Miroiter — J’ai glissé sur les eaux en m’agrippant à l’espoir. Elles ont éclaboussé tout autour de mes pas et dans l’infini du printemps. Je ne savais pas ce qu’était le bonheur avant de marcher dessus. Ça a fait comme un bruit de verre cassé. C’était un miroir qui s’est multiplié pour miroiter les images que j’avais dans la tête, plus petites, mais plus nombreuses. Le firmament s’y est laissé prendre avec les sons multipliés, eux aussi. Dans une des cassures, il y avait un univers. Parsemé de moyens de transport. Dans une autre, des chemins. Et au bout, une chevelure ondulée d’une femme au sourire voyageur. Elle s’est dégagée d’un amas de fer pour venir vers une partie de moi. Elle s’est évanouie puis elle est revenue en de multiples images plus belles les unes que les autres jusqu’à l’émerveillement total. Brisée en milliers de pièces. Belles universellement. Heureuses dans son éparpillement comme dans son ensemble. Mon éparpillement a rencontré le sien, j’ai trouvé son oreille attentive et lui ai susurré des mots de rassemblement.
Ces mots… — Au fur et à mesure, je compte les mots qui tombent encrer sur le blanc de ma feuille. D’abord peu nombreux, soulignant la brièveté de mes soucis, ils s’accumulent ensuite pour faire des explorations de sentiments qui débordent les frontières de mes pensées. Des éclairs électriques arrivent à mon cerveau, leurs mouvements me projettent des images qui demandent que je raconte leur histoire. Je les dépose délicatement sur un écran, je les agence pour que nous puissions nous envoler vers un monde réel et que ce monde soit le plus confortable qui soit, dépourvu des mensonges ordinaires. Je scrute mes neurones à la recherche des petites choses qui m’auraient échappé. Il m’arrive d’en trouver et alors je les fais porter par des verbes qui les rendent visibles. Je m’enivre de bonheur, mais je sais qu’il n’est que d’occasion et que nos asservissements nous guettent à chaque coin de nos idées, souvent là où on les attend le moins. Je sais que chacune de nos pensées est scrutée par des esclaves qui ont oublié qu’ils l’étaient.
L’auteur
Né à Saint-Ulric, près de Matane, sur la rive sud du fleuve, j’ai été créé par les images de ce désert d’eau qui change de forme selon les saisons. Je lancerai bientôt (le 23 novembre) Des mots sur des couleurs, mon premier recueil de récits, en collaboration avec l’artiste peintre Pierre Morin de Varennes qui appartient, tout comme moi, aux paysages de la Matanie, mon pays, mes amours.