Comme promis lundi, voici une interview consacrée à TutoBar à laquelle Hélène Jacob à bien voulu répondre, merci à elle.
1. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter, ainsi que TutoBar ?
Nous sommes le duo d’auteurs M.I.A, avec 9 (et bientôt 10) romans à notre actif depuis 2012, fondateurs de la maison d’édition EHJ, qui fêtera prochainement son 5e anniversaire.
Nous sommes, à l’origine, passés par l’auto-édition pour la publication de nos deux premiers livres, début 2012, et avons donc ouvert le Blog M.I.A à cette même époque.
Dedans, en complément de notre univers d’auteurs et d’éditeurs, nous y avions publié de multiples articles autour de l’auto-édition, qui ont rencontré beaucoup de succès et suscité de nombreuses demandes d’information de la part des auteurs débutants, avec un gros trafic sur le blog.
Pour arriver à faire face de façon organisée à ces besoins croissants qui commençaient à devenir ingérables en les traitant un par un, nous avons donc décidé, mi 2015, de créer TutoBar, un service de formation dédié à tous les auteurs ayant pour objectif de se former sérieusement.
2. Pourquoi avoir décidé de proposer ce service ?
L’édition est un secteur complexe et difficile.
La plupart des auteurs débutants se lancent dans l’écriture en ayant un tas d’idées reçues en tête qui sont parfois à des années-lumière de la réalité.
De plus, en choisissant l’auto-édition, ils optent pour une voie où ils vont devoir assumer également un rôle d’éditeur, alors qu’ils ne maîtrisent généralement pas du tout les prérequis pour faire correctement ce travail.
Qu’il s’agisse de l’écriture elle-même, d’administratif, de distribution, de technique, de marketing, etc., il nous a semblé important de proposer une véritable formation, progressive et cohérente, capable d’aider ces personnes à aborder l’activité de façon professionnelle et carrée.
Ceci afin d’éviter de répondre aux sollicitations par petits bouts disparates, alors que tout est lié et que les sujets peuvent intéresser de très nombreuses personnes.
Notre philosophie : plus les indépendants sont individuellement compétents, plus l’image collective de la sphère indé devient crédible et légitime, ce qui est bon pour tous (auteurs et éditeurs).
3. Comment vous organisez-vous pour choisir et aborder vos sujets ?
Nous avons fait une première (longue) liste de toutes les questions reçues depuis début 2012, en les classant par degré de récurrence et d’importance.
Nous les avons triées par domaine (il y a 5 grandes thématiques parallèles, dans TutoBar), puis organisées selon une logique de progression, d’un point de vue pédagogique, pour obtenir un véritable plan de formation (entre autres métiers précédents, j’ai été formatrice et manager pendant plusieurs années, ce qui influence donc l’approche choisie, avec une volonté de structuration de l’ensemble).
L’idée, dans la nouvelle formule YouTube (où souvent les vidéos d’une chaîne sont un peu déconnectées les unes des autres et pas forcément classées selon une logique d’apprentissage sur le long terme), c’est que pour chaque thématique, on suit le principe de l’entonnoir : on part des notions les plus larges, pour permettre aux débutants complets de monter dans le train sans être perdus, puis on va affiner chaque sujet dans des tutos de plus en plus ciblés, au fil du temps.
C’est pourquoi nous fonctionnons par épisodes et que nous faisons en sorte de tourner, en quinconce, sur les 5 catégories, pour satisfaire un maximum d’abonnés. Par exemple, si l’épisode 3 porte sur du marketing d’auteur, le 4 appartient à un autre thème.
Ça laisse le temps à chacun de digérer les contenus au fil de l’eau.
Un abonné qui nous rejoindrait dans deux ans pourra donc partir de 0 en suivant la série de façon chronologique, ou en se concentrant sur un thème particulier, sans jamais être perdu.
À ce jour, nous avons une liste déjà structurée et planifiée de plus de 100 tutos, tous organisés selon cette volonté de progression logique dans les 5 catégories.
Tous les dix épisodes, nous allons aussi annoncer quels seront les dix suivants, afin de permettre à tout le monde de bien se repérer dans cette formation.
4. Selon vous, quelles sont la ou les particularité(s) qui font que TutoBar se démarque des services similaires ?
Les services similaires que nous connaissons (en tout cas, accessibles en langue française) diffèrent sur trois grands points, d’après moi :
- Ceux qui les proposent ne sont généralement ni auteurs ni éditeurs de fiction et ils se contentent de « repackager » des contenus issus de formations anglophones, sans avoir réellement expérimenté eux-mêmes ce dont ils parlent, sur la durée.
On trouve donc dedans des choses très théoriques ou traitées de façon parcellaire, sans exemples vécus personnellement, ce qui donne des formations que je trouve incomplètes et/ou orientées vers la seule écriture de guides pratiques, avec, en plus, des promesses qui ne rendent pas du tout service aux auteurs de fiction débutants.
Par exemple, annoncer « suivez ma formation et faites de votre livre un best-seller en trente jours » est, pour moi, une aberration, pour peu que l’on connaisse un tant soit peu le secteur de l’édition et la quantité de travail que représente la publication d’un livre.
- Lorsque la formation est plus orientée vers la fiction, elle est souvent déconnectée de tout ce qui ne concerne pas directement l’écriture (et donc toute la partie « travail d’éditeur » qu’un auteur indépendant doit absolument connaître).
