Barracuda for Ever
Pascal RUTER
Editions Didier Jeunesse, 18 janvier 2017.
256 pages
Dès 10 ans
Thèmes : famille, transmissions intergénérationnelles, histoire, musique, boxe , vieillesse, relation épistolaire, amitié, liberté.
Il est toujours très difficile de parler des livres qu'on a adorés, qui nous ont émus, percutés, fait écho.
C'est le cas, pour moi, avec ce roman.
Pascal Ruter a dû se régaler à l'écrire ! Et moi, je me suis régalée à le lire et le relire.
Pour pouvoir déceler et saisir derrière le vernis des émotions premières toutes les nuances et idées abordées par l'auteur.
Malicieusement entremêlées, elles nous livrent un récit terriblement humain, familial, dur, farfelu, plein de vie, à la fois anachronique et actuel.
Rien qu'à la lecture du résumé, j'étais déjà conquise !
Une histoire de transmission, un grand-père qui s'appelle Napoléon, des références à Rocky et à la boxe, de nombreux clins d'œil... je ne pouvais qu'être attirée!
Napoléon Bonheur ( !) est un grand-père atypique de 85 ans, plein de pep's et de verve, ancien boxeur, ancien taximan, fan de bowling (" Born to win ") et de Claude François.
Il est très complice avec son petit-fils Léonard, 10 ans et avec qui il s'exprime en espéranto (et on devine sans peine tout ce que ce mot et cette langue recèlent de sens cachés).
Surnommé " Coco ", il admire son " empereur ", libre et intemporel, qui ose faire les 400 coups et qui décide de procéder à son " renouvellement ", au grand dam de son fils, Samuel.
Exit sa petite vie " bien rangée ", Napoléon divorce d'avec sa tendre Joséphine, qui retourne vivre dans le sud, qui écrit à Léonard, changements de décors dans la maison, et adoption d'un chien, Point à la ligne.
Non, ils n'approuvaient pas. Surtout mon père. A quatre-vingt-cinq ans, presque quatre-vingt-six, on ne divorce pas. On n'installe pas une salle de gymnastique et on accepte de se faire aider pour refaire son intérieur. Et d'ailleurs, on ne refait pas son intérieur à cet-âge-là. Ni son extérieur. Ni rien. On attend. On attend la fin.
-Mais en fait, continua Napoléon, ce que tu en penses, eh bien je m'en fous. Pas besoin de ton autorisation. Tu saisis ?
Pages 15-16
On imagine aisément leurs relations.
Un fils qui cherche toujours, obstinément, l'approbation de son père, sa reconnaissance, son admiration, son amour et qui ne récolte que des moqueries et des remarques vachardes.
Et ce devant Léonard, à la fois amusé et attristé.
Mais soudain tout s'accélère.
Fidèle à son modèle éponyme, le déclin de Napoléon s'avère aussi inexorable que fantasque et cruel.
On y assiste par les yeux de Coco et le récit qu'il en livre à son nouvel ami Alexandre Rawcziik, solitaire, secret, coiffé d'une casquette bizarre et mis au ban par les autres de la classe.
Mais bientôt, à force d'observer tous ces dessins, je me rendis compte d'une chose qui me pétrifia. Napoléon avait vieilli.
(...)
Autant il me paraissait éternel et invincible en chair et en os, autant sur les dessins il devenait fragile et éphémère.
Page 101.
Le (dernier) combat de ce grand-père qui refuse de voir son affaiblissement dans son miroir et les yeux de ses proches, comme la " déportation " en maison de retraite sous le prétexte qu'il serait vieux, et sa recherche de souvenirs, m'a touchée, émue, fait passer par toutes sortes d'émotions, parfois contraires. Parce que certaines scènes ont méchamment ou joliment fait résonnance...
Les personnages sont très bien campés, réalistes, quand d'autres sont extravagants. Quelques exagérations qui apportent davantage de tendresse et d'humanité au récit.
Tout ce qui est fragile est beau.
Ce roman est un cri.
Un cri de vie, un cri de rage, un coup de poing qui fait réfléchir, rire, craindre, aimer et se projeter : comment ce sera pour nous ? En tant qu'enfants pour nos parents ? Puis nous, pour nos enfants ?
A la fois, j'aimerais tellement vous en dire davantage pour vous convaincre de lire ce roman, mais je ne le ferai pas pour ne pas trahir votre lecture.
Si le format " jeunesse " vous fait fuir (dommage !), sachez que ce roman est aussi édité en " adulte " chez JC Lattès.
" Barracuda For Ever est un livre qui mérite d'être lu à tous les âges de la vie, de circuler dans les familles, et au-delà. Bien sûr, j'ai été moi aussi séduite par la manière délicate de Pascal Ruter de faire marcher si joyeusement ses héros sur le fil ténu de la vie. L'Empereur et son petit-fils dessinent une merveilleuse histoire de transmission mais ce qui m'a serré le cœur tient sans doute dans son intuition, à tous deux, que la liberté est notre bien le plus précieux. D'où cette entrée en résistance, avec une fantaisie irrésistible, contre toutes les contraintes et diktats de la société. Enfin, j'ai aimé cette plume si élégante qui nous murmure d'envisager avec légèreté les choses qui nous tourmentent. Par bienveillance et par amour. "Karina Hocine, directrice générale adjointe des éditions JC Lattès.
Un immense merci aux Éditions Didier Jeunesse pour cette lecture !Sur le même sujet, je vous conseille le roman de Carole Prieur : Une histoire à vieillir debout.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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