Mon souffle s’étrangle, mon cœur s’accélère. J’ai chaud. Ma tête ? Je ne sais trop. Tant de chimies y fusent. Je sens presque l’adrénaline et la noradrénaline gicler de mes surrénales. La tempête s’amène. La colère.
C’est dans mes gènes. C’était comme ça chez l’homme des cavernes. Une réaction innée du corps pour combattre, ou pour fuir, face au danger ou à la menace. Pour survivre. L’hypothalamus s’emballe, stimule les cellules nerveuses. L’amygdale − pas celle de la gorge, mais bien celle du cerveau – perd les pédales. C’est ce qui m’arrive. Je m’énerve, je ne contrôle plus ma pensée. Un quart de seconde, voilà le temps pour que la colère titille l’amygdale. Un quart de seconde. C’est court.
L’explosion est imminente !
Dieu merci, alors que l’amygdale s’excite et m’incite soit à me battre en houspillant l’agitateur de ma zénitude ou en lui sautant à la gorge, avec des remords à jamais ; soit à m’enfuir, parce que l’autre fait deux fois ma taille, en même temps que le mal m’agrippe donc, le sang afflue dans mon lobe frontal, lieu de la raison, mon ange, qui apaisera mes pulsions destructrices. Un équilibre est atteint, le yin et le yang s’opposent, la pensée renaît de son malaise, les émotions malsaines se radoucissent.
En général, la colère n’est pas spontanée, mais comme la tristesse, la joie et la peur, elle est une émotion primaire. La nuit, le nourrisson hurle pour son boire. Vis-à-vis l’incompréhension, l’injustice, la bêtise ou un événement ennuyeux, un sentiment d’impuissance se développe. Je veux me défendre, me faire respecter, passer un message ? Je me fâche. « Ça suffit ! » Je crois reprendre le contrôle. Car la colère procure de l’énergie, engage les ressources de notre corps et nous pousse à agir.
Canalisée dans l’enfance, la colère peut être pathologique. Elle est anormale quand on la retourne contre soi. Souvent, les symptômes psychosomatiques (les ulcères, etc.) en résultent. La colère est pathologique quand elle est déviée de son vrai but, quand, par exemple, on se venge de son patron sur son conjoint(e). Certains l’étouffent, ne se fâchent jamais, refoulent, incapables de se défendre, de s’affirmer. Enfin, il y a la colère hypertrophiée, une colère disproportionnée à la raison.
Certains se fâchent souvent, accros qu’ils sont aux hormones de la colère qui engourdissent les souffrances du corps et de l’esprit.
Bon. C’est bien beau, tout ça. Mais là, maintenant, alors que la colère m’envahit, que dois-je faire ? M’efforcer de penser ? Aller à la source du problème ? Suis-je fatigué, tendu, stressé, et donc, plus facilement irritable ? J’ai un bon sens de l’humour, ça devrait pourtant m’immuniser contre l’amplification des peccadilles. Alors… pourquoi cette chaleur qui me pénètre ?
Pense, Jean-Marc. Pense…
Ah ! Voilà ! Selon la science, la réaction neurologique liée à la colère ne durerait qu’un maigre deux secondes. Ensuite, le calme reviendrait.
OK. Essayons :
Un, deux, trois, quatre, cinq…
http://les-livres-du-bien-etre.com/physiologie-de-la-colere-mieux-comprendre-pour-mieux-controler
© Jean-Marc Ouellet 2017
Notice biographique
Médecin-anesthésiologiste depuis 25 ans, Jean-Marc Ouellet pratique à Québec. Féru de sciences et de littérature, il signe une chronique depuis janvier 2011 dans le magazine littéraire électronique « Le Chat Qui Louche ». En avril 2011, il publie son premier roman, L’homme des jours oubliés, aux Éditions de la Grenouillère, puis Chroniques d’un seigneur silencieux aux Éditions du Chat Qui Louche. En mars 2016, il publie son troisième roman, Les griffes de l’invisible, aux Éditions Triptyque.