Si Légende marque la septième étape du périple des Petits Pédestres Croustillants, il est pourtant le premier roman de David Gemmell et possède une douloureuse aura. En effet, c'est originalement dans celui-ci que le lecteur découvre Druss, ce personnage phare que vos humbles serviteurs connaissent déjà depuis plusieurs lectures, ayant choisi de découvrir le Cycle de Drenaï dans la chronologie de l'univers.
Et ce fut une étape difficile. Rappelez-vous, dans Loup Blanc, Druss est déjà bien âgé et rencontre quelques difficultés physiques, courbatures, arthrose et fatigue, on sent que le bonhomme, même en restant une formidable arme de destruction massive, est bien parti pour rencontrer son créateur, comme on dit chez les Américains.
Du coup, avant de commencer sa lecture, Titine était déjà bien partagée : l'envie de découvrir ce qui est devenu aujourd'hui un classique de la littérature fantasy et la peur de voir l'histoire de Druss se finir de façon tragique. Mais, en même temps, y a-t-il une autre façon d'en finir, pour ce genre de personnage ?
C'est donc la mort dans l'âme que Titine, accompagnée de ses fidèles compagnons, va vous livrer son humble chronique, tout en essayant de rendre au mieux hommage à l'Homme à la Hache.
Previously in les aventures des Petits Pédestres
Druss est une légende. Ses exploits sont connus de tous. Mais il a choisi de vivre retiré loin des hommes, au sommet d'une montagne. Là, il attend son ennemi de toujours : la mort. Dros Delnoch est une forteresse. C'est le seul endroit par lequel une armée peut traverser les montagnes. Protégée par six remparts, elle était la place forte de l'empire drenaï. C'est maintenant le dernier bastion, car tous les autres sont tombés devant l'envahisseur nadir. Et le vieux guerrier est son seul espoir.
Avant même d'arriver à Dros Delnoch, Druss (et nous aussi) sait qu'il va y passer. Le siège, la guerre qui oppose les Drenaïs et les Nadirs semble perdue d'avance et plusieurs personnages (dont Hewla la sorcière) lui ont déjà prédit sa mort sur les murs de la forteresse dans les tomes précédents. Pourtant, le guerrier, las de sa solitude et terrifié à l'idée de devenir un vieux schnock sénile, décide de tenter le tout pour le tout et de rejoindre son vieil ami qui appelle au secours. C'est sur la forteresse que Druss va montrer une autre de ses facettes, celle de professeur. En effet, aux soldats pour la plupart complètement inexpérimentés, le bonhomme au corps couturé et abîmé va tenter d'insuffler un peu de son pouvoir héroïque et de ses capacités guerrières.
Il me semble l'avoir dit dans la chronique de Loup Blanc mais ça ne coûte rien de se répéter. Vieux Druss est ma version préférée du personnage. Autant Druss le jeune homme m'avait plutôt agacée dans Druss la légende, autant la version âgée me plait et m'émeut. Il est drôle (souvent malgré lui), vulgaire (on ne compte plus les "Allez-vous faire enculer, bande de fils de pute" qu'il brame à longueur de bataille) et possède une sagesse guerrière qui ne peut pas laisser indifférent. Mais dans ce tome, plus encore que dans le précédent, il nous montre une vulnérabilité terrifiante. Terrifiante pour lui, qui sent la vieillesse le vaincre, sans qu'il n'y puisse rien et terrifiante pour nous qui voyons la vie s'écouler de ce personnage, suivi avec passion depuis plusieurs romans. Avec la mort de Druss, c'est toute une ère qui se termine, celle de la suprématie du peuple Drenaï, sauvagement détruit par le rouleau compresseur nadir.
Quittons Druss un instant pour s'intéresser aux autres personnages. Un petit mot sur la quasi unique figure féminine du roman, Virae, qui, si elle fait une apparition remarquée, guerrière, belliqueuse, farouche, perd HYPER rapidement cet aspect fort plaisant pour devenir le cliché de la gonzesse niaise et fadasse quand elle tombe amoureuse de Rek (dont je vais reparler tout de suite après). Décidément, le Davidounet ne sait pas écrire ses personnages féminins, ça en est même rageant. Si on ajoute à ça l'événement complètement watzefuque / deux ex machina / conte de fées de la fin, on remplit le bingo du personnage que, sans lui, le livre, il aurait été vachement mieux ! L'amoureux en question, Rek de son petit nom, a su trouver une place dans la partie "j'aime bien" de mon cœur. Soldat lâche et poltron au début, il va se révéler fort surprenant, plein de courage et de bon sens.
Légende fut une lecture étonnante, où l'on retrouve les ingrédients chers à Gemmell, les longs sièges, les scènes de bataille décrites jusqu'à plus soif, la magie qui tient une place raisonnable, mais importante (petite pensée pour Dardalion, protagoniste de Waylander et le fondateur des Trente, formidable groupe de religieux guerriers retrouvés ici). Pourtant, loin d'être une redite, j'ai trouvé à ce tome une saveur plus pessimiste, plus défaitiste mais aussi beaucoup plus dans l'émotion que les autres, l'espoir semble mourant et on ne peut que se demander comment ça va tourner, tout ce bouzin.
En Bref
Ça y est, c'est la fin d'un cycle. Oui, je sais, il nous reste encore pas mal de roman à lire mais, même si j'espère me tromper, j'ai eu la sensation que quelque chose se terminait ici. Étonnant, pour un tome qui, selon la date de parution, est le premier d'une série. Mention spéciale pour l'auteur d'ailleurs, qui a réussi à caler son histoire à la perfection, les événements du passé de Druss (pas encore écrit à l'époque) trouvent une résonance ici et tous ces clins d'œil font vraiment plaisir à lire. Pour tout vous dire, Titine a eu du mal à se remettre de cette lecture, juste à cause de la fin, qu'elle connaissait pourtant bien avant de démarrer sa lecture. Titine est tristounette mais contente du voyage. Prenons une grande respiration, un saucisson et haut les cœurs ! On y retourne.
Laissons la parole à Druss
"Tu es quelqu'un de direct, fiston, mais tu penses avec tes fesses"
"Au nord, les montagnes tremblent peut-être quand il pète, mais [...] je pense que c'est un sauvage bedonnant qui serait incapable de trouver son nez s'il n'avait pas une carte drenaï."
"Tu penses que tu vas pouvoir t'en souvenir, mon garçon ? Ou est-ce qu'il faut que je te le grave sur cul, en grosses lettres ?"
"Il haussa les épaules et fit ce qu'il faisait toujours quand un problème le dépassait : il l'oublia."
(qui n'a décidément aucun respect pour les aînés)