Un des problèmes majeurs pour le néophyte en matière de comics est de trouver un bon point d'entrée pour comprendre et apprécier les personnages dont nous sommes friands. Pour ce faire, Marvel a eu dans les années 2000 une idée fichtrement bonne, créer un univers parallèle dans lequel tout est à reconstruire, avec une sorte de mise à jour pertinente et plus réaliste. La naissance du plus grand groupe de super héros, les Avengers ( ici rebaptisés les Ultimates, donc) est de la sorte revisitée de manière époustouflante et irrésistible. Entre un Thor mi hippie mi illuminé, un Hank Pym qui tabasse sa femme et la laisse pour morte, dans ce qui est probablement la scène de ménage la plus spectaculaire jamais pensée dans un comic-book (on en fait des choses avec de l'insecticide), ou encore un Tony Stark milliardaire cynique et calculateur, il y a de quoi faire, dans cet album. L'humour coule à flots et les dialogues oscillent continuellement entre le sarcasme génial et le réalisme le plus jouissif. Oubliez Hulk qui du plus profond de sa colère ancestrale, ne parviens qu'à articuler "Hulk méchant, hulk tuer". Avez vous déjà entendu auparavant le géant vert se pourfendre d'un "Hulk va t'arracher ta tête et après il pissera dans ton crâne"? Ou vu Captain America achever un adversaire battu et qui se rend, d'un coup de botte militaire dans le menton? Au départ, la ligne Ultimate avait pour but de permettre à tous ces nouveaux lecteurs, rebutés par des décennies de continuity et qui n'y comprenaient plus grand chose aux élucubrations marvéliennes, de prendre le train en marche et de découvrir un Marvelverse 2.0 un peu plus à la page. En respectant les canons de la modernité, c'est à dire moins de tabous pour ce qui est de la violence, du sexe, de l'irrévérence. Un monde plus jeune, moins guindé, où le super héroïsme et l'angélisme ne font pas bon ménage.
On présentait déjà que Mark Millar avait l'étoffe d'un chef de file des grands scénaristes de l'ère moderne des comics mainstream. On obtient ici une frappante confirmation, avec un récit électrisant qui alterne action pure et humour corrosif. Quand aux dessins de Brian Hitch, ils sont tout simplement le meilleur écrin possible pour ce bijou immanquable : expressifs, puissants, lumineux. Certains reprocheront à l'ensemble un petit coté figé, glacé, mais l'inventivité des cadrages et la profusion de détails rendent tout pinaillage assez vain. Certes, l'artiste est lent, et produire cette histoire ne fut pas sans difficulté, mais on prendra un plaisir évident à la relire dans la collection Marvel Icons, et son beau papier épais, qui est à mon sens une des vraies réussites de Panini ces dernières années. Comme déjà dit, Millar propose des versions plus réalistes des héros, et c'est en toute légitimité que Captain America, qui a grandi dans les années 30/40 et a participé à la guerre bercé par un esprit patriotique aiguisé, se retrouve en décalage par rapport à l'Amérique moderne qu' il découvre, et face à laquelle il parait être un conservateur réactionnaire. Les super héros ont des failles et sont humains, ils n'ont plus rien d'iconique ou de parfait, et les doutes, les défauts, sont visibles au delà des costumes, définissent ces humains super dans leurs pouvoirs et leurs missions, mais terriblement semblables à vous ou moi dans leurs réactions. Un grand classique de l'âge moderne des comics Marvel, que vous vous devez de posséder dans votre collection!
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