Phobie. Fanny VANDERMEERSCH – 2017 (Dès 11 ans)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Phobie

Fanny VANDERMEERSCH

Editions Le Muscadier, collection "Rester vivant", février 2017.

96 pages

Dès 11 ans

Thèmes : Collège, adolescence, peurs, phobie scolaire, quête initiatique.

Les Editions du Muscadier sont une maison d'éditions indépendante née en 2011 avec pour ambition d'offrir " un espace d'expression à toutes celles et à tous ceux qui ont envie d'écrire en gros ce que les autres pensent en petit. "

La collection " rester vivant ", à laquelle appartient ce roman, est " constituée de nouvelles et de romans qui parlent du monde d'aujourd'hui, en abordant sans détour les questions écologiques, sociales et éthiques qui émergent au sein de la société dans laquelle nous évoluons. Elle s'adresse en priorité aux pré-ados, aux ados... et plus généralement à tous les lecteurs qui résistent encore à l'asservissement des esprits, quel que soit leur âge. Ces livres ont pour ambition, en plus d'attiser l'imaginaire du lecteur, d'éveiller son sens critique et de poser un regard incisif sur nos comportements individuels et collectifs. "

C'est le premier roman que je lis de chez eux, mais pas Nathalie ( CLIC) avec qui je vous le présente en Lecture Commune.

Et c'est ainsi que nous sommes amenés à vivre, par le biais de Sophia, la phobie scolaire.

Un phénomène encore méconnu, car certainement pas assez détecté, compris, accepté et donc traité.

Toute sa primaire, Sophia a été une élève exemplaire et modèle.

Nul besoin de travailler, une écoute, même distraite, en classe, et le tour était joué! Notes au top, confiance en elle, et de ses parents, absolue.

Et pourtant...

Son entrée en 6 e se passe plutôt bien.

Sophia est avec ses deux meilleures copines, Agathe et Laetitia, la moitié du premier trimestre est très bonne et puis un hic... Quoi d'ailleurs? Sophia n'est même pas sûre de savoir. Une note un peu moins bonne et une fissure apparaît dans ses certitudes.

16 février
16,5/20.
J'ai eu un 16,5 en arts plastiques. A droite de la note, ces mots : " Très bon travail. " Si j'ai réalisé un " très bon travail ", pourquoi me noter si mesquinement ?
Même Agathe a eu plus que moi.
Les arts plastiques, c'est ma matière. Je dessine depuis que je suis petite et j'adore ça.
A quoi correspond ce 0,5 ? C'est ridicule. Pas assez intelligente pour avoir 17 et pas assez nulle pour avoir 16 ? Ou bien, il a eu pitié ? C'et un demi-point de charité ?
J'en ai eu les larmes aux yeux. Le prof n'a rien remarqué, mais les élèves, si. Je les ai vus. Il y en a un que ça a beaucoup amusé, j'en suis certaine. Ça ricanait quand le professeur a rendu mon travail en annonçant la note à voix haute.

Page 10-11

Et puis tout s'effondre, très vite.

Comparaison, honte, questionnements, déception, détournement de ses amies, une spirale infernale l'entraîne et la fait plonger.

La 6 e se termine, la 5 e débute, nouvelle classe mais elle reste seule et le calvaire se poursuit.

Sophia doute, se maudit, culpabilise, ment, angoisse, refuse d'aller au collège, s'isole ou est isolée. Elle ne sait plus. Elle imagine ou est-ce la réalité?

Sophia voudrait mais ne peut plus aller au collège.

Ce n'est pas " seulement " psychologique, son corps aussi ne s'y résout pas. Aller au collège devient une épreuve insurmontable. Les jours " de repos s'enchaînent " et se transforment en école buissonnière, jusqu'à l'explication.

Elle et ses parents ne le savent pas encore mais cela porte un nom: l a phobie scolaire.

Ils le connaîtront lorsqu'elle devra se faire soigner, et qu'elle apprendra à se reconstruire, à faire et à se faire confiance, avec de l'aide, en parlant, en se confiant.

La phobie scolaire n'a pas forcément besoin d'un facteur extérieur pour frapper et Fanny Vandermeersch le décrit très bien.

Pour nous décrire cette insidieuse mécanique, l'auteure a opté pour la forme du journal intime. Sophia nous est ainsi rendue plus proche, ses peurs plus intimes, ses épreuves plus réalistes.

Et de réalisme, il en est particulièrement question dans la seconde partie du livre car l'annexe, rédigée par Eudoxie Larose-Devarenne, vice-présidente de l'association Phobie Scolaire) nous explique clairement ce qu'est la phobie scolaire et nous offre des pistes d'aide (ce qui est appréciable).

Il ne s'agit pas seulement de la décrire mais aussi d'agir en conséquence si cela devait malheureusement advenir.

La phobie scolaire n'est en aucun cas liée à un quelconque désintérêt de l'enfant pour l'apprentissage ou de la fainéantise. Au contraire, la plupart des enfants qui en souffrent sont désireux de se nourrir intellectuellement. Ils se retrouvent alors confrontés à un cruel paradoxe : le désir d'aller à l'école et l'envie d'apprendre, d'un côté, et le fait d'être submergés par l'angoisse et paralysés par la peur, de l'autre.

Pages 86-87

En 2015 (donc tout récemment), l'association Phobie scolaire a vu le jour est s'est donnée pour but d'aider les familles concernées. Elle a aussi un groupe Facebook : Groupe de l'Association Phobie Scolaire ( l'officiel )- majeurs

La multiplicité des causes et l'absence de dénomination du diagnostique rendent l'estimation de l'impact de la phobie scolaire très difficile, difficulté que l'on retrouve également dans les pays voisins. Si les NEET (Not in Employment, Education or Training) de la tranche d'âge des 15-19 ans sont 6,1 % en France (8,5 % au Royaume-Uni, 11,1 % en Espagne et 11,7 % en Italie, mais seulement 1,9 % aux Pays-Bas), l'estimation la plus couramment admise est que la phobie scolaire concerne de 1 à 5% de la classe d'âge des 12-19 ans. La phobie scolaire touche aussi bien les bons élèves que les moins bons. Selon les études, 1 à 5 % des enfants scolarisés dans les pays occidentaux souffrent de phobie scolaire.

Sans avoir connu ceci, ce roman m'a renvoyée à ma propre scolarité (et notamment les moments de peurs et d'angoisse en sport - chose que vit Fanny dan le roman et qui la tétanise - devant tout le monde rendant l'échec, assorti de moqueries, inévitable) mais aussi à celle de ma fille, actuellement au collège.

Car oui, sans aller jusque-là, on s'y reconnaît et je me suis demandée à quel moment cela pouvait basculer.

Saurais-je le voir, l'appréhender, le comprendre comme il le faut si cela devait se produire ?

Des choses essaient de changer à l'école, des expérimentations (le mot est juste) sont menées pour améliorer le bien-être des élèves, changer leur manière de travailler CLIC et d'être notés avec la notation par compétences (au lieu d'une notation chiffrée) CLIC pour gérer leurs angoisses, freiner la compétition entre eux (et l'habitude que nous parents avons)... Avec ce tout désormais saupoudré et amplifié par les réseaux sociaux et ce qu'on appelle " les faits divers " CLIC.

C'est grâce aux articles conjoints de Noukette et Jérôme que j'ai découvert ce roman, à mettre en bibliothèques (familiales, municipales et CDI), et que j'ai eu la chance de le recevoir.

Merci aux Editions Le Muscadier

L'avis de Nathalie ICI.