Toile de dragon
Texte de Muriel ZÜRCHER
Illustrations de Qu LAN
Editions Picquier Jeunesse, octobre 2014
Dès 7 ans
Notions abordées : Chine, art éphémère, beauté, rumeur, ordre, liberté, philosophie, quête initiatique.
Quelque part dans l'immense Chine impériale.
Thong-Li est un jeune garçon qui vend au marché les poissons que pêchent ses parents. Dès qu'il le peut, il dessine. Son imagination n'a de limites que celles du temps. A chaque lendemain, ses œuvres ne sont plus, emportées par le vent et la pluie.
Un jour, un mendiant lui fait un double présent. Un bâton d'encre, une pierre pour l'écraser, un pinceau fin. Et un conseil :
Veille à ne pas tracer les limites de ta liberté.
N'ayant pas de papier, Thong-Li se sert du seul support à sa disposition pour peindre un vieux dragon, avec ses cornes, sa queue courbée et ses ailes déployées.
Il en dessine chaque écaille, chaque griffe, chaque détail.Ses traits délicats n'alourdissent ni ne crèvent le fragile édifice sur lequel ils sont tracés.
Le dragon est aérien, léger, magnifique.
La rumeur s'envole et arrive jusqu'à l'Empereur qui le somme de se rendre au Palais.
Il se voit contraint de représenter un dragon sur toutes les toiles des 1001 pièces du Palais.
En récompense, l'Empereur lui offre le luxe et la vie. Mais s'il est déçu, la mort l'attend...
Thong-Li s'exécute, mais plus il peint, plus les jours passent et plus sa joie et sa vie s'étiolent...
Ses peintures s'en ressentent...
Quand enfin le 1001e jour est arrivé, il sait quoi représenter mais l'Empereur ne saisit ni la poésie ni la portée de son tableau.
Il ne doit son salut, et sa liberté, qu'à un nouveau caprice de l'Empereur pour une beauté tout aussi délicate et évanescente que celle qui émanait de son pinceau.
C'est avec émotion que je retrouve le travail illustratif de Qu Lan, admiré dans Le Chat Bonheur.
Ses dessins sont saisissants de beauté, de réalité tactile et délicate malgré leurs teintes souvent sombres, même lorsque les couleurs sont chaudes. Ils sont graves comme la portée du texte, poétique et philosophique, qui recèle beaucoup de surprises, de parallèles.
Il sent la caresse de l'herbe mouillée sous ses pieds nus.
Il écoute le chant des oiseaux. La vie imprègne son corps, son cœur, son être.
Comme il aimerait retrouver ses parents dans leur petite maison de terre !
L'art peut-il s'approprier, s'acheter ?
Quelle valeur lui donner ?
L'Art peut-il être libre, ou le doit-il ? La liberté physique conditionne-t-elle la liberté créatrice ?
L'Art n'est-il pas ce qui confère des émotions, que l'on ne peut nommer, qui nous chamboule, nous fait songer, réfléchir, admirer et qui doit conserver une part insaisissable de mystère, propre à chacun ?
L'Art doit-il être conservé ?
Pour y réfléchir, deux citations de Pablo Picasso.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.