Ninon de L’enclos — Anne « Ninon » de l’Enclos, aussi appelée Ninon de Lenclos (1620 –1705) est une courtisane, femme d’esprit, épistolière et femme de lettres française. Musicienne prodige, encore enfant, elle jouait du luth avec brio et citait les classiques. Amie intime de Molière, elle corrigea, à la demande de l’auteur, Le Tartuffe, ce qui n’est pas rien. Athée, elle eut à subir les foudres du parti des dévots. On ne compte plus ses amants et amantes célèbres.
Je viens de faire la lecture de ses Lettres au marquis de Sévigné et y ai recueilli ces quelques perles que je vous confie.
– Si j’avais assisté au conseil du Créateur, lorsqu’il forma la nature humaine, je lui aurais conseillé de mettre les rides sous le talon.
– Tant que l’on aime, on ne réfléchit point ; dès qu’on réfléchit, on n’aime plus.
– Voulez-vous que je vous dise ce qui rend l’amour dangereux ? C’est l’idée sublime que l’on s’avise quelquefois de s’en former.
– L’amour ne meurt jamais de besoin, mais souvent d’indigestion.
– Il faut plus d’esprit pour faire l’amour que pour conduire des armées.
– Ores, pour l’amour de Dieu et de saint Jean, ne perdez pas de temps, pour autant que le pouvez. Messires, le temps s’échappe nuit et jour et se dérobe à nous, soit à notre insu quand nous dormons, soit par inadvertance pendant nos veilles, comme fait le cours d’eau qui jamais ne revient en arrière lorsqu’il descend de la montagne à la plaine.
Et cette autre sur la nuit de noces qui nous apparaît pour le moins anachronique :
– Ils allèrent se coucher, comme il était raisonnable et juste, car, bien que les femmes soient des êtres très saints, elles doivent prendre en patience la nuit telles nécessités qui plaisent à ceux qui les ont épousées avec l’anneau, et mettre un peu leur sainteté de côté à ce moment ; il ne peut en être mieux.
Et, tout comme Ronsard, il précède les écrivains postmodernes en s’interpellant lui-même comme personnage avec autodérision :
– Néanmoins il est certain que sur l’heure je ne puis dire nul conte profitable que Chaucer — encore qu’il s’y connaisse médiocrement en mètres et en rimes habiles, — n’ait dit en tel anglais qu’il sait, il y a beau temps, comme plus d’un en a connaissance. Et s’il ne les a pas dits, ces contes, cher frère, dans un livre, il les a dits dans un autre, car il a parlé d’amoureux, en long et en large, plus qu’Ovide n’en a cité dans ses Épîtres qui sont fort anciennes.
Chaucer a vécu au quatorzième siècle et m’a paru heureux. Ses Contes de Canterbury sont un des chefs-d’œuvre de la littérature mondiale. Pour ceux qui voudraient en savoir davantage : https://fr.wikipedia.org/wiki/Geoffrey_Chaucer
L’auteur : Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K(Pleine Lune, 1998). Quatre de ses ouvrages en prose ont ensuite paru chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale(2003), Jakob, fils de Jakob (2004), Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013). Il a reçu à quatre