Résumé: Adam, le premier homme, veut dénoncer l'hypocrisie des religions telles que nous les connaissons. Un homme mourant est cryogénisé, afin de pouvoir être soigné lorsque la science aura assez avancé pour ce faire.
Mon avis: ce livre est en fait une suite, le 4è tome de la série . Sauf qu'on ne m'avait pas prévenue.
Les trois premiers tomes s'appellent " Humanum: xxx ". Là on a juste " Cryogénie ", sans aucune référence à la trilogie qui précède. Rien non plus dans le résumé au dos ne trahit qu'il s'agit d'une suite... c'est donc en me référant aux notes de bas de page que je suis tombée sur la mention " voir Humanum tome1/2/3″, pour expliquer tel ou tel évènement... Pas surprenant dès lors, qu'en ayant loupé trois épisodes, je n'accroche pas vraiment à ce livre.
Je suppose que les trois premiers tomes présentent les personnages que nous rencontrons dans Cryogénie, qui sont à peine présentés. Je suppose aussi que la hiérarchie divine y est présentée et expliquée. Forcément, dans une suite, pas besoin de replanter le décors...
Comme je l'ai dit, je suis un peu passée à côté de ce bouquin, donc j'ai bien peur que ma chronique soit plutôt négative. Je vais commencer par ce qui, au delà du fait que j'ai été un peu perdue sans avoir lu les trois tomes précédents, m'a déplu, et puis je passerai au positif pour finir sur une touche positive.
Je n'ai malheureusement pas du tout accroché au style d'écriture de Geoffrey Van Hecke. Je pense que c'est un style qui se veut résolument moderne. Tout est écrit au présent, les phrases sont courtes, pas de chichi, pas de superflu. Mais c'était peut-être trop épuré pour moi. Surtout que j'aime bien la littérature classique avec ses phrases alambiquées et ses beaux mots.
L'emploi du présent permet au lecteur de ressentir l'urgence de la situation. Il donne un rythme effréné au récit, renforcé par des chapitres courts et des changements de lieu fréquents.
En lisant ce livre, j'ai eu un ressenti très cinématographique, visuel. J'ai eu l'impression de lire un scénario de film d'action, et le story board prenait forme dans ma tête. Cela pourrait être un bon point, mais malheureusement j'ai acheté un roman, pas un scénar'! Donc j'aurais aimé quelque chose de pas forcément plus étoffé, mais plus recherché.
Cryogénie se lit vite car il est très court. En une soirée c'était plié. Il y a pas mal de suspens donc on accroche, on a envie de savoir ce qui va se passer par la suite même si on est un peu perdu car on n'a pas lu les tomes précédents... ou juste de comprendre.
Et pour dire la vérité, tout cela allait un peu trop vite pour moi. Donc si le but était un ressenti de vitesse, c'est atteint, mais du coup ma vision s'est un peu brouillée. Il m'aurait peut-être fallu des lunettes d'aviateur 😉
J'ai détesté la structure du récit. Chaque nouveau lieu dans lequel se déroule l'action est présenté de manière factuelle avant que l'on passe à l'action en elle-même. J'ai eu l'impression de lire Wikipédia ou un guide touristique. Je comprends pourquoi on a besoin de connaître les éléments historiques/culturel/économique de tel lieu ou telle ville, mais le faire de cette manière me semble très artificiel.
En fait cette présentation des nombreux lieux et villes parcourus par les héros a renforcé mon impression " cinéma d'action ". Dans ma tête, je voyais les héros débarquer à tel endroit, et sur l'image les facts and figures (faits et chiffres, mais ça fait plus cool en anglais lol) de base relatifs à cet endroit.
Je pense qu'il aurait été facile d'intégrer ces données dans le récit, au lieu de les donner à part. Comme je l'ai dit, cela m'a irritée au plus haut point. Entre l'impression de lire la page Wikipedia de la ville explorée et celle que le récit était en pause pendant un ou deux paragraphes, j'ai vite perdu ma patience. Pourtant, comme je savais que ces lieux avaient été choisis pour une bonne raison, je me suis forcée à les lire, mais en traitant vraiment des pieds.
