Le titre de notre roman du jour pourrait être le nom d'un méchant dans un film de super-héros ou dans un Jmaes Bond. Mais pas du tout. On peut pourtant considérer cet élément comme un personnage central de ce livre, bien plus qu'un simple décor. Et surtout, c'est sur lui que repose le sujet original de ce polar : la géologie. Ouh là, j'en vois qui grimacent, dans l'assemblée ! Mais, ne partez pas, je vous assure que c'est justement ce qui fait l'originalité de ce roman policier, assez classique dans la forme mais passionnant (et assez effrayant, aussi) dans le fond. "Karst" (en grand format aux éditions Liana Levi) est le premier roman de David Humbert, journaliste scientifique spécialisé dans les questions environnementales et c'est une belle découverte, prenante, dépaysante (vous verrez pourquoi) et surtout terriblement d'actualité à plus d'un titre. Le genre de lecture qui vous rappelle utilement pourquoi l'eau qui sort de votre robinet sent parfois un peu, beaucoup le chlore...
Paul Kubler était une des étoiles montantes du 36, quai des Orfèvres, un des prochains cadors de la police judiciaire. Et puis, suite à un incident (que je ne vous expliquerai pas ici, c'est une des interrogations du roman), sa carrière a été brisée nette. Retour dans sa région natale, la Normandie, le voilà muté à un poste dans un commissariat de Rouen, au bas de l'échelle.
Et le moins qu'on puisse dire, c'est que l'accueil de ses nouveaux collègues est frisquet... Paul ressent la méfiance et même un peu plus de la part de ses supérieurs comme de ses subordonnées. Personne ne lui fait confiance et on lui confie des tâches indignes de ce qu'il est. Mais, c'est le jeu, il en a conscience, il l'accepte et prend son mal en patience, réduit à surveiller les manifestations.
Des manifs, il y en a pas mal, en ce moment. Une des grosses entreprises de la ville menace de licencier et les syndicats sont sur les dents. La tension est forte, les risques de débordements aussi. Mais, avec la BAC aussi, l'indépendance de Paul ne passe pas toujours très bien et le jeune lieutenant a un peu trop tendance à se réfugier dans l'alcool pour oublier cette mauvaise passe...
Jusqu'au jour où il se voit confier une affaire qui, à première vue, n'a rien d'excitant. Peut-être pire encore que faire le service d'ordre devant la préfecture. Tout commence un matin, à l'approche du pont de l'Ascension. Dans toute l'agglomération rouennaise, l'eau qui sort des robinets est.. rose. Un rose rappelant le slime, sans la consistance (sinon, décroche le téléphone et appelle SOS Fantôme...).
S'agit-il d'une plaisanterie de mauvais goût, d'un coup d'éclat d'une association qui a voulu défier les autorités en plein plan Vigipirate ou d'un avertissement aux allures de menace ? Les sources qui alimentent la ville et ses environs ont forcément été polluées par un produit heureusement inoffensif, mais jusqu'à quand ?
A Paul de s'occuper de ça, le genre cadeau empoisonné, c'est le cas de le dire. D'abord parce qu'il va devoir faire avec toutes les administrations concernées, à la fois peu enclines à reconnaître leurs torts et incapables de lui fournir des éléments clairs, les élus et leurs intérêts locaux, les scientifiques et leurs savoirs parfois abscons, dans un domaine auquel il ne connaît rien : la géologie...
Mais voilà, le lieutenant Paul Kubler mérite bien mieux que le mépris de sa hiérarchie. C'est un excellent flic, intègre et consciencieux. Et si, au départ, cette affaire ne paraît pas très importante, il va lui consacrer toute son énergie. Surtout quand, quelques jours après la première coloration, l'eau va prendre une couleur vert absinthe aussi peu rassurante que le rose...
Et, avec son flair de flic déjà aguerri malgré son jeune âge, Paul va se lancer dans une enquête délicate, complexe et dangereuse où c'est bientôt le sang qui va couler. Un sang rouge, tout ce qu'il y a de plus normal, cette fois, un fluide vital qui, lui, n'est pas fait pour se répandre... Il y a urgence, et bien peu de monde à qui faire confiance...
