L’amorce n’était jamais facile.
Il y avait le second degré, dont elle était friande.
Il y avait le charme, dont elle n’était malheureusement pas toujours consciente.
Néanmoins sa parade, aussi unique et subtile soit-elle, fonctionnait plutôt bien, quoique trop rarement à son goût.
Avoir la proie sous les yeux.
Mater son cou lorsque le visage se tourne sur le côté. Les fins poils de barbe sur cette peau qui ne demandait qu’à être adorée, baisée, léchée. L’appétissant délice des commissures des lèvres ou bien cette parcelle, là, entre joue et mâchoire. Des centimètres de choses désirables. Ce désir-là se fait cannibale : manger de la peau, dévorer du corps et sentir dans la bouche, sous la dent, ce qu’on nomme plaisir et qui malheureusement s’étend sur des contrées bien plus vastes encore, bien plus innommables.
Sourire malgré l’évidente gêne que le désir violent fait couler sur son être. Arriver à faire deux ou trois blagues, deux ou trois traits d’esprit, tout le cerveau pointé vers une seule cible : le corps de l’autre. Tout le cerveau brouillé par des sens assoiffés. Tout le cerveau qui lutte pour montrer, tout de même, ses belles capacités, ses raisonnements vifs. Et surtout, surtout, se retenir follement, prendre la laisse invisible qu’on enroule soi-même sur notre cou indocile et se faire violence, violence extrême et fausse pour ne pas se jeter sur la proie, l’embrasser, l’embraser, la caresser encore, lui prodiguer comme jamais le plaisir absolu. Cela ferait passer n’importe qui pour fou.