Assis de gauche à droite: Pierre Schoentjes, Quentin Volvert,
Pierre Hoffelinck, Joseph Duhamel, Kenan Gorgun, Gérald Purnelle.
Debout de gauche à droite: Laurent Demoulin, Matthieu Donck,
Stéphane Bergmans, Benjamin d'Aoust, Grégoire Polet.
Et Jacques De Decker, son secrétaire perpétuel, s'en est aussi expliqué en début de cérémonie: "La question subsidiaire, celle du genre dans son acception issue de la francisation du mot anglais "gender", nous ne nous la posons pas a priori, ce qui a pour conséquence qu'aucune femme ne figure parmi nos lauréats cette année, évidence qui a déjà été remarquée. J'attribue ce manquement, que je regrette, quoique tardivement, au fait que notre Académie a tendance à se draper un peu trop dans sa dignité d'avoir été la première de langue française à s'être ouverte aux femmes."
Il est vrai que jusqu'aux décès récents de Liliane Wouters, Françoise Mallet-Joris et Claudine Gothot-Mersch, l'Académie belge comptait douze femmes parmi ses quarante membres. "C'est sensiblement supérieur", a poursuivi le maître des lieux et de la cérémonie, "aux huit écrivaines que l'Académie française a admises dans ses rangs depuis plus de trois siècles. Mais ceci, reconnaissons-le, n'est qu'une fragile excuse pour un impair qui ne se reproduira pas. Remarquons que, l'an passé, nous avions, sur ce plan, assuré la parité. Mais répétons que nous déplorons cette évidence, survenue la semaine où la journée de la femme n'a jamais eu autant de retentissement."
Place à ces messieurs, donc. Une séance dans l'assistance de laquelle se trouvaient pour la première fois une bonne série d'enfants de moins de dix ans et même des bébés. Contraste par rapport aux chevelures souvent argentées, si l'on excepte les belles boucles de Grégoire Polet. Plaisir d'entendre les petites jambes galoper dans les allées.
Prix Émile Polak
biennal, destiné à un poète belge de moins de 35 ans.
pour son recueil de poésie "s'effondrer sans" (Æncrages)
En déplacement au Rwanda, le lauréat n'a pu recevoir personnellement son prix.
Prix Quinot-Cambron
biennal, destinée à un essai.
pour son essai "Jacques Izoard et François Jacqmin, deux poètes entre les choses et les mots" (Midis de la Poésie/ L'Arbre à paroles)
Un volume modeste par son format, mais riche de la réflexion qu'il contient, où Izoard et François Jacqmin sont rapprochés sous la formule synthétique de "L'Ecriture et la Foudre". L'exposé naquit d'abord sous forme orale aux Midis de la Poésie, bientôt 70 ans. A propos du livre, "Le Carnet et les Instants" écrit que ces deux poètes se rejoignent dans un refus contrasté de l'approche intellectuelle: "là où Izoard entre en contact avec des matières, des étoffes, usant sans vergogne de l'œil, du doigt, de la langue, du sexe, Jacqmin approche par cercles concentriques, franchissant par paliers les couches invisibles qui ceignent l'essence des choses."
Prix André Gascht de la critique
biennal, attribué à un critique.
pour l'ensemble de ses critiques
Depuis plus de trente ans, Joseph Duhamel accompagne les lettres belges en tant que témoin et analyste. Il a fait partie de l'équipe de la Promotion des lettres, créée lors du festival Europalia de 1980, et intégrée ensuite au Ministère de la Communauté française, fer de lance de la défense et de l'illustration de notre littérature. Il a été le rédacteur en chef du "Carnet et les instants", et il y a beaucoup publié. Dans des essais monographiques, il a étudié Paul Emond et Xavier Hanotte, chez qui il a surtout détaillé le thème du double.
"J'essaie de partager ma passion des lettres belges."
Prix Franz De Wever
annuel, destiné à un auteur belge âgé de moins de 40 ans pour un recueil de nouvelles.
pour son recueil de nouvelles "Détecteur de mes songes" (Quadrature)
"Je m'oblige à écrire une nouvelle par mois depuis dix ans. J'en ai une centaine maintenant. C'est un exercice d'autodiscipline. Passer du festin, le texte long, au régime, la nouvelle."