C’est très bien d’apprendre à écrire un livre, mais si on ne sait pas quoi en faire derrière et qu’aucun éditeur ne l’accepte, c’est dommage d’avoir fait ce travail pour rien.
- Les contenus les plus proches des nôtres, eux, sont souvent très chers, ce qui les rend inaccessibles pour de nombreuses personnes et pousse en plus les auteurs à considérer que toute formation dans ce domaine est une arnaque, quand bien même le contenu serait de qualité.
Car il faut comprendre une chose : la plupart des auteurs débutants, quand ils se lancent dans l’écriture, n’ont aucune idée de la masse de travail incontournable qui les attend et il est déjà très compliqué de les pousser à se former, y compris gratuitement, puisque l’idée même de formation d’auteur n’a pas de correspondance financière concrète dans leur esprit.
Alors, il faut être lucide : avec des offres de formation à 2 000 €, on ne risque pas de les inciter à professionnaliser leur activité.
La plupart des auteurs indés débutants finissent donc tous par suivre une logique un peu similaire : celle de l’entraide et de ce que j’appelle (affectueusement, je le précise au cas où ) le « bricolage », via les forums et les réseaux sociaux.
Si cette entraide est bien sûr utile et souhaitable sous de nombreux aspects, je pense qu’elle entretient aussi certaines mauvaises pratiques et cultive les idées reçues qui ne rendent service à personne.
Sur ce point, les Anglo-Saxons sont bien plus avancés, avec une volonté de professionnalisation plus ancrée, ce qui est logique : l’auto-édition est en avance chez eux et leur modèle éditorial global est différent du nôtre.
C’est plutôt cette philosophie que nous essayons de suivre.
Et, à notre connaissance, il n’existe pas de chaîne YouTube francophone qui a les mêmes objectifs et ambitions que la nôtre avec la série TutoBar.
5. L’un des aspects importants de TutoBar est sa gratuité. Pourquoi ce choix ?
Parce que nous avons testé l’offre payante (même à tout petit prix, par abonnement mensuel à 25 €) et que nous avons pu constater que ça ne fonctionne pas, en tout cas pas auprès du plus grand nombre.
Le statut d’auteur indépendant, chez les francophones, est encore tout récent et, comme je viens de le dire, l’idée même d’avoir besoin d’une formation n’est pas du tout naturelle chez la plupart des personnes, même si elle mûrit peu à peu aujourd’hui.
Ceci nous est confirmé par le niveau d’information des auteurs de notre maison (que nous formons aussi en interne, quand ils nous rejoignent).
Nous constatons tous les jours à quel point ils connaissent mal les coulisses de l’activité et ont tendance à tout mélanger, ce qui est normal, quand on y réfléchit : l’édition est un métier.
Le nombre de mythes et d’idées reçues en circulation est impressionnant et il nous faut commencer par déconstruire tout un tas d’attentes et de fantasmes qui reposent sur de fausses vérités. C’est un gros travail sur la durée.
Pour en revenir à la gratuité, c’est donc une approche totalement différente que nous avons choisie pour TutoBar 2.0, après l’arrêt de la première formule et plusieurs mois de réflexion : donner un maximum de chances à ces formations d’être découvertes par de nombreuses personnes, en adoptant une « philosophie YouTube de vulgarisation », et donc de convaincre nos abonnés que ces tutos leur sont utiles et, surtout, qu’ils en ont besoin.
6. Pourquoi avoir choisi Tipeee pour vous financer et quelles sont les raisons pour lesquelles nous devrions participer à la cagnotte ?
TutoBar représente des dizaines d’heures de préparation par mois.
C’est un contenu professionnel, sur le fond et la forme, qui aide les gens à progresser dans leur propre travail et qui a donc une valeur intrinsèque, selon nous.
Si nos abonnés souhaitent que cette offre soit pérenne et régulière, il est important qu’ils s’associent à la démarche, en considérant que c’est un échange de bons procédés : ils accèdent à tout gratuitement et nous aident à produire ce contenu, selon leurs moyens.
C’est le principe du « aidez-nous à nous aider », en quelque sorte.
Tipeee a l’avantage de proposer un niveau de contribution qui commence à un euro par mois (il existe aussi la possibilité de contribuer par un versement ponctuel et unique, mais il est beaucoup plus utile pour nous d’avoir des Tipeurs qui donnent de petites sommes tous les mois qu’un versement unique plus important une seule fois).
Ce que nous recherchons, en échange de la gratuité de nos contenus, c’est la confirmation concrète que TutoBar est apprécié et utile, qu’une communauté se regroupe derrière ce désir de professionnalisation, en lui donnant de la valeur.
Bien sûr, il est aussi facile de comprendre que nous ne pouvons pas seulement vivre d’amour et d’eau fraîche et que cet argent, nous en avons tout simplement besoin pour pouvoir continuer à fournir tous ces contenus gratuits sur le long terme.
À noter que notre page Tipeee est aussi là pour valoriser nos activités d’auteurs et d’éditeurs, cette dernière s’effectuant dans des conditions financières très difficiles et précaires.
J’ai présenté tout cela dans plusieurs vidéos déjà en ligne.
C’est donc un appel plus général de solidarité envers la création littéraire et la culture que nous essayons de faire passer à travers cette page Tipeee.
7. Un mot pour la fin ?
Merci infiniment pour cet échange, en espérant qu’il donnera envie aux lecteurs de votre blog de venir nous rejoindre sur YouTube, sur le blog M.I.A et sur nos divers réseaux sociaux, ainsi que dans notre communauté Tipeee.
À bientôt !