Le livre traite aussi beaucoup de religion et à un moment donné, j'ai trouvé que c'était trop. je n'avais pas signé pour une relecture de la Bible, mais pour une réflexion sur les limites de la science. Cela vient aussi du fait que ce tome est une suite à une histoire d'anges, qui a déjà été écrite sur trois tomes précédents.
Passons au positif maintenant: la réflexion sur Dieu, la religion, et ses limites. Geoffrey Van Hecke a écrit ce livre à la suite de la disparition de sa grand-mère, qu'il adorait vraisemblablement. Le livre lui est d'ailleurs dédié.
Du deuil, de la douleur est donc née cette réflexion: comment pourrais-je garder un être cher mais condamné? Le développement de la science, qui rallonge l'espérance de vie, est-il compatible avec les lois de la nature/de Dieu? Et si on arrivait à mettre au point la cryogénisation dans le futur, afin d'attendre que la science trouve un remède au mal dont sont atteints les personnes condamnées?
Je m'attendais à un livre centré là dessus. Au lieu de quoi, les personnages auxquels Geoffrey Van Hecke avait donné vie dans le passé ont pris toute la place. Je rappelle qu'il s'agit d'un très jeune auteur, il a tout juste 27 ans et écrit depuis son adolescence. On ne peut donc pas lui en vouloir de s'être attaché à ses personnages. Mais je pense qu'il aurait dû en faire un livre à part, avec des personnages nouveaux, et peut-être pas d'anges qui doivent livrer bataille.
La réflexion sur la cryogénie doit constituer 1/4 du roman à tout casser. Van Hecke explore les deux facettes de cette technique: le point de vue du cryogénisé, et celui de " ceux qui restent ". Sa femme doit apprendre à vivre tout en sachant que son amoureux pourrait se réveiller aussi bien dans quelques mois que dans quelques années... voire après sa mort.
Va-t-elle s'autoriser à continuer de vivre? Est-elle veuve? Son mari n'est plus vivant, mais il n'est pas mort. Et si jamais il revenait, pourraient-ils reprendre là où ils s'étaient arrêtés, sachant que Jennifer, l'épouse, aura continué à vivre alors que lui était temporellement suspendu? Leur amour surivra-t-il à ce décalage? Autant de questions intéressantes qui trouvent réponse dans ce roman.
Du point de vue de Bill, le cryogénisé, le retour à la vie s'avère difficile: il a perdu quelque chose. Ses souvenirs sont intacts, ses sensations aussi, mais il se ressent plus rien. Son corps est là, mais son âme est restée de l'autre côté. Bill choisi alors de ne pas rester dans ce monde, mais de se retirer dans celui qu'il a visité lors de sa cryogénisation. De ce fait, il libère Jennifer, veuve une seconde fois, mais libre d'aller de l'avant.
Le message est très beau et très fort: la mort nous enlève des êtres chers, et nous ne l'acceptons pas. On voudrait tout faire pour les faire revenir. Mais comme pour Frankenstein ou les vampires, le résultat n'est jamais exactement le même. L'avancée de la science permet de repousser la mort, mais pas de l'éviter.
Nous avons, en parallèle de cette réflexion sur la mort, une réflexion très poussée sur Dieu, ce qu'il représente, et les religions monothéistes. Adam, le Premier Homme, est revenu sur Terre pour dénoncer l'énorme supercherie que sont les religions institutionnalisées. Il entre en guerre avec les anges, psychologiquement et physiquement.
Adam harangue les foules, dénonce le système, pointe du doigt les contradictions. Il fait se relever les morts pour combattre les anges. Mais tout cela ne marche pas. Il décide donc de saboter le système de l'intérieur, en entrant dans les ordres et en se faisant élire Pape.
Le Pape Adam va réformer en profondeur l'Église catholique: il va abolir les scissions entre les différentes églises (catholique, protestante et orthodoxe) et oeuvrer au rapprochement de la chrétienté, du judaïsme et l'islam; il autorise l'avortement, la contraception et le mariage des prêtres; il s'engage dans l'écologie. De l'extérieur, c'est le Pape parfait, celui que l'on attendait depuis longtemps. D'ailleurs, son règne, la religion connaît un regain d'activité.