Prix Robert Duterme
quadriennal, destiné à l'auteur d'un recueil de récits touchant au fantastique.
pour son roman "Relation de Karl Götz" (Murmures des soirs)
Un premier roman très abouti mettant en scène Karl Götz, personnage étrange, insaisissable et plutôt narcissique. Archéologie, recherche d'une pierre philosophale en Tunisie, cité antique dans le désert et quête identitaire. Le jury pense qu'il relève du réalisme magique et du roman initiatique, entre Hermann Hesse et Dino Buzzati. Et que, sous des dehors parfois puérils, il est malicieusement subversif, comme le sont les récits de Hermann Hesse et de Dino Buzzati.
Prix Georges Lockem
annuel, destiné à un poète belge de moins de 25 ans.
pour son recueil de poésie "Ghettos".
Poète de 19 ans, Quentin Volvert maîtrise tous les rythmes et toutes les cadences, du distique au verset, du lapidaire à l'énumération lyrique, du constat philosophique à la vision surréaliste des environnements urbains. De plus, d'un momentum dont il est le contemporain, le poète fait le socle d'une réflexion qui porte sur l'éternel affrontement de l'homme à ses gouffres.
"Quand j'écris, je compose des mots comme une incantation. Je viens de la chanson."
Prix Emmanuel Vossaert
biennal, destiné à un écrivain belge pour un ouvrage en prose ou en vers, et plus spécialement un essai de caractère littéraire.
pour "Ce qui a lieu. Essai d'écopoétique" (Wildproject, 2015).
"Venue des Etats-Unis, l'écopoétique se propose d'étudier le rapport entre la littérature et l'environnement naturel."
Prix Félix Denayer
annuel, destiné à un auteur belge pour l'ensemble d'une œuvre ou pour une œuvre en particulier.
pour l'ensemble de son œuvre
à l'occasion de la sortie de son roman "Tous" (Gallimard)
Lauréat du prix Sander Pierron 2008 pour son roman "Chucho", Grégoire Polet est adepte du roman choral et de la fiction ample comme en témoigne son "Barcelona!", sorti en 2015. Un roman ancré dans la ville qu'il a habitée pendant plusieurs années. Revenu à Bruxelles, il publie "Tous", toujours chez Gallimard, un roman où il prend tous les risques, un roman politique. Un récit gigogne, une sorte de triptyque avec une militante belge d'un mouvement alternatif, handicapée à la suite d’un attentat terroriste, un commissaire européen grec et un manifestant polonais qui demande justice.
Prix André Praga
biennal, destiné à une œuvre théâtrale créée à la scène ou à la télévision.
pour la série "La Trève"
Couronnement d'un nouveau genre audiovisuel, les séries télévisées qui sont enfin nées du côté francophone de la Belgique avec "La Trêve", coup de foudre du public de la RTBF d'abord, de l'audience internationale ensuite.
Pour bien montrer combien sont importants les dialogues dans un scénario, un extrait est projeté. Et la récompense va collectivement au trio de scénaristes.
"Travailler à plusieurs est très jouissif. C'est aussi moins douloureux. Notre postulat de départ était qu'il y ait un récit dans le récit. Comme quand on part avec deux voitures. Il y a le récit encadré chez la psy et la question de savoir pourquoi on a tué. Nous avons de l'intérêt pour le genre policier, mais aussi pour le réel qui est souvent plus inventif que ce qu'on pourrait imaginer."
Prix Verdikt-Rijdams
annuel, destiné à un ouvrage portant sur le dialogue entre les arts et les sciences
pour son roman "Robinson" (Gallimard)
Laurent Demoulin a déjà été couronné par l'Académie. Il reçut le prix Émile Polak 2000 pour le manuscrit de son recueil de poèmes "La Terre retournée." "Robinson" est un livre en marge des genres littéraires: ni roman, ni récit, mais un texte fascinant sur un enfant autiste, écrit par son père dans une langue précise, mesurée, maniant l'humour sans donner au lecteur un sentiment de pitié. Extrait: "Robinson, lui, ne ment jamais. Quand il jette un objet mou, qui atterrit à terre en silence sans que je m'en aperçoive, il me le montre avec une honnêteté confondante. Si, par un signe de la main, il m'indique son gobelet, c'est parce qu'il a vraiment soif et non, comme j'ai parfois tendance à le croire, pour attirer l’attention, pour rester dans la pièce que nous sommes sur le point de quitter, etc. Nulle ruse: la transparence de l’immobilité."
Prix Nessim Habif
Grand prix de la francophonie décerné à un écrivain dont les œuvres sont écrites en langue française.
Comme si le titre de son dernier roman paru, "La matière de l'absence" (Seuil) et pour lequel il était couronné, se concrétisait par l'absence de l'auteur.