Marche ou crève, Stephen King – Charlie Jobin

«Quelle profondeur a-t-il atteinte, a l’intérieur de lui-même? Des brasses? Des kilomètres? Des années-lumières? Quelle profondeur et quelle obscurité? Et la réponse lui vint: trop profond pour voir dehors. Il se cache là, dans le fond, dans les ténèbres et c’est trop profond pour voir dehors.»

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Publié pour la première fois le 3 juillet 1979, le roman d’anticipation dystopique du King relate l’aventure physique et – surtout – mentale de Ray Garraty. 16 ans, costaud et bien conscient de son propre corps, il ne reste cependant qu’un garçon; quelque peu naïf, il se refuse à assimiler les véritables conséquences de ses actes et de cette Longue Marche, dont il est le 47e numéro. Effectivement, telle une véritable course, 100 garçons de moins de 18 ans sont numérotés et marchent le long des principales routes du Maine, pour continuer sur l’A1 à travers le New Hampshire et le Massachussetts.

Les évènements s’enchaînent en fait plutôt rapidement dès le premier chapitre, où aucun contexte n’est donné. On se retrouve d’emblée plongé dans une Amérique qui nous est inconnue. Le jeune Ray se familiarise bientôt avec la route, se liant d’amitié avec quelques concurrents. L’imagerie de l’amour, autant envers sa mère – emblème de sa souffrance –, Jan, sa copine – son but ultime – et l’affection qu’il ne peut s’empêcher de porter aux autres garçons, est exploitée de manière – visiblement –  bien vaste. Très imagé et coupé habilement, le texte coule devant nos yeux comme une douce pluie d’été. Fait intéressant, l’intensité et la précision des discours et de la perception de l’environnement de Garraty évolue de façon assez flagrante en lien avec les évènements. Plus la Longue Marche avance et plus les esprits se fragilisent, ressenti qui nous prend au cœur au rythme où les mouches tombent. Je considère Marche ou crève comme l’un des meilleurs de Stephen King. Sans se perdre dans la magie et le surnaturel, on plonge au fin fond de la conscience humaine. Ne vous méprenez pas, l’horreur n’est pas mise de côté, elle colle en fait aisément à l’être humain – et particulièrement aux jeunes gens qui sortent de cette plume.

Sondant la souffrance et l’épuisement – physique et mental – de ces jeunes garçons avec une précision qui donne froid dans le dos, le King a gagné mon cœur une énième fois avec ce petit bijou. Il se lit aisément – mais le relire est toujours une excellente idée. Je l’ai lu moi-même trois fois et chaque fois, j’en étais encore plus satisfaite.

Donner une note me parait peut-être futile mais…

Ma note : 5/5 — 10/10

Charlie Jobin