Elle voulait juste marcher tout droit.Sarah Barukh.Editio...

Par Autantenemporteleslivres
Elle voulait juste marcher tout droit.Sarah Barukh.Editions Albin Michel.423 pages.En librairie depuis le 1 février 2017.

Résumé:1946. La guerre est finie depuis quelques mois lorsqu’Alice, huit ans, rencontre pour la première fois sa mère. Après des années à vivre cachée dans une ferme auprès de sa nourrice, la petite fille doit tout quitter pour suivre cette femme dont elle ne sait rien et qui lui fait peur, avec son drôle de tatouage sur le bras. C’est le début d’un long voyage : de Paris à New York, Alice va découvrir le secret de son passé, et quitter à jamais l’enfance.Mon avis:Vous connaissez sans doute si vous me suivez régulièrement mon amour pour les romans traitant de la seconde guerre mondiale. Je ne pouvais donc évidemment pas passer à côté de celui-là qui avait tout pour me plaire. Je remercie ainsi Albin Michel pour l'envoi de ce titre.

Elle voulait juste marcher tout droit c'est l'histoire d'Alice, une petite fille de 6 ans qui a eu la malchance de naître pendant la guerre. Placée dès sa naissance par sa mère chez Jeanne sa nourrice, la petite grandit dans l'amour de cette dernière, mais avec aussi dans la tête tout un tas de questions auxquelles personne ne veut répondre. Où est sa mère ? Qui est son père ? Pourquoi doit-elle se cacher et se faire passer pour la fille de Jeanne ? Pourquoi certaines personnes sont-elles emmenées et disparaissent du jour au lendemain? Parce que c'est la guerre lui répond-t-on. Car comment expliquer à une petite fille qui voit encore le monde comme un endroit merveilleux, toutes les atrocités que les hommes peuvent commettre ? "Mais c'est quoi la guerre ?" Alice est triste mais est surtout en colère contre les adultes qui ne lui expliquent jamais rien et qui décident de tout à sa place. Comment ne pas être touché par la candeur et l’insouciance de la petite fille, qui du haut de son jeune âge, et à travers ses yeux d'enfant, cherche à comprendre les choses étranges qui se passent autour d'elle ? Peut-on vraiment vivre normalement dans un pays ravagé et si on ne sait rien de ses origines ? 
"Tout le monde te dit que pour savoir où on va, faut savoir d'où on vient, et que tout ça, ça dit qui on est. Foutaise. La seule chose qui est vraie, c'est le moment présent, ce que tu vis, ici et maintenant."
Alice est bien évidemment très jeune, elle a donc les réflexions naïves de son âge, mais elle est aussi très intelligente, très courageuse, et surtout très attentive à ce qui l'entoure. Elle comprend par elle-même petit à petit certaines choses, sans en saisir parfois véritablement le sens. Elle m'a énormément touché et je me suis de plus en plus attachée à elle au fil du roman. Malgré l'amour de Jeanne son quotidien n'est pas toujours facile, car elle vit dans l'attente et dans l'espoir de revoir un jour sa mère, mais elle doit aussi supporter le rejet de ses camarades de classe qui se moquent d'elle. Lorsque enfin sa mère revient elle ne ressemble pas à l'image qu'Alice s'était faite d'elle. Triste, renfermée, par moment apeurée et sauvage, la cohabitation ne va pas être simple et Alice toujours en quête de réponses va cumuler sans s'en rendre compte les maladresses. C'est un roman que j'aurais lu d'une traite si j'avais pu ne pas m’arrêter. La plume de Sarah Barukh est sublime, pleine de sensibilité. J'ai relu plusieurs fois certains passages qui étaient tout simplement beaux, touchant et qui retranscrivaient exactement l'émotion des personnages. L'auteure arrive indéniablement à se fondre dans la peau d'une enfant en manque de réponses et d'amour, mais aussi dans celle d'un adulte changé à jamais par la guerre.
"Finalement, l'après-guerre, c'est encore plus dur que la guerre. (…) Les héros et les traîtres doivent cohabiter. C'est dur quelqu'un qui revient, parce que plus personne n'est pareil qu'avant. Mais c'est encore plus dur quelqu'un qui ne revient pas. C'est dur d'avoir moins souffert que les autres, d'être encore là, et c'est dur d'avoir souffert..."

"La vie n'est pas décevante tu sais, c'est l'écart entre ce que nous projetons et la réalité qui est intolérable."Le roman est divisé en plusieurs parties qui marquent à chaque fois un tournant dans la vie d'Alice, ainsi notre curiosité est attisée et notre envie de savoir comment tout cela va finir pour la petite est de plus en plus forte. De nombreux autres personnages vont croiser sa route, dont je ne vous parlerai pas pour ne pas vous en dire trop, mais qui toutes vont lui permettent à leur manière de faire peu à peu lumière sur son passé. Ces rencontres vont la faire mûrir plus vite que les autres, car malheureusement elle va assister malgré elle à des choses difficiles auxquelles une enfant n'aurait jamais dû avoir à faire face, comme l’assassinat d'un homme par un allemand, une tentative de suicide, la folie et le désespoir de certains déportés traumatisés... La relation qu'elle va entretenir avec un certain Vadim qui lui aussi n'est pas ressorti indemne de ce conflit, est terriblement touchante car ils vont s'appuyer l'un sur l'autre pour s'en sortir. C'est un roman sur la quête de soi, sur comment trouver sa place dans un monde meurtri, sur comment réussir à refaire sa vie, à continuer à vivre lorsque l'on a vu tant d'horreurs et connu tant de souffrance, sur comment vivre avec une famille qui nous est étrangère. Un livre qui m'a mis les larmes aux yeux à plusieurs reprises et que j'ai refermé le cœur serré.

"- Comment on vit quand ceux qu'on aime disparaissent ? Moi, je ne pourrai pas.
- Tu feras avec, comme tout le monde. Tant que la musique est là, on continue à danser."

Pour conclure:Un roman magnifique porté par une plume sublime sur les ravages de la seconde guerre mondiale vue à travers les yeux d'une enfant, mais aussi sur l’après-guerre, la quête de soi, de ses origines, et comment se reconstruire après un tel traumatisme. Une auteure que je relirai sans aucun doute. En attendant je ne peux que vous conseiller bien évidemment ce premier roman.

Ma note: 20/20. Un coup de cœur!