De Michael Delisle, je ne connaissais que le nom. Je savais qu’il était un auteur prolifique, un touche à tout des genres. Jamais je n'avais tendu la main vers l'une de ses oeuvres. Maud, ma gourou libraire, m’a confiée avoir été toute retournée par Le palais de la fatigue. Ma curiosité était piquée.Le palais de la fatigue se présente comme un recueil de nouvelles. J’y vois plutôt un roman découpé en moments de vie, de sauts dans le temps. Le narrateur revient d’une histoire à l’autre, d’enfant à homme mature. Six nouvelles, de longueur et d’intérêt variables, composent le recueil. «L’ours noir», la première nouvelle, m’a enchantée. Ça partait bien! «Portage», l’une des dernières, m’a aussi beaucoup plu.
Le narrateur, sa mère et son frère vivent en banlieue de Montréal, à Longueuil, dans le prestigieux quartier Bellerive. Ils viennent d’emménager dans un cottage trois fois trop grand pour eux, acquis grâce à l’échange de «bons soins» entre la mère et un promoteur libanais millionnaire. Cette mère, pour qui le standing social n’est pas une marque de commerce, est tout un numéro. Elle confisque la Royal manuelle de son fils pour la prêter à une voisine, dont la fille veut devenir secrétaire. Ce geste rend compte de l’indifférence qu’elle a envers son fils, futur poète. Cassure… Le fils grandit et sort de sa banlieue. Il rentre au cégep à Montréal et le monde s'ouvre à lui.
Son amitié avec Johanne Falardeau et son admiration pour son prof de poésie élargissent son horizon.Ce prof sera son échelle. «Un sherpa tenant une lampe à la sortie de [sa] caverne.» Devenu son amant, il partage sa vie pendant quelques années. À ses côtés, il découvre le milieu intello
underground de Montréal (Jean-Paul Daoust et Nicole Brossard au passage), goûte à la poésie d’avant-garde, aux lancements de livres, aux lectures publiques, au mousseux, à Londres. Ils se quittent quand la jeunesse du narrateur passe date – le prof préférant la fraîcheur de la jeunesse. Le narrateur poursuit sa route, écrit, publie et voyage, se laissant porter par la vague.★★★★★
J'étais bien curieuse de savoir ce qui avait tant plu à Maud. Voici ses mots.J’ai lu Le palais de la fatigue il y a déjà plus d’un mois et il y a encore des images, des mots qui me restent en tête. Il fait partie pour moi de ces livres trop courts qu’on aurait voulu qui perdure de par la qualité, l’ambiance, l’impression qui demeurent en moi. Alors que Le feu de mon père m’avait laissée un peu froide (et j’étais un peu la seule à avoir cet avis, par ailleurs), je ne regrette pas une seconde d’avoir donné une deuxième chance à Michael Delisle. Le palais de la fatigue, c’est un recueil de nouvelles, mais c’est aussi un roman, un conte moderne, des lettres à sens unique… En retrouvant plusieurs des personnages au fil des nouvelles, qui nous sont racontées par le même narrateur, un écrivain en devenir, une profondeur et une cohérence se dégagent du livre de Delisle, qui nous enveloppe dans une ambiance à la fois empreinte de noirceur et de lumière, de cynisme et de réalisme, de naïveté et de franchise. C’est à la fois sensible, lorsqu’il décrit sa venue à l’écriture, et cru, lorsqu’il aborde les diverses relations qu’il entretient avec le monde, avec son entourage. C’est tout simplement magnifique.
J'aime tellement sa fraîcheur, son enthousiasme et son honnêteté. Une vraie libraire passionnée, pas une vendeuses de livres! En tout cas, si j'ouvre un jour une librairie, je la voudrais bien comme gérante!