Ni d'Eve ni d'Adam
Amélie NOTHOMB
Editions Albin Michel, 13 août 2007
256 pages
Thèmes : Japon, culture, traditions, voyage, amour, amitié, histoire, autobiographie, humour.
J'avais lu ce roman dès sa parution en 2007.
Je m'étais régalée et me réjouissais à l'idée de le relire. Mais voilà, le moment était toujours repoussé par quelques attrayantes nouvelles lectures.
Et puis, sont arrivés les Challenges " et " Amélie Nothomb " de Pauline Un mois au Japon " d'Hilde et Lou, la proposition de Lecture Commune de Nathalie et me voici à le Relire, enfin, et à me REgaler !
J'adore la plume d'Amélie Nothomb, et particulièrement lorsque celle-ci a un caractère autobiographique.
Il faut dire qu'elle fait preuve d'une grande autodérision, souvent drôle, ne manque pas de verve, et a un style très fluide.
Tokyo - Source
1989.
Amélie a 23 ans et elle retourne dans le pays de son cœur.
Celui qu'elle a dû quitter en pleurs à ses cinq ans : le Japon.
Installée à Tokyo, elle se décide à donner des cours de français pour s'aider à parler le japonais.
C'est ainsi qu'elle fait connaissance avec Rinri, un jeune homme de 20 ans, au prononcé d'abord épouvantable.
La leçon se concentra sur le temps qu'il faisait. Bonne idée, car le climat, sujet idéal pour ceux qui n'ont rien à se dire, est au Japon la conversation principale et obligatoire.
Rencontrer quelqu'un et ne pas lui parler de la météo équivaut à un manque de savoir-vivre.
Page 16
Bien vite, ses relations avec Rinri se rapprochent, et les deux jeunes gens se fréquentent, sans que leurs sentiments ne soient au même diapason.
Il l'emmène dans sa Mercedes blanche trop propre (crainte rapide d'appartenance à la Yakusa) là où il habite : " un château de béton " qui se trouve être un vrai luxe d'espace à Tokyo.
C'est ainsi qu'Amélie fait la connaissance de ses parents (incompatibilité instantanée avec la mère) et surtout avec ses grands-parents qui ont " simplement vieilli " selon le pragmatisme de Rinri.
Je me renseignai et j'appris qu'au Japon, de tels phénomènes étaient courants. Dans ce pays où les gens doivent se tenir bien toute leur vie, il arrive souvent qu'ils craquent au seuil de la vieillesse et se permettent les comportements les plus insensés, ce qui n'empêche pas leurs familles de les prendre en charge, conformément à la tradition.
Page 37
Parc Shirogane à Tokyo - Source
Rinri est un garçon drôle et étrange, qui fait les choses comme les jeunes Tokyoïtes de son âge, mais qui en même temps s'en singularise très fortement, adoptant la philosophie très personnelle du " Tuvéra ".
Ce caractère en marge ne pouvait qu'attirer Amélie.
Ensemble, ils vont visiter des expositions, aller au cinéma, parcourir le Japon, parler lecture, déguster de bons petits plats (péché mignon d'Amélie : kori ; okonomoyaki ; chawan mushi ; des kakis...) gravir le Mont Fuji (ce que tout Japonais doit faire pour être digne de sa nationalité)...
A chacun de ses récits, Amélie insère quantités d'anecdotes sur les quiproquos linguistiques, les divergences culturelles, comportementales, traditionnelles et la curiosité dont font preuve les Japonais, pour tout et pour toute occasion.
Je devais peu à peu découvrir le culte que vouent les Japonais au matériel destiné à chaque action de la vie : le matériel pour la montagne, le matériel pour la mer, le matériel pour le golf et, ce soir, le matériel pour la fondue suisse.
(...)
Devant mes yeux fascinés, le jeune homme ouvrit la valise spécifique et je vis apparaître, disposés d'inamovible façon, un réchaud à propulsion intergalactique, un caquelon anti-adhésif, un sachet de fromage expansé, une bouteille de vin blanc antigel et des croûtons de pain imputrescible.
Page 56
Au-delà des aspects qui nous font immanquablement sourire, elle nous décrit aussi des réalités difficiles, notamment sur la scolarité et les normes sociales nippones.
J'allai contempler la nuit sur une ville où, chaque année, la majorité des enfants de cinq ans apprenaient qu'ils avaient raté leur vie. Il me sembla entendre des concerts de larmes étouffées.
Rinri s'en tirait en étant le fils de son père : c'était compenser une douleur par une honte.
Mais les autres, qui échouaient aux tests, savaient dès leur plus jeune âge qu'ils deviendraient, au mieux, de la chair à entreprise, comme il y eut de la chair à canon. Et l'on s'étonne que tant d'adolescents nippons se suicident.
Pages 69-70
Mais si Amélie aime tellement ce pays, malgré ses défauts, pourquoi en est-elle partie au bout de deux ans ? Non, pourquoi l'a-t-elle fuit ? Elle a raconté sa détestable aventure professionnelle d'un an dans Stupeur et tremblements. Mais si il y a ça, il n'y a pas eu seulement ça.
Sa fuite lui fut bénéfique.
Amélie qui commençait déjà à écrire, et à se lever à quatre heures du matin pour, s'y est littéralement vouée à son retour en Belgique, auprès de sa sœur adorée, Juliette.
C'est ainsi qu'elle écrivit, et publia, Hygiène de l'assassin, dont la promotion la fit revenir au Japon six ans plus tard.
J'ai lu plusieurs de ses romans, et celui-ci est certainement mon préféré.
J'ai dû me limiter dans mes citations pour ne pas en mettre trop, tant certaines sont loufoques, culturelles, curieuses.
Je ne peux que vous encourager à lire ce roman ! Et je crois bien que Nathalie fait le même conseil de lecture !
Son article ICI sur Anamor.