Encore – Hakan Günday

Couverture Encore

Résumé :

« Gazâ a neuf ans et vit sur les bords de la mer Égée. Il travaille avec son père Ahad, passeur de clandestins. Ils entreposent dans un dépôt les individus qui viennent de parcourir plusieurs milliers de kilomètres. Un jour, Gazâ cause la mort d’un jeune Afghan. Dès lors, le garçon ne cesse de penser à lui et conserve précieusement la grenouille en papier qu’il lui avait donnée – ce qui ne l’empêche pas de devenir le tortionnaire des clandestins qui ont le malheur de tomber entre ses mains. Un soir, tout bascule, et c’est désormais à Gazâ de trouver comment survivre… »

Mon avis :

Je remercie tout d’abord les éditions Livre de Poche pour l’envoi de ce livre.

Lorsque je parcourais la sélection du mois, aucun titre ne m’a sauté aux yeux. J’ai du lire chaque résumé afin de faire mon choix et Encore s’est démarqué. C’est la première fois que j’avais l’occasion de lire une oeuvre qui traitait de la crise des migrants. C’est pourtant un sujet inévitable dans notre société actuelle… Je me suis alors dit que c’était important, qu’il fallait absolument que je découvre ce livre. D’autant plus qu’il est écrit du point de vue d’un jeune garçon turc, c’est-à-dire un enfant vivant entre l’enfer que les migrants cherchent à fuir et le paradis qu’ils espèrent trouver.

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Gazâ est un jeune turc qui vit seul avec son père, Ahad. A première vue, c’est un garçon ordinaire. Il va à l’école et a de bonnes notes. Cependant, lorsqu’il n’est pas à l’école, il doit travailler aux côtés de son père. Cela ne pourrait être qu’un détail, qu’un élément qui montre que Gazâ et Ahad ne croulent pas sur l’or. Mais c’est plus que ça, bien plus que ça. Ahad est passeur de clandestin. Il prend en charge des êtres humains qui ont tout quitté dans leur pays par désespoir et qui espèrent trouver une vie meilleure en Europe. Entre deux transports, les migrants sont parqués dans un entrepôt, près de la maison de Gazâ. Très vite, le garçon se voit confier des responsabilités. C’est lui qui doit surveiller la marchandise et s’assurer qu’elle reparte en bonne état. Il doit distribuer – ou plutôt, vendre – l’eau et la nourriture. A seulement neuf ans, il sait qu’il peut exercer un certain pouvoir sur ces gens qui sont, malgré leur âge, plus faibles que lui. Il sait également, par expérience, qu’il a le pouvoir de vie ou de mort… Bien qu’il soit habitué à cette situation, il voit arriver la fin du collège comme un soulagement. Faisant partie des cents meilleurs étudiants de Turquie, il peut prétendre à un bon lycée. Il va enfin pouvoir échapper à cet enfer. Enfin, c’est ce qu’il croyait…

C’est ainsi que cette année-là, à peine sorti de l’école, je devins passeur de clandestins. A 9 ans… ça ne changeait pas grand-chose. J’étais déjà le fils d’un passeur.

Mon avis sur ce livre est, dans l’ensemble, très positif. Du début à la fin, j’ai été complètement happée par l’histoire de Gazâ, même si au final, je me rends compte que j’ai détesté ce personnage. Il est vrai que si le jeune garçon est aussi odieux, c’est à cause du métier de son père. Cependant, cela ne l’excuse pas pour toutes les horreurs qu’il a commises de son propre chef. A vrai dire, Gazâ m’a vraiment mis mal à l’aise. Son état psychologique est assez désastreux et, puisque c’est lui qui raconte son histoire, nous avons accès aux recoins les plus sombres de sa conscience. Parfois, c’est très dur. Certains passages sont clairement écœurants. Je n’ai pas non plus aimé la façon dont ce personnage évoluait. Attention, je dis que Gazâ est un personnage que j’ai détesté, mais cela ne veut pas dire que j’ai détesté découvrir son histoire. C’est juste que ce personnage me perturbe vraiment et je n’ai pas ressenti la moindre sympathie ni pitié à son égard. En fait, je me rends compte que je ne me suis attachée à aucun personnage, je les ai tous trouvé odieux. A la limite, je pourrais dire que j’ai apprécié Felat et Cuma, deux personnages importants qui brillent par leur absence…

Je pense qu’il était dingue. En fait, je crois qu’ils étaient tous dingues. Tous ces Ouzbeks, Afhans, Turkmènes, Maliens, Kirghizes, Indonésiens, Birmans, Pakistanais, Iraniens, Malais, Syriens, Arméniens, Azéris, Kurde, Kazakhs, Turcs, tous… Il faut être fou pour pouvoir supporter tout ça.

