La solitude des enfants sages de Martine Duquenne aux éditions La Cheminante
Lachassagne 2010. Angélique est venue prêter main forte à sa mère qui n’arrive plus à rien avec sonmari. Elle se retrouve au milieu d’uncouple en plein déchirement, mais elle en a l’habitude. Pourtant, cette fois, Angélique voit son père quitter la maisonet disparaître. Avec une arme. Cette fois, c’est sérieux. Les gendarmes sont appelés. Durant ces heures d’attente, Angélique se souvient de son enfance en Algérie.
Sebdou 1961. La famille d’Angélique vit dans un petit village algérien. Ses parents sont en charge de l’école. Son père en est le directeur. Ils enseignent le français à des enfants algériens. Ce qu’on appelle encore les « événements » les ont poussé à quitter la ville, à la recherche d’un peu plus de sécurité.
La petite Angélique se sent bien seule. Sa mère est dure avec elle, mais aussi avec son mari. Elle n’a que peu d’amour à attendre de celle qui lui a donné le jour. De sa bouche ne sortent que reproches et invectives.
« Papa avec son sourire tranche de pastèque lui dit, essaie de la comprendre, c’est une enfant précoce, mais ma mère le rectifie illico, alors ça, c’est vite dit et même si c’était vrai, ça ne lui apportera que des ennuis, crois moi, et là, sa voix siffle comme un coup de martinet. Je l’entends continuer dans ma tête, un truc qui ne tourne pas rond chez cette gosse, une déficience, une maladie, qu’on n’aura pas détectée à temps. Elle n’ose pas dire les choses franchement mais moi je lis dans ses pensées secrètes. Je sais qu’elle est la maîtresse de la haine. »
Les choses deviennent de plus en plus compliquées pour les « colons » français. Les attentats se multiplient, réprimés avec violence. La torture est à l’œuvre des deux côtés et le vent semble tourner. Le Général De Gaulle va lâcher l’Algérie.
Par les yeux d’Angélique nous voyons les effets de la guerre au sein de sa famille. Ce sont en fait deux guerres que nous décrit Martine Duquenne. La guerre historique, mais aussi la guerre familiale. La mère d’Angélique reproche constamment à son père de vouloir s’accrocher à l’Algérie alors qu’elle, elle veut partir.
Nous voyons cette guère avec les yeux candides de l’enfance. Nous partageons l’incompréhension d’Angélique sur ces événements, sur cette haine de l’autre. D’autant plus que sa meilleure amie, sa sœur de cœur, Djamila, est arabe. Angélique veut comprendre, elle veut la vérité, on ne lui répond pas. Elle doit se taire et obéir. Elle se réfugie dans les contes et les comptines qu’elle se répète en boucle pour se rassurer.
Avec La solitude des enfants sages, Martine Duquenne signe un premier roman passionnant, plein d’émotion sur cette guerre d’Algérie dont on parle si peu en France. Par honte sans doute. C’est une période qu’on préfère ignorer au profit d’autres moins gênantes. C’est le déchirement de ces familles pieds noirs que nous fait découvrir Martine Duquenne, ce déracinement si douloureux qu’ont dû vivre ces rapatriés qui ont tout quitté dans l'urgence. L’auteur nous montre aussi toute la souffrance d’une enfant qui vit entre une mère toxique et un père dépassé. Un premier roman à découvrir.