’ils lui ont trop faits et qu’ils refont encore et qu’ils refont toujours à chaque anniversaire, à chaque mariage et à chaque enterrement aussi, et qu’à force c’est un peu pénible de faire comme si c’était la première fois ; et même si toute l’assemblée qui tout à l’heure avait quand même pouffé poliment et levé les yeux au ciel, encore une fois, ne les lâche maintenant plus du regard depuis que le bruit du ballon qui a éclaté l’a délogée de ses distractions, à elle. Et même si, comme ces lambeaux gluants les répugnent, ils désignent par réflexe un des mômes du doigt et retournent l’air de rien chercher un autre ballon avec lequel jouer ; et comme il n’y a plus rien à voir, l’assemblée lance pour la forme un regard noir au môme puis hausse les épaules et retourne à ses et bla et bla et blablabla.

Mais de quoi avons-nous l’air, à entretenir nos mystères le temps que nos coups de pinceau sauront sauver les apparences et nos murs qui s’effritent se fissurent et menacent déjà de tomber, le temps que nos bras trop maigres pourront les retenir et épargner les meubles qui prennent la poussière entre eux ? Mais de quoi avons-nous l’air, le menton si haut qu’aucun môme ne saurait l’agripper pour jouer à Tarzan avec, à sillonner les rues d’un monde qui ne nous appartient pas, à dandiner du popotin pour nous faire un peu de place sur des bancs où personne ne nous attend et ne nous en a pas gardée une, du coup. Nous portons tous les mêmes masques blancs que nous repeignons à nos humeurs ou au temps qu’il fait dehors, les mêmes costumes grotesques avec dans les poches tous nos trucs et astuces pour détourner l’attention, le temps que notre nez au milieu de notre figure suffira à faire rire l’assemblée ou qu’au moins elle prendra encore un peu la peine de faire semblant, sous son masque de fortune à elle. Mais qu’elle n’ira pas chercher plus loin. Plus loin que ces costumes parfois trop petits sous lesquels certains mecs étouffent comme ils ont bien grandi depuis, sous lesquels certaines meufs tortillent leurs fesses comme elles adorent la manière qu’ils ont de les mettre en valeur et de faire s’arrêter et se poser dessus d’autres yeux que les leurs. Plus loin que ces costumes souvent trop grands sous lesquels nous nous échinons à cacher nos désirs et nos peurs, mais que les mecs et les meufs que nous sommes ne font rien qu’à se prendre les pieds dans l’ourlet que personne ne fait jamais. Plus loin que ces costumes trop petits qui prêtent souvent à rire.

Et alors, quoi ? Il faut bien changer de chemise et d’avis de temps en temps, quand ça commence à sentir mauvais ou que l’on finit par s’y sentir un peu à l’étroit. Le temps de trouver le costume qui saura enfin nous faire cesser de faire autour de lui tous ces mystères de pacotille.

Notice biographique

Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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