D’ailleurs sur ce point, j’étais un peu déçue. Cuma, ce jeune afghan dont on parle dans le résumé, semble occuper une place prépondérante dans l’histoire. La petite grenouille en papier qu’il donne à Gazâ se retrouve même sur la couverture. Pourtant, en lisant ce livre, je n’ai pas compris pourquoi Cuma était mis autant en avant. D’accord, Gazâ pense à lui, ponctuellement, tout au long du livre, mais de là à en faire un élément central du résumé… Je ne sais pas, je reste perplexe sur ce personnage. A la limite, Rastin m’aurait semblé plus important. Il est plus présent et fait partie d’un grand projet mené par Gazâ. Ce serait plus légitime de le mettre en avant.

Je hais l’espoir, cette calamité qui fait rêver les enfants les plus désemparés !

En ce qui concerne l’histoire en elle-même, elle m’a captivée. Dès les premières lignes, j’étais très intéressée par le récit de Gazâ. En tant qu’Européens, on ne connait que peu de choses des migrants. On voit au journal leur arrivée en bateau en Grèce, ou leur vie dans les bidonvilles de Calais. C’était donc assez intriguant, et même effrayant de découvrir « l’envers du décor » et toutes les épreuves que ces gens doivent traverser avant d’atteindre leur objectif final. On en apprend plus sur cette micro-économie qu’est le trafic d’êtres humains. C’est vraiment affolant de voir que les personnages en apparence respectables sont souvent les plus abjectes. Puis, à partir de la deuxième partie, nous suivons Gazâ dans sa quête de rédemption et dans sa découverte approfondie de l’espèce humaine (mais je ne vous en dévoilerais pas plus pour ne pas vous spoiler). J’avoue qu’à un moment, je me suis demandé pourquoi il me restait encore 200 pages à lire puisque le « principal problème » était réglé. Au final, cette partie ne m’a pas déçue par son contenu, mais le rythme étant moins soutenu, je l’ai trouvé un peu plus ennuyante. Quant à la toute fin du livre… Je suis extrêmement frustrée! Je ne m’attendais pas du tout à ça et pour être honnête, j’aurais préféré que l’histoire s’arrête quelque pages avant.

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Le style de l’auteur m’a bien plu en général. Je n’ai pas eu un coup de coeur pour la plume de Hakan Günday, mais elle n’en est pas moins agréable à lire. Malgré les sujets abordés, qui sont souvent lourds ou dérangeant, le style reste fluide et plutôt simple à lire. En revanche, à certains moments j’ai trouvé quelques longueurs. Tout un paragraphe de périphrases pour décrire une sensation par exemple. C’est le genre de choses que je n’apprécie pas puisque je suis (malgré moi) dépourvue de toute fibre poétique. Quand je vois ce genre de répétitions, ça me fait un peu penser à Kuzco voyez-vous (Oh, right. The poison. The poison for Kuzco, the poison chosen especially to kill Kuzco, Kuzco’s poison. That poison? – Pardonnez mes références). Donc bon, à certains moment, j’avais tendance à vouloir lire en diagonale pour en revenir à l’essentiel.

En bref, lire un roman de ce genre était une expérience inédite pour moi. Je ne le regrette absolument pas, le style de l’auteur étant agréable à lire et l’histoire étant captivante. Les personnages ne m’ont inspirée aucune sympathie mais j’ai trouvé leurs aventures intéressantes. Ce livre est très instructif et nous fait ouvrir les yeux sur cet immondice qu’est le trafic d’êtres humains. En revanche, quelques petits détails comme des descriptions à rallonge m’ont fait passée à côté d’un coup de coeur. Il n’empêche que ce livre est très émouvant et très bien écrit. Je vous encourage à le lire.

Note : 16/20
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C’est pour cela que nous mangions et avions besoin de manger. De nous dévorer mutuellement, de croquer toutes sortes de choses. Nous en avions besoin. Pour grandir le plus vite possible, crever et laisser la place à d’autres. Pour que commence une nouvelle époque. Ressemblant le moins possible à celle-ci… Parce que nous avions compris qu’il ne sortirait de nous rien de bons.

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