Le karst, c'est un phénomène géomorphologique. Sans doute vais-je être réducteur pour être clair, mais tant pis : c'est le décor que sculpte l'eau par l'érosion qu'elle produit, en particulier dans les région où le calcaire est présent. Dans la région de Rouen, c'est le cas. Et l'eau, dont l'écoulement est tout à fait imprévisible, crée alors des parcours tourmentés, sinueux, mais qu'elle suit ensuite inexorablement.
Bétoire, cavités diverses, grottes, le karst, c'est un incroyable circuit éternellement recommencé à chaque pluie pour alimenter les nappes phréatiques auprès desquelles nous nous alimentons en eau. Et c'est cela que Paul Kubler va devoir comprendre pour espérer découvrir ceux qui ont coloré l'eau et, surtout, dans quel but ils ont agi ainsi.
Si "Karst" est un polar à la française assez classique dans sa construction, il faut saluer le travail de vulgarisation de David Humbert qui s'adresse à des béotiens dans mon genre et parvient à expliquer ce cycle de l'eau de manière très claire et, surtout, sans alourdir son récit ni nuire au rythme de son intrigue. Voilà en quoi, pour moi, le karst est un des personnages du livre.
Il n'est pas le seul, évidemment, et on va évoquer Paul Kubler un peu plus en détails. Si l'on comprend d'emblée qu'on a affaire à un excellent flic, pèse longtemps sur lui un doute, lié aux raisons qui lui ont valu d'être aussi brutalement rétrogradé. L'accueil des policiers rouennais, plus que froid, intrigue également : qu'a-t-il donc bien pu faire ?
C'est un jeune homme, la petite trentaine, un poil trop porté sur la bouteille quand les journées ne tournent pas tout à fait rond, roulant plus volontiers au guidon d'une moto japonaise qui a son âge que d'une voiture banalisée. Indépendant, un peu trop, prenant des initiatives, un peu trop, parlant franchement, un peu trop, bref, un adepte du cavalier seul.
Pourtant, dans cette enquête, il va devoir trouver des appuis. D'abord pour acquérir des rudiments de géologie et comprendre le karst et l'eau, parce que, sans cela, impossible de deviner les intentions de ceux qui ont coloré l'eau. Ces appuis s'appelleront Flavio Puppo ou Melody Dornier. Mais, le hic, c'est qu'ils ont tout autant un profil de coupable que les autres intervenants...
Il doit apprendre, et vite, mais peut-il savoir si on lui ment, si on cherche à lui mettre des bâtons dans les roues ? Petit à petit, son enquête va révéler diverses pistes qui, parfois, se recoupent, mais peuvent aussi s'opposer : les intérêts en jeu, les mobiles éventuels, les personnalités impliquées directement ou non, tout cela crée une autre sorte de karst dans lequel doit évoluer Paul Kubler.
A lui d'explorer toutes ces voix, toutes ces galeries qu'il met au jour, à lui de confronter les différents acteurs à des hypothèses souvent bien fragiles. Oui, il va lui falloir cartographier avec la plus grande des précisions ce réseau complexe de pistes à suivre, saisir la personnalité des uns et des autres et les liens qui les unissent ou créent des antagonismes.
Pour cela, il va pouvoir compter sur un renfort important : un vieux flic sur le retour, mis au rancart en attendant la retraite. Rossi, c'est un peu le Kubler de la génération précédente, un vieux cheval en fin de course, oublié dans son coin, blasé et solitaire. Un miroir qui renverrait à Kubler ce qu'il deviendra s'il n'y prend pas garde.
Mais, leurs points communs résident aussi dans leurs compétences et leur capacité de travail, définitivement sous-employées dans ce commissariat de quartier. Leur duo, sur le modèle senior/junior, comme on dirait dans la police américaine, va fonctionner à plein, en marge d'une hiérarchie à qui ils rendent bien son mépris.
Pour le reste, pour les autres personnages et pour les trames secondaires, il va vous falloir lire ce roman. Une vraie découverte, très agréable à lire, avec des personnages qu'on a envie de revoir, Kubler en tête. Ce n'est d'ailleurs pas une évidence, mais la porte n'est pas non plus fermée. Et, vu les premiers échos aperçus sur la toile, pourquoi ne pas envisager tranquillement de nouvelles enquêtes ?
