Dans les pas de l’ogre Depardieu

Dans les pas de l’ogre Depardieu

Gérard – Cinq années dans les pattes de Depardieu (Mathieu Sapin – Editions Dargaud)

« Moi-même, des fois, je me fatigue… » Entre deux coups de gueule, deux repas pantagruéliques, deux voyages en Russie ou deux tournages, il arrive que Gérard Depardieu s’arrête quelques minutes pour philosopher. Mais malgré ses 140 kilos, il ne s’arrête pas souvent, du moins si l’on se base sur la BD reportage « Gérard ». Un livre fatigant, dans lequel Mathieu Sapin a bien du mal à suivre le rythme infernal imposé par l’acteur français. Depardieu, c’est un peu la version moderne d’Alexandre Dumas: il est tout le temps dans l’excès. D’ailleurs, lorsque Gérard Depardieu décrit l’auteur des « Trois Mousquetaires » et du « Comte de Monte-Cristo », on a l’impression qu’il parle de lui. « Dumas aimait manger, forcément, comme il aimait baiser, comme il aimait la vie », s’enthousiasme-t-il. « Ce que j’aime chez Dumas, c’est sa démesure. C’était quelqu’un qui était un ogre… vraiment! Et en même temps extrêmement raffiné. » C’est sur les traces d’Alexandre Dumas en Azerbaïdjan, à l’occasion d’un reportage pour Arte, que Gérard Depardieu fait la connaissance du dessinateur Mathieu Sapin en 2012. A la base, leur collaboration devait être une expérience de courte durée, à l’initiative d’un ami producteur de Gérard Depardieu. Mais après des débuts hésitants, liés surtout à la personnalité très impressionnante de l’acteur, Mathieu Sapin est parvenu à gagner la confiance de l’interprète de « Cyrano de Bergerac » et des « Valseuses ». A un tel point que la star française a fini par accepter que Mathieu Sapin partage son univers et son intimité pendant cinq ans, que ce soit dans son hôtel particulier parisien, lors d’un tournage avec Fanny Ardant au Portugal ou durant ses voyages en Russie, le pays de son grand ami Vladimir Poutine.

Dans les pas de l’ogre Depardieu

Ces dernières années, Mathieu Sapin a surtout fait parler de lui grâce à François Hollande. D’abord avec « Campagne présidentielle », un album dans lequel il raconte la campagne du candidat socialiste dans les mois précèdant son accession à la présidence. Et puis dans « Le Château », qui constitue une plongée dans les coulisses de l’Elysée. Fort du succès de ces deux BD reportages, le dessinateur s’attaque aujourd’hui à un plus gros morceau (littéralement) en dévoilant la face cachée du mythe Gérard Depardieu. Une expérience sacrément plus rock’n’roll qu’avec François Hollande. Sans surprise, on découvre que le président français est d’ailleurs loin d’être le meilleur ami de l’acteur, ce dernier n’hésitant pas à le traiter de « petit bolchévique de l’Elysée ». La vie avec Depardieu n’est vraiment pas de tout repos. D’une part, parce qu’il est souvent totalement incontrôlable. D’autre part, parce qu’il est en permanence sollicité de tous côtés, que ce soit pour répondre à des journalistes, prendre des photos avec des fans ou investir dans des oeuvres d’art ou des produits alimentaires. Sans être un chef d’oeuvre inoubliable, le livre « Gérard » est un reportage fascinant car il nous permet de passer 150 pages aux côtés d’un être véritablement hors normes, un monstre sacré qui se révèle aussi attachant qu’énervant. En s’immergeant totalement dans l’univers de l’interprète d’Obélix, Mathieu Sapin nous fait découvrir un être complexe, torturé, toujours en quête de nouvelles expériences. Un homme qui peut être à la fois un mélomane éclairé et un beauf capable des pires grossièretés. A la fin de l’album, on découvre que l’acteur pense qu’il n’en a plus que pour 7 ou 8 ans à vivre. Cela dit, la mort ne l’inquiète pas car « quand t’es en vie et que tu penses à quelqu’un, il n’est jamais mort ». Quand on vous disait que Gérard Depardieu est aussi un philosophe…