L’animal et son biographe de Stéphanie Hochet aux éditions Rivages
« Les jeunes auteurs et les écrivains plus anciens mais dont la notoriété demeure modeste ont en commun d’être invités à des conférences estivales dont personne n’a eu vent, à l’exception des vacanciers des campings participant à l’animation « littérature en tongs », une parenthèse culturelle parfois perçue comme une activité parmi d’autres, un passe-temps simplement moins fatigant que le ski nautique ou les matchs de ping-pong. »
Un soir après l’une de ces séances en camping, elle est conduite dans une maison où elle est censée passer la nuit. Elle se rend compte que la demeure est isolée, que le réseau téléphonique est inexistant, qu’elle n’a aucun moyen de communication. L’organisation doit venir la chercher, mais quand ? Elle est hébergée par un couple avec qui le dialogue est difficile : l’homme est sourd-muet et la femme élude ses questions.
Elle fait la connaissance du maire de Marnas, une force de la nature au charisme de gourou. Après une conférence, il l’emmène visiter sa fierté : son musée des espèces dans lequel se côtoient animaux empaillés et hommes plastinés. Une véritable galerie des horreurs qui frappe la jeune écrivain de stupeur, surtout quand l’édile lui affirme qu’ila mis en pratique les thèses soutenues dans ses romans. Mégalomane, le maire de Marnas veut laisser sa trace dans l’histoire. Il veut faire revivre l’aurochs préhistorique. Des aurochs avaient déjà été recréés génétiquement par les nazis, mais ils étaient imparfaits. Avec l’aide financière de l’Organisation et des éleveurs, il a réussi à faire renaître l’aurochs de Lascaux. De cet aurochs, il veut faire un mythe, or pour créer une légende, il faut un texte, c’est là que notre héroïne intervient.
La jeune écrivain, d’abord réticente, consciente d'avoir été manipulée, accepte la proposition du maire. Elle se laisse même gagner par l’enthousiasme à créer ce mythe de l’aurochs. Cependant, elle se rend bien compte qu’elle n’est pas libre de ses mouvements. Certes, elle peut aller et venir à sa guise, mais elle est hébergée au milieu de nulle part et est dépendante des ses hôtes. Elle se laisse enfermer dans ce labyrinthe dont le minotaure est le maire dela commune.
Après une première partie assez humoristique bien que réaliste sur le métier d’écrivain, l’atmosphère s’alourdit au fil du roman. L’auteur revisite le mythe du minotaure, enfermant sa narratrice mais aussi son lecteur dans un labyrinthe sans issue. Stéphanie Hochet nous plonge dans une atmosphère inquiétante et onirique où la relation entre « l’animal humain » et la « personne animale » est omniprésente. Ce thème de notre rapport à l’animal est très cher à l’auteur (voir Éloge du chat). Stéphanie Hochet nous égare dans ce labyrinthe avec talent, une belle réussite.
« L’écriture doit permettre de retrouver l’animal qui existe en soi. De retrouver la spiritualité qui incita nos ancêtres du paléolithique à peindre des aurochs et des mammouths en majesté sur les murs des grottes. (…) Il y a une époque où l’animal était notre divinité, nous habitions le même monde et nous lui laissions une place magnifique dans la création. Cette époque demeure quelque part en nous, elle demeure enfouie dans notre mémoire collective, trace recouverte de millénaires de civilisation, mais elle n’a pas disparu. Elle est source d’énergie. »Autres oeuvres de Stéphanie Hochet chroniquées sur le blog :Éloge du chat : http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2014/03/eloge-du-chat.htmlUn roman anglais : http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2015/05/un-roman-anglais.html