Et puis, il y a Rouen et son agglomération. J'ai évoqué le sous-sol à travers ce terme de karst qui, redisons-le, ne doit pas vous effrayer. Mais, ce décor a lui aussi du potentiel. David Humbert a beau être franc-comtois de naissance, voilà des années qu'il travaille et milite pour l'environnement dans la capitale normande. Et on le sent bien : il fait un excellent guide.
Les plus attentifs parmi vous auront noté que, dans mon introduction, j'ai parlé de dépaysement. Puis, je vous emmène à Rouen... Que les Normands et les Rouennais qui pourraient passer par-là ne se vexent pas, il est vrai que ce n'est pas forcément la première ville qui vient à l'idée lorsqu'on prononce ce mot de dépaysement...
Alors, bien sûr, on croise la cathédrale et les autres monuments de cette ville à la riche histoire, l'ombre de Jeanne d'Arc, évidemment, la Seine, sa colonne vertébrale, mais aussi les symboles d'une modernisation qui parfois, passe mal (comme le fameux et impressionnant pont levant Gustave-Flaubert, mais pas seulement)...
David Humbert nous fait aussi sortir de la cité pour prendre de la hauteur, à Bonsecours, ou plonger dans la Manche, au pied de falaises moins connues que celles d'Etretat, et pourtant remarquables. Enfin, il nous emmène à la découverte des très nombreuses sources que comptent les campagnes environnantes et qui sont le point névralgique de ce roman.
Le dépaysement, le voilà, lorsque, pour appréhender ce qu'est le karst, Paul Kubler va se rendre dans les magnifiques et impressionnantes carrières de Caumont. Encore une fois l'analogie entre le karst et les pistes que suit un enquêteur : il faut les suivre, et parfois, dans des conditions qui n'ont rien d'ordinaire et où l'on ne maîtrise plus grand-chose...
Que dire ? On vient de me dire récemment que mes billets de blog devraient plus souvent comporter des images... Et bien, l'occasion est belle d'en mettre une, avec, par exemple, cette incroyable rivière des Robots, à laquelle on accède via les carrières de Caumont. Une photo, oui, une seule, mais bien plus sur ce lien, qui vous fait visiter ces lieux fabuleux et inattendus :
Si l'homme a imprimé sa marque dans la roche, l'eau a laissé des traces bien plus impressionnantes encore et d'une beauté à couper le souffle. Rien que pour cela, il faut remercier David Humbert qui nous permet de découvrir (eh oui, je suis déjà passé par Rouen, mais pas assez longtemps pour aler crapahuter à Caumont) de tels sites.
On parle souvent de la lecture et de sa puissance, mais face à de tels décors, rien ne vaut la photographie. Difficile de se représenter ces endroits extraordinaires sans quitter les pages et les morts pour voir. Et, pour cela, pour se rendre dans n'importe quel lieu magique de cette planète sans bouger de son canapé, juste en reposant quelques instants son livre, il y a internet, outil aussi haïssable, parfois, qu'utile...
Allez, je sors ma casquette de relou, deux secondes... Bien sûr on peut s'immerger dans la lecture, devenir hermétique au monde jusqu'à la dernière page. Mais, avouez qu'avoir le réflexe internet quand c'est nécessaire (musique, oeuvre d'art, bâtiment, paysage...), c'est aussi l'occasion de faire des découvertes mémorable, comme celle-ci. Je referme la parenthèse moralisatrice, promis.
Et je vous conseille la lecture de "Karst", premier roman qui, espérons-le, en appellera d'autres. Je serai curieux, d'ailleurs, de savoir si David Humbert saura conserver sa facette scientifique et ses connaissances en matière environnementales ou s'il choisira d'aller vers tout autre chose, à Rouen, en Normandie, ou ailleurs.
En attendant, "Karst" a le profil idéal d'une agréable lecture estivale, lorsqu'on marque une pause dans sa vie, son quotidien. Ici, on s'évade tout en gardant à l'esprit des problématiques très fortes et très contemporaines. Des inquiétudes qui sont les nôtres chaque jour, en ces temps bien souvent difficiles.
