Des souris et des hommes

Par Wolkaiw


Titre original : Of Mice and Men ( 1937 )
Lennie serra les doigts, se cramponna aux cheveux.
- Lâche-moi, cria-t-elle. Mais lâche-moi donc.
Lennie était affolé. Son visage se contractait. Elle se mit à hurler et, de l'autre main, il lui couvrit la bouche et le nez.
- Non, j'vous en prie, supplia-t-il. Oh, j'vous en prie, ne faites pas ça. George se fâcherait.
Elle se débattait vigoureusement sous ses mains...
- Oh, je vous en prie, ne faites pas ça, supplia-t-il. George va dire que j'ai encore fait quelque chose de mal.
Il m'laissera pas soigner les lapins.

Editions Folio   Classique    190 pages

Des souris et des hommes nous propose un récit spontané et sans détours, un style simple et direct qui relate la vie de deux hommes lors de la Grande dépression aux USA dans les années 30. Une tension presque insoutenable plane dès les premières pages, une description d'un lieu, d'une ambiance, on ne sait que penser. Peu à peu l'atmosphère s'assombrit, l'apparition de George et Lennie offre de nombreuses perspectives, l'aventure commence.
De nombreux dialogues ponctuent et rythment le récit, créant une certaine dynamique, un mouvement qui aspire le lecteur au cœur des conversations, de la trivialité des échanges. Des échanges courts, intenses, répétitifs ou brefs, spontanés ou provoqués, une parole qui se lie ou se délie dans un contexte où la tension est omniprésente, où chaque mot doit être pesé, soupesé, analysé avant d'être prononcé.
George et Lennie forment un duo improbable, deux gabarits, l'un petit, l'autre énorme ; deux personnalités, l'une marquée et vive, l'autre plus effacée et abrutie. Un lien très fort semble les unir, un lien qui n'est pas identifiable dans l'immédiat, un lien ténu qui se dessine et s'affirme au fil du récit. Le rêve d'un petit lopin de terre, d'une ferme avec des animaux, le rêve des journaliers qui sillonnent le pays à la recherche d'un ranch, d'un travail, le rêve décrit par George à Lennie, une idée fixe qui s'ancre dans l'esprit des deux personnages aussi intensément que dans celui du lecteur.
On ne sait presque rien des personnages, et c'est sans doute voulu, le but n'est sans doute pas d'en apprendre plus sur eux mais de les découvrir dans leur quotidien, dans la banalité de leurs actions et paroles.Une certaine distance est instaurée, un mur est érigé en même temps qu'une proximité s'installe, un curieux mélange qui surprend et déroute. On se familiarise avec les personnages sans pour autant les connaître, comme Slim, Candy, Whit, Crooks, Curley, la femme de Curley, George et Lennie. Lennie... à la fois touchant et effrayant, effrayant non pas parce qu'il provoque de la peur, mais plutôt parce qu'il provoque une certaine forme de pitié, un attachement presque inévitable à ce balourd naïf. On se sent ébranlé par l'innocence et la simplicité de Lennie, sa condition nous frappe de plein fouet.
Des souris et des hommes c'est tout un quotidien qui se construit et se déconstruit. La place de chacun semble inscrite et comme gravée dans le marbre, celle du nègre et celle de la femme, celle de l'infirme comme celle du provocateur, tout cela évoque une réalité troublante qui déstabilise par sa simplicité. La fin du récit semble inévitable, une fin que l'on devine et que l'on imagine. Une fin prévisible qui arrive à nous surprendre, presque à nous émouvoir.

En bref, un récit qui frappe par sa simplicité apparente et la richesse de ses dialogues. Une simplicité qui délivre bien des messages, qui cache de nombreux sous-entendus et nous livre un superbe portrait d'une frange de la population. J'ai aimé ce livre, ce qu'il dégage, sa spontanéité et tant d'autres choses.