Ecrit par Tanguy Viel
Editions de Minuit
Paru en janvier 2017
174 pages
« C’est une drôle d’affaire la pensée, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas qu’il y ait long en distance du cerveau vers les lèvres mais quelquefois quand même ça peut vous paraître des kilomètres, que le trajet pour une phrase, ce serait comme traverser un territoire en guerre avec un sac de cailloux sur l’épaule, au point qu’à un moment la pensée pourtant ferme et solide et ruminée cent fois, elle préfère se retrancher comme derrière des sacs de sable. »
Et c’est tellement une drôle d’affaire la pensée de Martial Kermeur, qu’elle a besoin de longues phrases sinueuses pour s’exprimer, comme si le personnage réfléchissait profondément en parlant, pour chercher l’essence des choses.
Et quel texte que celui-ci ! Ce long monologue est envoûtant, la musique des mots est ensorcelante. Arrivée aux dernières pages, j’ai ralenti mon rythme de lecture pour rester encore un peu avec ce personnage si entier, si honnête, si touchant, si juste. Dans le langage simple des hommes du peuple, il utilise des métaphores éloignées des clichés. Bel exemple de la puissance du langage !
Ce roman est d’un réalisme forcené. On est à côté du juge, on écoute cette histoire avec intérêt, on est le juge, on comprend.
Mais que dit ce roman ? Quel en est le sujet ? Martial Kermeur est interrogé par un juge d’instruction. Il vient de tuer un homme en le jetant à la mer. Il raconte.
L’humanisme qui se dégage de ce texte fait plaisir et, en ces temps de crise politique où la plupart des hommes de pouvoir ont quelque chose à se reprocher, cette histoire nous permet d’espérer, de croire en une justice plus juste, plus équitable.
J’aime décidément beaucoup, beaucoup, cet auteur.