Les thèmes qu'aborde ce polar au travers des questions géologiques évoquées dans ce billet nous ramène aux questionnements du moment, entre respect de l'environnement, destruction de cette nature sans laquelle nous ne pourrions vivre, relations dangereuses entre pouvoir et argent, et même le terrorisme. Oui, "Karst" est une riche lecture en même temps qu'un bon divertissement.
Paul Kubler était une des étoiles montantes du 36, quai des Orfèvres, un des prochains cadors de la police judiciaire. Et puis, suite à un incident (que je ne vous expliquerai pas ici, c'est une des interrogations du roman), sa carrière a été brisée nette. Retour dans sa région natale, la Normandie, le voilà muté à un poste dans un commissariat de Rouen, au bas de l'échelle.
Et le moins qu'on puisse dire, c'est que l'accueil de ses nouveaux collègues est frisquet... Paul ressent la méfiance et même un peu plus de la part de ses supérieurs comme de ses subordonnées. Personne ne lui fait confiance et on lui confie des tâches indignes de ce qu'il est. Mais, c'est le jeu, il en a conscience, il l'accepte et prend son mal en patience, réduit à surveiller les manifestations.
Des manifs, il y en a pas mal, en ce moment. Une des grosses entreprises de la ville menace de licencier et les syndicats sont sur les dents. La tension est forte, les risques de débordements aussi. Mais, avec la BAC aussi, l'indépendance de Paul ne passe pas toujours très bien et le jeune lieutenant a un peu trop tendance à se réfugier dans l'alcool pour oublier cette mauvaise passe...
Jusqu'au jour où il se voit confier une affaire qui, à première vue, n'a rien d'excitant. Peut-être pire encore que faire le service d'ordre devant la préfecture. Tout commence un matin, à l'approche du pont de l'Ascension. Dans toute l'agglomération rouennaise, l'eau qui sort des robinets est.. rose. Un rose rappelant le slime, sans la consistance (sinon, décroche le téléphone et appelle SOS Fantôme...).
S'agit-il d'une plaisanterie de mauvais goût, d'un coup d'éclat d'une association qui a voulu défier les autorités en plein plan Vigipirate ou d'un avertissement aux allures de menace ? Les sources qui alimentent la ville et ses environs ont forcément été polluées par un produit heureusement inoffensif, mais jusqu'à quand ?
A Paul de s'occuper de ça, le genre cadeau empoisonné, c'est le cas de le dire. D'abord parce qu'il va devoir faire avec toutes les administrations concernées, à la fois peu enclines à reconnaître leurs torts et incapables de lui fournir des éléments clairs, les élus et leurs intérêts locaux, les scientifiques et leurs savoirs parfois abscons, dans un domaine auquel il ne connaît rien : la géologie...
Mais voilà, le lieutenant Paul Kubler mérite bien mieux que le mépris de sa hiérarchie. C'est un excellent flic, intègre et consciencieux. Et si, au départ, cette affaire ne paraît pas très importante, il va lui consacrer toute son énergie. Surtout quand, quelques jours après la première coloration, l'eau va prendre une couleur vert absinthe aussi peu rassurante que le rose...
Et, avec son flair de flic déjà aguerri malgré son jeune âge, Paul va se lancer dans une enquête délicate, complexe et dangereuse où c'est bientôt le sang qui va couler. Un sang rouge, tout ce qu'il y a de plus normal, cette fois, un fluide vital qui, lui, n'est pas fait pour se répandre... Il y a urgence, et bien peu de monde à qui faire confiance...
Le karst, c'est un phénomène géomorphologique. Sans doute vais-je être réducteur pour être clair, mais tant pis : c'est le décor que sculpte l'eau par l'érosion qu'elle produit, en particulier dans les région où le calcaire est présent. Dans la région de Rouen, c'est le cas. Et l'eau, dont l'écoulement est tout à fait imprévisible, crée alors des parcours tourmentés, sinueux, mais qu'elle suit ensuite inexorablement.
