Nous sommes un mercredi. Il vente et le vent a poussé les nuages au jeudi suivant. J’aime le vent qui pousse et ce printemps qui vient, vient aussi avec lui. Le soleil resplendit sur la ville. Ses éclats me font mal aux yeux. Je suis une poussière dans les yeux d’un aveugle qui entend le bruit que fait le vent à travers les branches. Un sac de plastique, pris ente deux automobiles virevolte avant de s’envoler ; il ressemble à un oiseau qui veut partir vers des îles comme lui, au centre des océans. Le vent m’allège. Près de l’immeuble en hauteur, les rafales sont si soudaines autant que fortes que je crois pouvoir partir au vent. Je m’accroche. Je m’ancre à cette rue qui, finalement, me fera sortir du tourbillon. Je me dépose sur le plancher d’un commerce tel une feuille sur laquelle sont écrits les mots d’amour que j’ai envie de dire et redire chaque fois que l’air me pousse les idées par en dedans. Sur un midi ensoleillé, les rênes bien en main, je conduis mes rêves vers les jours qui viennent.
La ville toussote…
9 mars. J’ai ouvert mes fenêtres et la ville a semblé vouloir entrer dans mon appartement pour se réchauffer. Je les ai immédiatement refermées, mon appartement étant trop petit. En bas, sur la rue un couple marche. La femme est vêtue chaudement d’un manteau rouge, le capuchon bien en place sur sa tête. Ses gestes sont gracieux, elle gesticule. L’homme est vêtu de vêtements sombres. Ses vêtements semblent le replier sur lui-même. Il écoute. Les hommes écoutent toujours trop sans vraiment comprendre. Un réflexe de fuite vers une autre planète, qui sait ? Une autre femme plus sombre les suit au loin, elle semble patiner, mais je crois que je me trompe. Le soleil tente vainement de se frayer un chemin à travers les nuages. Pourquoi les marcheurs se vêtent-ils généralement avec des vêtements de couleurs sombres ? Comme des oiseaux de malheur, des corbeaux, des corneilles. Parfois un cardinal ou un geai bleu se mêle à eux en se demandant : « qu’est-ce qu’ils sont venus faire là ? » La ville toussote puis se grise davantage avant d’accueillir une faible neige.
La ville ressemble à une pâtisserie…
Un matin, la ville ressemble à une pâtisserie. Les rues sont recouvertes d’une fine couche de glaçage qui lui donne cet air de biscuits sablés recouverts d’un coulis à la vanille. L’image est belle, mais, à voir les piétons qui se tiennent les fesses serrées pour ne pas tomber, la réalité est moins appétissante. Je voulais me rendre à pied à l’épicerie, je crois que j’attendrai demain. J’irai plutôt visiter cet ami qui, dans le même immeuble que moi, file un mauvais coton. C’est dire que nous ne pourrons assister à certains événements prévus aujourd’hui. L’amitié est plus importante que toutes les représentations. Cet homme est un livre ouvert, j’irai donc faire sa lecture en l’écoutant se souvenir de son enfance, de ceux qu’il a aimés, de ses voyages, de ses connaissances vastes comme le monde et même davantage. J’irai glisser sur ses souvenirs qui me transporteront jusqu’aux miens. La nostalgie ne me fait pas peur puisque je sais qu’elle est en lien avec la réalité actuelle. Je la soigne autant que mon ami qui porte ses 83 ans avec fierté malgré des sautes d’humeur de sa santé.
L’auteur
Né à Saint-Ulric, près de Matane, sur la rive sud du fleuve, j’ai été créé par les images de ce désert d’eau qui change de forme selon les saisons. Je lancerai bientôt (le 23 novembre) Des mots sur des couleurs, mon premier recueil de récits, en collaboration avec l’artiste peintre Pierre Morin de Varennes qui appartient, tout comme moi, aux paysages de la Matanie, mon pays, mes amours.