Au salon du livre de Paris qui se tenait le mois dernier, je me suis laissé tenter par plusieurs bande-dessinées dont l'ovni Saga que plusieurs libraires m'avaient conseillé.
Sept tomes de cette série de comics américains sont déjà parus, dont six on été traduits en français. Je n'ai lu que les trois premiers pour l'instant, mais je suis assez sûre de mon coup de cœur...
...donc c'est parti pour une recommandation sans réserve de :
Mais pourquoi donc ai-je craqué si complètement ?
Saga est un " space-opéra épique ", nous dit Wikipédia. En quoi Wikipédia est à côté de la plaque comme rarement, car le propre de cette Saga, sa singularité, ce qui fait tout son charme, c'est que, justement, elle n'est pas épique. C'est un space-opéra intimiste, qui retourne comme un gant tous les codes du genre en concentrant son intrigue sur un couple de personnages pacifistes qui fuit le conflit galactique à l'arrière-plan.
On retrouve l'invention propre aux space-operas dans la richesse des races extra-terrestres, notamment, mais on ne retrouvera pas la tension guerrière et les combats spatiaux d'un Battlestar Galactica (très bonne série, en passant) : Saga s'articule autour d'un couple qui s'aime, pas de deux armées qui s'affrontent.
- Le scénario est d'un optimisme et d'une générosité détonants.
Ce n'est pas une histoire de guerre. C'est un peu l'histoire de " l'opposé de la guerre ", comme le soutient l'un des personnages, selon qui l'opposé de la guerre, ce n'est pas la paix - non, ça c'est juste une pause entre deux guerres. Mini-spoiler :
On suit des protagonistes improbables, bancals et géniaux, qui sont à la recherche de leur propre bonheur - une famille, l'amour, le plaisir, l'art - et qui se font constamment emmerder par cette guerre totale à laquelle tout le monde veut les ramener de force.
Aussi, si c'est bien la guerre qui relie tous les personnages entre eux et alimente le moteur de l'intrigue (poussant certains personnages à en poursuivre d'autres, notamment), elle n'est que le prétexte à l'esquisse d'une histoire beaucoup plus jolie et dingue. Et cette histoire, a priori (je n'ai lu que trois tomes et la série est encore en cours d'écriture), c'est celle de la vie. Autrement dit : une quête personnelle pour devenir soi-même, découvrir ce qui nous rend heureux.
Or, quête identitaire = moi happy. J'aime énormément les quêtes identitaires, et ce n'est probablement pas un hasard si ce fil traverse de nombreux romans jeunesse, mon rayon de prédilection. La jeunesse, c'est quand on se cherche. C'est beaucoup de tests et d'aventures, de ratés et de découvertes pour se trouver. L'âge adulte, c'est quand on croit s'être trouvé, et qu'on arrête de se chercher (jusqu'à la crise de la quarantaine). C'est cet aspect de Saga qui me donne envie de parler de la série sur ce blog jeunesse.
Alors attention -
... il y a des aperçus de sexe graphique et globalement une violence assez marquée. Donc grosso modo c'est une BD que je recommande plutôt aux jeunes adultes (15+, je dis ça pour les parents qui me liraient), même si je laisse chacun juge de sa propre maturité (ça c'est pour les ados qui me liraient). Puisque c'est toujours le lecteur qui est le mieux à même de savoir ce qu'il est capable de lire.
Les dessins, s'ils ont le léger défaut d'une colorisation lisse (c'est le côté dessin-par-ordinateur qui me freine un peu ici), sont hyper costauds en termes de traits, de mouvements, d'enchaînements case-à-case.
L'univers des auteurs (Brian K. Vaughan au texte, Fiona Staples au dessin) regorge d'idées graphiques et d'inventions fantastico-psychédéliques.
La dernière image me hante.Bien sûr, comme on est en bande-dessinée, la poésie est avant tout visuelle, et dans Saga, elle a un petit goût de Miyazaki.
Mais, par ailleurs, la poésie s'invite dans le scénario parfois aux moments les plus inattendus. Par exemple, un sortilège, pour être lancé, a besoin d'un ingrédient spécial, comme un secret ou des flocons de neige. (Je craque sur ce genre de choses !)
Et, dans l'univers de Saga, il existe une race appelée le Chat Sincère (un Sphynx format panthère) dont la particularité est qu'il respecte toujours les règles, en commençant par la première de toute, la Vérité. Ce chat n'a qu'un seul mot à son vocabulaire et l'intercalera dans vos conversations dès qu'il détectera un...
Ce qui peut bien sûr être légèrement pénible au quotidien.
Je crois que ce chat est mon personnage préféré.
- C'est bourré d'humour, tant visuel que narratif.
En termes d'humour visuel, voir ci-dessous le genre de planche qui n'existe pas dans les space-opéra épiques (nespa Wiki) : le Prince guerrier qui fait le plein d'essence.
Et les dialogues sont quant à eux d'un allant et d'un dynamisme qui rend la lecture délicieuse. Cela se caractérise par des phylactères construits sur du lol.
Et globalement, c'est tout simplement bien écrit. Le texte est un aspect sur lequel on se concentre moins dans la bande-dessinée car le style, la personnalité de l'ouvrage se ressentiront en premier lieu dans les dessins. Mais un bon texte, ce n'est évidemment pas anodin ! Ici, c'est une raison de plus de se régaler.
EN CONCLUSIONSuper coup de cœur pour Saga, je vous invite à découvrir cette pépite. Ne serait-ce que pour les héros inhabituels : un couple de parias venant de donner naissance à une enfant bâtarde interespèces, bravant tous les interdits. On se trimballe donc un marmot qu'il faut changer et allaiter.
" Space-opéra épique ", non mais, je ris.
Bonne lecture !