Bétoire, cavités diverses, grottes, le karst, c'est un incroyable circuit éternellement recommencé à chaque pluie pour alimenter les nappes phréatiques auprès desquelles nous nous alimentons en eau. Et c'est cela que Paul Kubler va devoir comprendre pour espérer découvrir ceux qui ont coloré l'eau et, surtout, dans quel but ils ont agi ainsi.
Si "Karst" est un polar à la française assez classique dans sa construction, il faut saluer le travail de vulgarisation de David Humbert qui s'adresse à des béotiens dans mon genre et parvient à expliquer ce cycle de l'eau de manière très claire et, surtout, sans alourdir son récit ni nuire au rythme de son intrigue. Voilà en quoi, pour moi, le karst est un des personnages du livre.
Il n'est pas le seul, évidemment, et on va évoquer Paul Kubler un peu plus en détails. Si l'on comprend d'emblée qu'on a affaire à un excellent flic, pèse longtemps sur lui un doute, lié aux raisons qui lui ont valu d'être aussi brutalement rétrogradé. L'accueil des policiers rouennais, plus que froid, intrigue également : qu'a-t-il donc bien pu faire ?
C'est un jeune homme, la petite trentaine, un poil trop porté sur la bouteille quand les journées ne tournent pas tout à fait rond, roulant plus volontiers au guidon d'une moto japonaise qui a son âge que d'une voiture banalisée. Indépendant, un peu trop, prenant des initiatives, un peu trop, parlant franchement, un peu trop, bref, un adepte du cavalier seul.
Pourtant, dans cette enquête, il va devoir trouver des appuis. D'abord pour acquérir des rudiments de géologie et comprendre le karst et l'eau, parce que, sans cela, impossible de deviner les intentions de ceux qui ont coloré l'eau. Ces appuis s'appelleront Flavio Puppo ou Melody Dornier. Mais, le hic, c'est qu'ils ont tout autant un profil de coupable que les autres intervenants...
Il doit apprendre, et vite, mais peut-il savoir si on lui ment, si on cherche à lui mettre des bâtons dans les roues ? Petit à petit, son enquête va révéler diverses pistes qui, parfois, se recoupent, mais peuvent aussi s'opposer : les intérêts en jeu, les mobiles éventuels, les personnalités impliquées directement ou non, tout cela crée une autre sorte de karst dans lequel doit évoluer Paul Kubler.
A lui d'explorer toutes ces voix, toutes ces galeries qu'il met au jour, à lui de confronter les différents acteurs à des hypothèses souvent bien fragiles. Oui, il va lui falloir cartographier avec la plus grande des précisions ce réseau complexe de pistes à suivre, saisir la personnalité des uns et des autres et les liens qui les unissent ou créent des antagonismes.
Pour cela, il va pouvoir compter sur un renfort important : un vieux flic sur le retour, mis au rancart en attendant la retraite. Rossi, c'est un peu le Kubler de la génération précédente, un vieux cheval en fin de course, oublié dans son coin, blasé et solitaire. Un miroir qui renverrait à Kubler ce qu'il deviendra s'il n'y prend pas garde.
Mais, leurs points communs résident aussi dans leurs compétences et leur capacité de travail, définitivement sous-employées dans ce commissariat de quartier. Leur duo, sur le modèle senior/junior, comme on dirait dans la police américaine, va fonctionner à plein, en marge d'une hiérarchie à qui ils rendent bien son mépris.
Pour le reste, pour les autres personnages et pour les trames secondaires, il va vous falloir lire ce roman. Une vraie découverte, très agréable à lire, avec des personnages qu'on a envie de revoir, Kubler en tête. Ce n'est d'ailleurs pas une évidence, mais la porte n'est pas non plus fermée. Et, vu les premiers échos aperçus sur la toile, pourquoi ne pas envisager tranquillement de nouvelles enquêtes ?
Et puis, il y a Rouen et son agglomération. J'ai évoqué le sous-sol à travers ce terme de karst qui, redisons-le, ne doit pas vous effrayer. Mais, ce décor a lui aussi du potentiel. David Humbert a beau être franc-comtois de naissance, voilà des années qu'il travaille et milite pour l'environnement dans la capitale normande. Et on le sent bien : il fait un excellent guide.
