Et même si un jour je n’ai plus de quoi payer le prix de mes errances solitaires, que je finis par m’y perdre pour de bon ; je n’exigerai jamais de toi que tu me tiennes la main le long du chemin. Depuis le temps que la porte n’en finit plus de claquer, je ne sais plus si c’est le monde qui m’envoie balader ou si c’est moi qui prends la poudre d’escampette et mes baskets à chaque fois que je me sens à l’étroit dans ses bras, dans mes silences et son brouhaha. Depuis le temps que mes pieds n’en finissent plus de fouler ses prairies, ses sables mouvants et son béton, je ne sais plus qui de nous deux fuit l’autre, et qui n’arrive plus à le suivre. Et si depuis quelque temps, je pars toujours si vite que je n’entends pas ce bruit au loin, celui de la porte que tes bras impuissants claquent derrière moi, ou celui de ta bouche en colère qui hurle à la fenêtre « attends-moi », parce qu’en fait tu veux bien venir ; la balade tu sais, même si je l’ai déjà faite mille fois au moins, n’a jamais ni l’air ni la chanson d’une promenade de santé : et ça m’embêterait bien que tu t’y casses le bout du nez.
Et même si un soir je n’ai plus de quoi rembourser les ardoises que j’ai laissées aux yeux, qui, le temps d’un bout de chemin, m’ont faite un peu plus forte que moi-même, je ne voudrais pas que tu fermes les tiens sur les erreurs que je n’ai pas su commettre ; et qui ne m’ont jamais fait grandir. Atteindre les hauteurs où la peur donne des ailes et où le ridicule ne tue pas, où n’être que soi c’est être plus petit que soi, la vie n’attend pas sagement que les erreurs mort-nées remontent à la surface d’un verre, que quelqu’un vide le verre et fasse claquer la porte. Calmement, que quelqu’un les traîne à ses pieds, qu’elles ralentissent son pas, et qu’il se mette en colère fort. Bêtement, qu’il se passe enfin quelque chose, mais comme à chaque fois qu’on lui pardonne et l’accepte comme elle est, la vie, elle n’en finit pas de rapetisser. Bêtement, comme il faut être bien bête tu sais, pour raconter des histoires qui parlent souvent de toi, et baisser les paupières et claquer la porte et freiner des quatre vies et de toutes les autres aussi, dès que tu tentes maladroitement d’y glisser un orteil.
Notice biographique
Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture. C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonoritJés, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.