Libres pensées
Génial génialissime génialissimo!!!
Imaginez donc : un roman à tiroirs, comparable à une série de poupées russes que l'on ouvre l'une après l'autre, et puis que l'on referme, une fois le coeur exhumé.
C'est l'idée de génie de Pierre Raufast, qui livre un roman détonnant et jubilatoire.
Le point de départ : une épouse surprend son mari avec une autre, et entreprend de le venger en empoisonnant ses raviolis. Mais voilà, un contretemps rend l'entreprise périlleuse, et la renvoie à un épisode peu glorieux de sa jeunesse, durant lequel elle était hôtesse dans un bar où il lui arrivait de prodiguer des extras aux clients, afin d'arrondir ses fins de mois estudiantines. Au cours d'une certaine soirée, elle s'était retrouvée face à face avec la dernière personne qu'elle souhaitait croiser là, qui lui épargne une absolue déchéance en racontant l'histoire des vierges de Barhofk, évoquant de fil en aiguille l'histoire de Paul Sheridan, un jeune homme au bien étrange don, ayant confondu grâce à lui l'Arnaqueur des cimetières, mais ayant sombré, par la faute de ce même don, dans des extrémités peu louables, rappelant le cas du jeune Franck Vermüller...
Les bouts de récits s'emboîtent, l'association d'idées semble fonctionner à plein régime, au point de nous demander si l'on ne va pas finir par se perdre, mais soyons honnêtes, le rythme et l'énergie qui se dégagent de la lecture sont hautement réjouissants, et, pour finir, Pierre Raufast tient tout de même fermement les rênes, et sait exactement où il nous emmène, derrière l'apparent désordre qui semble régner dans son livre.
Le ton est au second degré, et l'on rit franchement tout au long de cette lecture rafraîchissante et audacieuse.
Je vous recommande donc chaleureusement la lecture de La fractale des raviolis, pour mettre de la bonne humeur dans votre vie, et avoir plaisir à découvrir qu'il est encore possible d'inventer de nouvelles formes de récits, et que l'on n'est pas condamné à relire sempiternellement la même histoire, construite selon les mêmes codes et selon la même progression. Le changement, c'est toujours maintenant, non? (ah, on m'indique dans l'oreillette que pas trop quand même...)
Pour vous si...
- Vous êtes fan d'Inception, et seriez bien tenté par un récit romanesque construit sur une structure équivalente.
- Vous vous demandez bien comment on peut venir à bout des taupes.
- Vous êtes fasciné par la synesthésie.
Morceaux choisis
"Batifoler en mini-jupe, face à mon père, ne fut pas le meilleur moment de ma vie."
"Enfant, il utilisait son don pour admirer les couleurs à la tombée du soir. Ce don était destiné au plaisir visuel : chaque mouvement lui renvoyait la puissance féerique de la lumière. Mais, depuis qu'il côtoyait le mensonge, ce monde chatoyant de l'enfance avait brutalement disparu. La perversité rongeait son nuancier. Les teintes traduisaient des hypocrisies, des impostures, des non-dits. Les différents tons de rouge ne reflétaient plus la trajectoire du soleil, mais les multiples ruses de la duplicité. Déformation professionnelle ou naïveté de l'enfance qui s'en va? Impossible à dire. Désormais, dans la rue, les arabesques avaient laissé place à des hommes coupables, des femmes adultères et des jeunes honteux. Le mensonge, la crainte, la noirceur se lisaient sur la peau des passants."
Note finale4/5(excellent)