Les plus attentifs parmi vous auront noté que, dans mon introduction, j'ai parlé de dépaysement. Puis, je vous emmène à Rouen... Que les Normands et les Rouennais qui pourraient passer par-là ne se vexent pas, il est vrai que ce n'est pas forcément la première ville qui vient à l'idée lorsqu'on prononce ce mot de dépaysement...
Alors, bien sûr, on croise la cathédrale et les autres monuments de cette ville à la riche histoire, l'ombre de Jeanne d'Arc, évidemment, la Seine, sa colonne vertébrale, mais aussi les symboles d'une modernisation qui parfois, passe mal (comme le fameux et impressionnant pont levant Gustave-Flaubert, mais pas seulement)...
David Humbert nous fait aussi sortir de la cité pour prendre de la hauteur, à Bonsecours, ou plonger dans la Manche, au pied de falaises moins connues que celles d'Etretat, et pourtant remarquables. Enfin, il nous emmène à la découverte des très nombreuses sources que comptent les campagnes environnantes et qui sont le point névralgique de ce roman.
Le dépaysement, le voilà, lorsque, pour appréhender ce qu'est le karst, Paul Kubler va se rendre dans les magnifiques et impressionnantes carrières de Caumont. Encore une fois l'analogie entre le karst et les pistes que suit un enquêteur : il faut les suivre, et parfois, dans des conditions qui n'ont rien d'ordinaire et où l'on ne maîtrise plus grand-chose...
Que dire ? On vient de me dire récemment que mes billets de blog devraient plus souvent comporter des images... Et bien, l'occasion est belle d'en mettre une, avec, par exemple, cette incroyable rivière des Robots, à laquelle on accède via les carrières de Caumont. Une photo, oui, une seule, mais bien plus sur ce lien, qui vous fait visiter ces lieux fabuleux et inattendus :
Si l'homme a imprimé sa marque dans la roche, l'eau a laissé des traces bien plus impressionnantes encore et d'une beauté à couper le souffle. Rien que pour cela, il faut remercier David Humbert qui nous permet de découvrir (eh oui, je suis déjà passé par Rouen, mais pas assez longtemps pour aler crapahuter à Caumont) de tels sites.
On parle souvent de la lecture et de sa puissance, mais face à de tels décors, rien ne vaut la photographie. Difficile de se représenter ces endroits extraordinaires sans quitter les pages et les morts pour voir. Et, pour cela, pour se rendre dans n'importe quel lieu magique de cette planète sans bouger de son canapé, juste en reposant quelques instants son livre, il y a internet, outil aussi haïssable, parfois, qu'utile...
Allez, je sors ma casquette de relou, deux secondes... Bien sûr on peut s'immerger dans la lecture, devenir hermétique au monde jusqu'à la dernière page. Mais, avouez qu'avoir le réflexe internet quand c'est nécessaire (musique, oeuvre d'art, bâtiment, paysage...), c'est aussi l'occasion de faire des découvertes mémorable, comme celle-ci. Je referme la parenthèse moralisatrice, promis.
Et je vous conseille la lecture de "Karst", premier roman qui, espérons-le, en appellera d'autres. Je serai curieux, d'ailleurs, de savoir si David Humbert saura conserver sa facette scientifique et ses connaissances en matière environnementales ou s'il choisira d'aller vers tout autre chose, à Rouen, en Normandie, ou ailleurs.
En attendant, "Karst" a le profil idéal d'une agréable lecture estivale, lorsqu'on marque une pause dans sa vie, son quotidien. Ici, on s'évade tout en gardant à l'esprit des problématiques très fortes et très contemporaines. Des inquiétudes qui sont les nôtres chaque jour, en ces temps bien souvent difficiles.
Les thèmes qu'aborde ce polar au travers des questions géologiques évoquées dans ce billet nous ramène aux questionnements du moment, entre respect de l'environnement, destruction de cette nature sans laquelle nous ne pourrions vivre, relations dangereuses entre pouvoir et argent, et même le terrorisme. Oui, "Karst" est une riche lecture en même temps qu'un bon divertissement.