En attendant Godot, de Samuel Beckett

En attendant Godot, de Samuel Beckett

Au bord d’une route de campagne, près d’un arbre, à la tombée de la nuit, Vladimir et Estragon attendent. Ils attendent Godot qui a dit qu’il passerait les voir avant la tombée de la nuit. Le reste de la pièce montre cette attente qui semble ne pas avoir de fin…

Le début de cette pièce de théâtre m’a déroutée car il n’y a aucune intrigue, pas d’action générale, encore moins de fil directeur. La pièce se construit sur des conversations vides qui ne nous font entrevoir que partiellement la personnalité des personnages (enfin, s’ils en ont une !). Passé ce moment, il devient intéressant de suivre l’auteur et de découvrir progressivement où il nous emmène. C’est pour cette raison que j’ai préféré l’acte 2 à l’acte 1, on commence à comprendre où nous emmène l’auteur :  vers une répétition de l’acte 1, un deuxième jour qui passe, semblable au premier. Dans une attente qui semble ne pas avoir de sens. Cette lecture m’a donc globalement plu même si le manque d’intrigue et de sens immédiat de la pièce m’ont gênée.

Comme vous pouvez le voir cette pièce de théâtre n’a pas été une grosse déception (je ne m’attendais pas à grand chose) mais plutôt une lecture intéressante pour la manière dont la pièce est écrite et articulée.

Intérêt philosophique de En attendant Godot :

On se demande plusieurs fois au cours de sa lecture quel sens donner à cette attente. Godot n’est-il qu’une personne lambda, que les deux personnages principaux attendent indéfiniment ou cache-t-il une signification plus importante ? Si Godot n’est qu’un homme parmi d’autres alors la pièce ne revêt finalement pas beaucoup de sens et semble hermétique et absurde. La deuxième possibilité, nettement plus tentante, serait d’y voir une représentation divine. Samuel Beckett s’est plusieurs fois défendu d’avoir voulu donner une portée philosophique ou un sens quelconque à sa pièce (on retrouve donc notre première hypothèse). Seulement, comment alors expliquer son succès quasi-immédiat ? Comment croire que Beckett n’ait voulu écrire qu’une pièce absurde, sans aucun sens ?

Dans « Godot » on a souvent voulu voir « God » ou « Dieu » en anglais. Ainsi Estragon et Vladimir attendraient Dieu et celui-ci ne viendrait jamais. De nombreux indicateurs d’une portée théologique de la pièce peuvent en effet être trouvés dans le texte : il est plusieurs fois fait référence à Dieu , à Caïn, à Abel ou à Jésus. La religion a donc une place importante dans la pièce. De plus les rares passages semblant faire sens sont consacrés à la religion.

Si l’on adhère à cette hypothèse, nos deux personnages attendraient donc jour après jour Dieu, persuadés qu’il viendra les rencontrer et les sauver. Cette mention dans le texte du fait que Godot doit « sauver » Vladimir et Estragon est d’ailleurs importante car le dieu des chrétiens est également un Dieu « sauveur ».

Mais la vision de la religion de Beckett est également ironique et pessimiste puisque cette attente forcée conduit Estragon et Vladimir à combler leur vie avec des discussion inutiles et vides et à constater à quel point l’ennui occupe une place importante dans leur vie. La vie dans l’attente de Godot, ou de Dieu, semble donc vide de sens et de bonheur (Estragon et Vladimir n’arrivant pas à savoir s’ils sont ou non heureux).

De plus on comprend en lisant la pièce que Godot ne viendra pas puisqu’il remet chaque jour sa visite au lendemain. On ne peut même pas être certains qu’Estragon et Vadimir l’aient déjà vu ou s’en souviennent. Dans ce cas, une question s’impose assez rapidement au lecteur : Godot existe-t-il ? Dieu existe-t-il ? Beckett pourrait (toujours si on suit la deuxième hypothèse) donc remettre ici en question l’existence et l’utilité de la religion qui ne sauve pas les hommes mais semble ici les maintenir dans un ennui et une inutilité permanents.

Biographie de l’auteur :

En attendant Godot, de Samuel Beckett

Samuel Beckett est né le 13 avril 1906 au Royaume-Uni et est mort le 22 décembre 1989 en France. Il étudie au Trinity College de Dublin puis choisit de devenir écrivain, dramaturge et poète. Il cherche dans ses écrits à développer une certaine innovation du langage et des situations. En attendant Godot (1952) est son premier succès. Ses deux autres pièces de théâtre les plus connues sont Fin de partie (1957) et Oh les beaux jours (1960).

Yoko