Sur cette terre comme au ciel. Davide ENIA - 2016

Sur cette terre comme au ciel. Davide ENIA - 2016

Sur cette terre comme au ciel

Davide ENIA

Traduction : Françoise BRUN

Editions Albin Michel, août 2016. (Italie, Così in terra - 2012)

416 pages

Thèmes : Sicile, famille, guerre, transmission intergénérationnelle, corps, boxe, amitié, amour, quête initiatique, masculinité, dialecte.

Dans le cadre du Challenge " Il viaggio ", Martine nous emmène en Sicile et nous a proposé de faire une Lecture Commune autour de ce livre. C'est donc sans rien en savoir (mais avec confiance !) que je me suis laissée embarquer dans ce (premier) roman cru, dur et beau, à la narration atypique.

Sur cette terre comme au ciel. Davide ENIA - 2016

Davide Enia nous emmène à la rencontre d'une famille palermitaine des années 1980, et nous fait remonter son histoire sur trois générations par le biais de portraits croisés, et essentiellement masculins.

Davidù a 9 ans au début du roman et nous le suivons durant une petite dizaine d'années.

Orphelin de père, élevé par sa mère (Zina) infirmière, ses grands-parents paternels et son grand-oncle, on le voit grandir, s'affermir, se chercher, tomber amoureux, éclore...

Bien qu'il s'en défende, il devient l'ami de Gerruso, souffre-douleur de la bande d'alors. La Principale qualité de ce dernier étant qu'il est le cousin de la belle et indépendante Nina, cheveux roux, yeux noirs, une odeur de citron et de sel... Et dont il tombe amoureux dès le premier regard. Ces deux-là n'auront de cesse de se retrouver de manière décousue, mais prégnante, tout au long du roman.

De son grand-père Rosario, de son grand-oncle Umbertino et de son père, Francesco surnommé le Paladin, il a hérité le goût, et le don, de la boxe.

Lui-même appelé Poète (merci Nina !) sur le ring, il évolue rapidement, enchaîne les entraînements et les matchs en vue de la finale.

Une finale qui cristallise tous les espoirs et rêves de ces hommes, un titre qui leur a toujours échappé.

Mais loin de l'étouffer, cela le porte, l'enrichit et le galvanise. Il est leur continuité.

Car il connaît les parcours de ses aînés, leurs expériences avec et sans les gants, les âpretés et vicissitudes de leurs vies. Il apprend la valeur de la persévérance et du courage. Le rapport au corps est très présent dans ce roman, tant par les efforts (pour le sport notamment) que les privations.

En trois parties non chapitrées, au gré d'une chronologie bouleversée, faite d'allers-retours entre le présent et un passé plus ou moins lointain (deuxième guerre mondiale) et de passages d'un personnage à un autre avec juste un saut de ligne, l'histoire de chacun nous est contée. Ce puzzle donne envie d'en savoir toujours plus.

Par exemple, l'issue d'un match nous est dévoilée avant son déroulement, lui-même décrit par petits bouts. Le parallèle avec le cheminement de Davidù se fait alors tout en subtilités.

Il y a :

Rosario, son grand-père. Cuisinier, il pèse chacun de ses mots. Prisonnier dans un camp d'Afrique du Nord durant la Deuxième Guerre mondiale, il a ensuite du partir en Allemagne pour subvenir aux besoins de sa famille. Il est marié à Provvidenza, une ancienne institutrice qui a tenu à enseigner le latin et la valeur des mots à son petit-fils.

Umbertino, son grand-oncle maternel, qui a connu les bombes américaines sur la Sicile, ancien boxeur entraîné puis lâché par le Nègre et devenu gérant d'une salle de boxe.

Comme entraîneur, il utilise des méthodes dites " à l'ancienne " et avec son compère Franco, il use de procédés bien peu orthodoxes, mais bigrement efficaces, pour affaiblir les adversaires de Davidù.

Il est un modèle à la fois paternel, viril et machiste.

Francesco, son père, l'absent dont l'ombre et le souvenir se rappelle à chacun et partout, jusque dans le fragment brisé d'un verre.

Comme dans un jeu de miroir opposé, Davide Enia, nous dresse le portrait de sa ville, Palerme. Précarité et mafia gangréneuse, il s'en émane une atmosphère torve, sale et menaçante. Et parmi laquelle, la jeunesse tente de sortir.

Mais quelque chose s'était cassé. La guerre, avant, elle était dans les récits des survivants, ces souvenirs qui se transmettaient à la fin du déjeuner le dimanche. Les ruines toujours présentes dans le centre-ville nous rappelaient que oui, il y avait eu une guerre, et destructrice, mais finie. L'explosion d'une bombe, par contre, ramena la guerre dans le présent.
Ce fut un point de non-retour, rien à voir avec les coups de feu échangés. On ne pouvait plus faire semblant. Le quotidien en fut bouleversé, la ville aussi, qui connut la militarisation massive. La première conséquence de ce climat de tension fut l'affinement de l'art du " quartiò ", cet art de flairer le danger.

Page 311

Ce bouillonnant premier roman (mais pas premier écrit de l'auteur) est un pari osé, audacieux, et brillamment relevé.

Sa thématique et sa narration, empreinte de dialecte sicilien, m'ont totalement immergée, et j'espère vous avoir donné envie de le lire ! Sur cette terre comme au ciel. Davide ENIA - 2016

Découvrez les avis de Martine (merci beaucoup!), Paolina, Marion, Eimelle, Victoria, et Olivier.

Ce roman participe aussi au Challenge " 1% Rentrée Littéraire 2016 " de Sophie Hérisson (35/18). cette terre comme ciel. Davide ENIA 2016

Sur le travail des Italiens d'après-guerre partis loin de chez eux pour gagner de l'argent, je vous conseille la lecture de l'album Mon papa pirate de Davide Cali. CLIC

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

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