Mais tout cela, il le fait afin de démontrer aux hommes que l'idée de " Dieu " est bien telle que l'Homme veut la façonner. Ce n'est pas Dieu qui décide de réformer l'Eglise, mais bien un Homme. Et en secret, le Pape Adam assassine Jésus (qui apparemment n'est jamais vraiment mort depuis 2020 ans (le livre se passe dans un futur proche)) et détourne de l'argent pour se faire cryogéniser en temps voulu.
Adam méprise les Hommes qui suivent le " représentant de Dieu " comme des moutons, sans réfléchir.
Les anges y répondent que Dieu est un guide et non un tyran. Jamais il ne forcera quiconque, les Hommes sont libres de leurs choix. De là se pose la question de la limite de la liberté: en étant complètement libres, les hommes ont interprété le message divin de différentes manières et se sont entre tués au nom de la religion.
Adam démontre qu'un tyran imposant le bien, tel qu'il le fait avec sa réforme de l'Eglise, est meilleur pour l'humanité qu'une liberté sans limites. Les Hommes ont tendance à utiliser cette liberté pour faire le mal.
Au final, le Pape Adam est mis en examen et déchu de ses fonctions. Les anges voient enfin que ce qu'il a réalisé était nécessaire, et influent le vote des cardinaux pour que ces derniers choisissent un pape qui portera l'héritage positif laissé par Adam, en laissant ces travers derrière.
La question de l'hypocrisie de l'Église, enfin, apparaît: le Vatican, construit avec l'or des fidèles qui venaient payer pour un accès plus rapide au Paradis, est-il " éthique " pour une Eglise qui a fait voeux de pauvreté? La fin justifie-t-elle les moyens?
Il y a aussi une histoire d'amour impossible entre une humaine, Rachel, et l'archange Gabriel, annonciateur de la bonne nouvelle. Mais ils choisissent de renoncer à cet amour, car Rachel refuse de devenir ce qu'elle n'est pas (un ange) ou que Gabriel sacrifie sa nature d'ange pour devenir humain. Cela reviendrait à changer la nature profonde de l'un des deux dans le couple, et cela, Rachel ne peut le permettre.
J'ai trouvé dommage que cette histoire se finisse en queue de poisson, étant moi-même en couple avec une personne d'une culture très éloignée de la mienne. Aller vers l'autre est possible, trouver un juste milieu aussi. Changer l'autre pour le transformer en ce qu'il n'est pas, par contre, n'a pas lieu d'être.
Pour conclure: un livre dont l'écriture ne m'a pas convaincue, mais qui soulève des questions pertinentes sur de grandes questions existentielles telles que la mort et la religion. On sent le travail de recherche dans les références culturelles évoquées. Malheureusement comme il s'agit du dernier tome d'une série de quatre volumes, je suis passée à côté de l'intrigue. Geoffrey Van Hecke est un jeune auteur très prometteur, avec une réflexion philosophique intéressante. J'espère que son écriture s'affinera avec le temps.
Geoffrey Van Hecke est titulaire d'un master en gestion d'entreprise et d'une spécialisation en développement durable. Il parle français, néerlandais, anglais, et espagnol, ayant vécu quelques temps à Madrid. Il vit actuellement à Bruxelles.
Il est passionné par les voyages et la politique, étant actuellement président des Jeunes MR de Berchem-Sainte-Agathe. Quand il n'écrit pas, il est consultant pour la banque Belfius.
Pour en savoir plus sur lui: sa page Facebook, une interview datant de 2015, et le blog qu'il avait monté à ses débuts (très chou).
Produits dérivés: ne faites pas la même erreur que moi, et commencez par le tome 1 de la saga 😉 Peut-être que vous accrocherez plus, de cette manière.
Pour aller plus loin:Le site de Cryonics Belgium regorge d'informations sur la cryonie (conservation par le froid des humains).
Le site de Alcor, qui cryonise ceux qui en ont les moyens, en attendant quen la science et la technologie avancent pour soigner leurs mortelles afflictions.
Une vidéo promotionelle qui explique la démarche (en anglais):
Cet article (en anglais) très complet sur le processus, pourquoi, comment, etc...