La Montagne Magique. Jirô TANIGUCHI – 2007 (BD)

Par Vivrelivre @blandinelanza

La Montagne Magique

Scénario et dessins de Jirô TANIGUCHI

Mise en couleurs de Walter et Yuka

Traduit du japonais par Corinne QUENTIN avec Naomiki SATÔ

Editions Casterman, septembre 2007. (Japon, 2005 sous le titre Maho no yama)

72 pages.

Thèmes : enfance, famille, maladie, mort, fantastique, nature, quête initiatique.

Eté 1967, à Tottori.

Les vacances scolaires viennent de débuter mais pour Ken-Ichi, 11 ans, et sa petite sœur, Sakiko, 6 ans, elles n'ont rien de réjouissant.

Leur maman est très malade et doit partir se faire opérer à Ôsaka avant de s'y reposer.

On apprend au cours de la lecture que son état s'est aggravé, n'augurant rien de bon pour sa vie.

Les enfants, orphelins de père depuis déjà 4 ans, sont gardés par leurs grands-parents.

Le jeune garçon oublie sa réalité avec ses copains.

Presque tous les jours, ils se rendent dans les ruines du château qui dominait autrefois la ville du haut de la montagne. Terrain attractif de jeux, de légendes et de superstitions, ils se font peur en entrant dans les différents tunnels qui ouvrent l'enceinte de pierre.

Mais les copains partent et Ken-Ichi se retrouve seul face à son chagrin et ses souvenirs.

C'est ainsi qu'il entre un jour de pluie dans le musée du folklore régional, situé dans un bâtiment de style occidental.

Il y fait une rencontre plus qu'étrange avec une salamandre qui lui parle.

Elle lui dit l'attendre depuis dix ans, qu'elle sait tout de lui, son père, sa mère et que seul lui peut le sauver en l'aidant à réintégrer son milieu, la source merveilleuse, qui se trouve sous le château. Un terrible malheur pourrait frapper sinon.

En échange, il lui fait la promesse d'exaucer un vœu, n'importe lequel.

Ken-Ichi n'hésite pas longtemps et embarque sa sœur dans cette aventure, initiatique et fantastique.

Trouvé à la bibliothèque, je n'ai pas hésité à emprunter cet album, surtout après la lecture du quatrième de couverture, et sa mention au Petit Prince !

" Toute l'œuvre de Taniguchi est imprégnée d'un appel à vivre avec un cœur pur et ceux qui l'aiment la lisent précisément pour cela : parce qu'elle permet d'entrer en contact avec le Petit Prince qui est en nous.
Les émotions incroyablement fortes qui naissent des histoires de Taniguchi redonnent confiance en la possibilité d'une humanité tendre et font à nos cœurs comme une enveloppe chaleureuse et ressourçante. "

Stéphane et Muriel Barbery

Bien que la chute soit prévisible, il ressort de cet album beaucoup de douceur et de tendresse nostalgique.

Les thèmes chers au cœur de Taniguchi s'y retrouvent : les éléments autobiographiques disséminés ça et là (" J'ai grandi à Tottori ", première phrase de l'album), l'absence du père, l'innocence de l'enfance, le lien intrinsèque avec la nature, l'interconnexion des êtres vivants entre eux, quelque soient leur forme ou état, une forme de danger (ici avec les rumeurs sur la montagne et les spéculations touristiques autour du lieu), la mélancolie.

Après Un zoo en hiver, c'est mon deuxième album de Jirô Taniguchi.

Un style totalement différent, tant dans l'histoire que dans l'album lui-même.

En effet, tout l'objet-livre, hormis le dessin qui reste dans le style manga, est influencé par la bande-dessinée occidentale, que Taniguchi a découverte grâce aux " comics " américains, 35 ans plus tôt.

Il nous raconte cette rencontre dans la préface.

Un grand format cartonné, un nombre de pages " réduit ", la mise en couleur et le sens de lecture

L'album se clôt sur un entretien très intéressant, réalisé à Tokyo en avril 2007, entre l'auteur et Stéphane et Muriel Barbery.

Il porte sur cette histoire, sur l'œuvre de Taniguchi dans son ensemble, de ses thèmes, de sa manière de travailler, son rapport à l'enfance en général, et à la sienne en particulier, et aux résonances chez l'adulte qu'il est devenu, que chacun devient.

Et, le choix de la salamandre géante du Japon, bien différente de celle connue en France, (emblème de François 1 er), et qui est l'animal propre à Tottori.

Pour créer une histoire, j'ai besoin qu'il se passe quelque chose de particulièrement fort et je pense que tout individu connaît de genre de moment qui oriente une vie. Par contre, que cela soit ressenti comme triste, ce n'est pas ce que je vise. Je pense que dans la vie il y a toujours des événements imprévus, des rencontres inattendues. Et cela peut aussi bien être un moment heureux que triste. Quant au léger état dépressif dont vous parlez, je le vis moi-même parfois mais j'ai l'impression que c'est un état nécessaire à l'être humain.
(...)
La mélancolie me semble être une sorte de remède pour équilibrer l'esprit. Si, comme vous le dîtes, la mélancolie a à voir avec la sensation d'impermanence, je trouve cela très beau ou plutôt c'est ce qui, dans les sentiments humains, me semble le plus subtil, insaisissable, et sans doute le plus précieux. La mélancolie n'est pas considérée comme une maladie mais comme l'état le plus pur de l'individu, et donc aussi le plus vulnérable. C'est pourquoi, pour moi, l'état dépressif n'est pas absolument mauvais et je pense même que c'est un état nécessaire qui porte à la réflexion et au calme.
Une euphorie permanente serait trop fatigante.

Page 68

Une philosophie de la vie que je partage totalement !

Cet album participe au RDV BD de la semaine qui se passe aujourd'hui chez Mo' (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC) ainsi qu'au Challenge " Un mois au Japon " de Lou et Hilde, et au " Petit Bac 2017 " d'Enna, pour ma quatrième ligne catégorie Sport/Loisir.

Hilde et Mo' ont aussi présenté cet album, retrouvez leurs article ICI et LA.