A mes yeux

Par Wolkaiw


Victor Crescas a perdu depuis des années la trace de son fils Tom, aujourd’hui lycéen. Il le retrouve et s’immisce, sans se dévoiler, dans le cercle de ses proches. Se tissent alors entre tous des liens, complexes et fragiles, de famille, d’amour et d’amitié.
À plusieurs centaines de kilomètres de là, on découvre le corps calciné d’une jeune fille, assassinée par un monstre de dix-sept ans et demi. Le drame du Chambon-sur-Lignon choque la France entière et s’introduit dans la vie de ce groupe atypique jusqu’à en bouleverser le cours.
Un roman haletant, qui explore d’une écriture subtile et poétique les arcanes du mal.

Editions Buchet Chastel     roman 

Je ne sais par où débuter cette chronique, j'ai à la fois tant et si peu à dire. Ce livre appartient à la catégorie de ceux qui vous parlent, qui vous susurrent des mots doux à l'oreille, des mots qui ne laissent personne indifférent et vous incitent à voir la vie d'un autre œil. Avant même de s'attarder au creux de mon oreille, j'ai entendu la douce mélodie qui s'échappait des pages, cet air si léger qu'il vous donne l'impression de flotter sur un nuage. La douceur de l'écriture amène la profondeur de la réflexion, elle nous fait pénétrer plus facilement mais aussi plus intensément les couches successives qui composent la pensée.
Les personnages sont présentés dans leur univers, dans la routine qui constitue leur quotidien. La recherche d'un fils pour l'un, la route de l'école pour les autres. Au fil du récit nous voyons les liens qui les unissent mais aussi et surtout les fantômes qui les hantent. Chacun possède un jardin secret, un petit bout de terre plus ou moins sombre dans lequel il vaut mieux ne pas s'aventurer. le fantôme d'un fils, celui d'un meurtre ou encore d'un père absent, autant de figure qui pèse un peu plus chaque jour, qui s'englue avec insistance dans notre esprit. On peut voir à quel point une enquête avec laquelle nous n'avons rien à voir, peut ébranler un pays ainsi que les familles dans leur intimité. Une jeune fille violée puis carbonisée, une sinistre mort qui résonne dans tout le pays, qui pénètre le cercle familial et les discussions privées.
Le philosophe Ricoeur est souvent convoqué dans ce livre, toute la réflexion prend une autre dimension, on y ajoute une dose de philosophie et une pincée de sentiment. Tout ce qui est fait, tout ce qui est dit a un sens, un but. L'enfant perdu, l'enfant retrouvé, pourquoi ? Tout un mystère plane sur ce lien invisible qui semble les unir, à la fois frêle et intense, une détermination presque obsessionnelle.
Ce roman se déguste, se savoure, mais prendre du recul m'a semblé nécessaire pour tenter de saisir tous les enjeux, toutes les idées qui sont véhiculées. Malgré une lecture attentive, je ne suis pas certaine d'avoir compris tout ce que l'auteure a voulu faire passer. J'ai vu un fabuleux ballet de personnage dont les destins s'entremêlent, dont les idées s'entrechoquent et se croisent. J'ai vu les impacts de la vie de l'autre sur les individus, l'impact de chaque chose, comme appartenant à un rouage plus grand, à l'engrenage de la vie.
Il est très difficile de parler de ce livre tant les émotions qu'il contient sont intenses, elles ne vous gagnent pas directement mais progressivement, tout se fait étape par étape, et c'est à mes yeux la grande force de ce livre.
Je remercie Babelio et l'opération Masse Critique pour cette superbe découverte.