Tu veux partir. Tu pars. Tu te tires. Dans ta tête seulement. Pas moyen autrement. La journée, tu la passes dans la cité. La nuit, tu la passes à imaginer. Renverser la vapeur. Un ailleurs. Tu respires. Tu soupires. Tu dis qu’il n’y a que le vent. Le vent, la brise et les nuages qui peuvent. Qui passent les murs. Toi, tu restes à leur pied. Coincé. Face à cette réalité de béton. Tu frappes des deux poings. Tu cognes. Ta colère en coups acharnés. Tu te fais mal. Tu halètes. Tu soupires. Il n’y a que le vent, tu dis, qui passe au-dessus. Au-dessus des voies grises, des immeubles pelés. Au-dessus des rancunes. Plus haut. Beaucoup plus haut que les apparences. Et cette ligne, cette vie, qu’est-ce qu’on en fait ? Tu insistes. Tu exiges une réponse. Cette ligne constamment brisée. De point en point. De coin en coin. De cages d’escaliers en trottoirs mouillés. Ta vie en suspension. Comme une respiration. Trop contenue. Tu cries, ma vie, qu’est-ce qu’on en fait ? Tu hurles dans la rumeur sourde de la cité. Personne pour écouter. Tu dis que tu veux briser ces destinées toutes tracées. Ton existence écrite d’avance, déjà, pleine de fautes, de contre sens. Trop présente. Conjuguée au passé, comme si le futur, personne ne voulait te le donner. Mais regarde ! hurles-tu. Regarde ! Tu les vois pas les gosses ?! Cœur de béton, tête en carton. Regarde comme ils sont abîmés ! Et personne pour réaliser.
Moi, j’essaie. Je tente de te parler. Il n’y a pas de mur, dis-je. Il n’y a pas de fin à la rue, aux chemins. Dans le ciel, pas de coin. Il faut juste trouver comment s’envoler. Tu hurles que je ne comprends rien. Que je ne sais pas comment ils sont les gens. Tu me fixes dans les yeux et tu dis. Ils ont le cœur plein de coins. Plein de boites. Ils voient bien que je ne rentre pas dans une boite. C’est comme ça. Ça ne changera pas. Quand t’as les deux pieds plantés, dans la cité. C’est comme ça qu’on est enfermé, par des idées.
Tu veux partir. Il est trop tard, maintenant c’est pire. Ailleurs t’as déjà essayé. Ça n’a pas marché. Tu n’es pas passé. Pas assez carré. Trop tarabiscoté. Regarde-les. Regarde-les. Les gens. Tous raides, éloignés. Comme si je pouvais les contaminer. Les regards réticents. Les bouches figées. Un mur d’hostilités. Bien cimenté. Regarde les ces inconnus, ils croient qu’ils me connaissent. Alors tu les frappes des deux poings. Tu cognes. Ta rage en coups déchaînés. Tu fais mal. On se jette sur toi. Tu tombes. Le sol dur, encore du béton. On t’enferme dans une autre prison.
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L’auteure
Fille du nord, née à Arras en 1976, elle étudie d’abord les arts puis l’histoire moderne. A 25 ans elle devient professeur des écoles à Berck sur Mer, se spécialise dans l’enseignement du Français Langue Étrangère et passe trois ans à travailler avec les enfants en demande d’asile. En 2007, elle quitte tout pour vivre à Madrid où elle intègre le centre international de services d’IBM. C’est au cœur de la capitale espagnole que naît son envie d’écrire. Un projet d’écriture à long terme commence à se former. De retour en France, en région parisienne, elle s’inscrit aux ateliers d’écriture « En roue libre »qu’elle suit jusqu’en 2016. Elle participe également aux ateliers d’écriture du Prix du Jeune Écrivain sous la direction de Christiane Baroche. En 2017, elle publiera son premier roman: Shana, fille du ventaux éditions Phénix d’Azur.
Publications :
Le poids de la poussière accumulée (Recueil « Les femmes nous parlent »)
Éditions Phénix d’Azur – septembre 2016 – Recueil de nouvelles
Fers d’encre et de papier (Recueil « Le chant du monde »)
Éditions Rhubarbe – avril 2015 – Recueil de poèmes et de nouvelles
Jeux d’ombres et de lumière (Recueil « Derrière la porte… »)
Opéra Éditions – 14 novembre 2014 – Prix littéraire 2014
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