Jamais deux sans trois, il parait ! Voilà donc le troisième roman des éditions Envolume que j'ai le privilège de lire. Il faut dire que j'ai été complètement sous le charme du tout premier, Trésor, un très GROS coup de cœur, résultat, ils ont maintenant une place à vie dans mon tendre palpitant. Je les remercie donc, encore une fois, pour cet envoi. Ce court roman va trouver sa place à côté de ses deux grands frères (avec La fuite) dans ma bibliothèque. Faut dire qu'ils sont bien jolis en plus. Et ça fait toujours du bien de voir que certains éditeurs soignent encore la fabrication de leurs ouvrages.
Le résumé humide *
Des migrants accompagnés d’un passeur tentent le grand voyage vers la frontière qui sépare le Mexique des États-Unis. La quête d’un paradis pour une mère et sa fille et la recherche d’un père pour un instituteur rapproche ces êtres, le temps de traverser ces zones désertiques. Victimes de leur guide et de ses "associés" sans foi ni loi, blessés à mort, ils arrivent à échapper aux gardes-frontière américains pour atteindre enfin la terre promise.
* Si, dans le roman, Mojado n'a pas complètement ce sens, il signifie en espagnol, mouillé, humide. D'où mes blagues nulles.
L'avis moite *
Mojado, je le disais en introduction, est vraiment un très court roman, une petite centaine de pages et voilà que vous quittez déjà les personnages. À peine commencé, déjà terminé. Mais boudieu ! Quelle force !
Nous allons suivre plusieurs personnages, des migrants, en route vers la frontière séparant le Mexique des États-Unis, rêvant d'une vie meilleure de l'autre côté. Parmi eux, c'est Cuauhtémoc (si quelqu'un a une idée de la prononciation de ce nom d'ailleurs...) qui va apparaître comme le personnage principal. Et c'est à travers lui que la dureté du périple va parfois s'effacer pour laisser place à une poésie humaine et humaniste. Le jeune homme, instituteur, part à la recherche de son père qui a émigré aux USA il y a bien longtemps et dont l'absence de nouvelles est inquiétante. Pendant cette quête initiatique (la recherche du père, c'est tout de même bien symbolique), les pensées les plus disparates vont se bousculer en lui, jusqu'à presque prendre vie, montrant qu'il n'y a pas de fuite en avant sans introspection.
Mais au milieu des citations, des extraits de théâtre, de poésie, c'est surtout la violence qui transparaît. La violence du milieu, avec la sèche dureté du désert, celle des passeurs, êtres humains sans pitié, dont le seul but reste le profit, celle des patrouilles douanières dont certaines affreuses images, vues dans des documentaires, ont sans cesse tourné dans ma tête et, plus subtile, et en raccord avec l'actualité, la probable violence que ces pauvres gens auront à subir s'ils arrivent finalement à traverser et à s'établir dans le pays de leurs rêves (coucou Trump). L'auteur n'en parle pas, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser et de le ressentir dans son texte.
Il est dit en quatrième de couverture que Dominique Falkner, l'auteur, a effectué lui-même ce long périple avant de se mettre à l'écriture de son roman. Et ça se sent. C'est dur, c'est fort et, j'ai presque envie de dire, heureusement que c'est court. Trop long, ça en deviendrait insoutenable. L'écriture, comme le récit, est puissante, intelligente, singulière parfois et arrive à montrer toute cette grande brutalité avec une intense délicatesse.
En Bref
Broco conseille
J'ai été totalement soufflée par ce court texte et ai même dû relire certains passages pour être bien certaine d'avoir bien lu ce que j'avais lu. Aujourd'hui, ce genre de roman, puissant et informatif, me semble totalement indispensable et on ne peut que penser à tout ce que l'on a vu ou entendu récemment. Mojado fait réfléchir et réagir, tout en montrant ce qu'il y a de plus beau ET de plus mauvais en l'être humain. Sans aucune politique, Dominique Falkner nous fiche une petite claque derrière la tête en nous rappelant que, derrière ce que beaucoup appellent un "fléau", il y a juste des hommes, des femmes et des enfants portés par l'espoir d'une vie meilleure et que cet espoir consiste souvent en un dur chemin, semé d'embûches.Une info
- Si vous achetez Mojado sur le site des éditions Envolume, il semble que les droits d'auteur soient doublés, étant donné que leur marge est plus importante que lorsque l'ouvrage est passé par une librairie. Ça n'est absolument pas la norme (c'est même bien la première fois que je vois ça). Alors, je n'ai rien contre les librairies, mais je trouve la démarche tellement chouette (et juste) que je ne pouvais pas m'empêcher de la partager.