C’est le 1er, je balance tout (#4, mai 2017)

Par Lupiot

Quatrième édition de ce nouveau rendez-vous mensuel, qui rime avec " C'est lundi, que lisez-vous ? ", et peut se voir comme un complément ou un petit frère dérangé, comme il vous plaira. Je vous invite à l'adopter, il ne mord pas.

Le principe ? Quatre trucs à balancer !

  1. Le Top & Flop de ce que j'ai lu le mois dernier
  2. Au moins 1 chronique d'ailleurs lue le mois dernier
  3. Au moins 1 lien qui m'a fait " Wahou " le mois dernier (hors chronique littéraire)
  4. Et enfin : ce que j'ai fait de mieux le mois dernier
1) TOP & FLOP Alors, ce mois-ci, en tout, j'ai lu... J'avais solennellement décrété début 2016 que j'allais me remettre à la BD pour me faire une culture du genre au-delà d'Astérix et Death Note - qui sont très très bien, là n'est pas le débat ; le débat c'est que j'ai adressé cette promesse à moi-même sans signer de dette de sang et que, Oups, je ne l'ai pas tenue ! En 2017, face à ce constat, j'ai eu la nette sensation de m'être auto-trollée, d'avoir été trahie par une politicienne ricanante qui ne serait autre que moi-même. Aussi, cette année, je m'y suis réellement mise :
  1. je lis des BD de différents genres (afin de me (re)-familiariser avec les codes, apprendre à les critiquer) ;
  2. j'intercale des " classiques " de la bande-dessinée moderne, trouvés dans des best-of (comme ceux de BDFugue et Bodoï, mais aussi chez des blogueurs et sur des plateformes généralistes comme SensCritique) ;
  3. je découvre le roman graphique.
Chaque mois, j'arrive à me faire une petite sélection éclectique bien sympa, je suis assez assez contente. (Je m'auto-félicite.) Oui, j'ai lu Harry Potter 4 en anglais ET en Français. Pour l'art. You know me. (Je me refais toute la saga ainsi.) MAIS QUID de mes coups de cœur ? Que vous recommandé-je dans cette sélection ? Je vous ai déjà parlé de Saga, une série de comics de SF drôle, pacifiste, intimiste et passionnante. (Je vous avais promis un article : cliquez sur le lien !) C'est toujours aussi bien à mesure que j'avance, même si le tome 4 était un peu en-dessous des autres (il a un aspect " album de transition ", en termes de narration). Ce mois-ci, j'ai UN gros coup de cœur et plusieurs plus petits. On comprend que Rage arrive d'un pays en guerre, et qu'elle a sévèrement souffert sur le chemin, maltraitée par tous - les rebelles, les autorités, les garde-frontières, les hommes, les institutions. Cela la laisse avec cette rage dans l'estomac. Elle ne fait confiance à personne, mord si l'on s'approche. Une nuit, Rage tombe sur une chienne de combat, le genre de mastodonte dressé pour tuer. La chienne est blessée, traîne des plaies béantes et une chaîne qu'elle a arrachée. Se reconnaissant dans l'animal, Rage ressent soudain un besoin brûlant, vital, de le sauver. Ce roman est court (un trajet de train, pour moi) et SUPER PUISSANT. Oh la la. Si l'on cherche l'inverse d'un roman à message c'est ZE exemple littéraire. Il parle d'une réfugiée, il parle de retrouver l'envie de vivre et la capacité à offrir sa confiance : on pourrait entrer à reculons dans ce genre de thématiques, se disant, Ouhlala, je suis pas d'humeur à ce qu'on me prenne la tête, laisse-moi kiffer la vibe, etc. Mais il ne te prend pas la tête, il te prend aux tripes. Et tu pourrais très bien ne pas comprendre exactement d'où elle vient, Rage, au fond peu importe. Puisque tu connais celle qu'elle est aujourd'hui, et vois ce qui lui arrive : elle est en train de dépérir, de se recroqueviller dans sa peur et sa haine. À avoir connu trop de mains qui la battait, elle mord désormais toutes celles qu'on lui tend, et son humanité meurt à petit feu. Le secret, pour ne pas donner de leçon, c'est de ne pas se montrer généraliste, nespa ? C'est pour cela qu'il faut entrer dans le cœur et la vie d'un personnage, sans rien expliquer, se contentant de laisser deviner, en filigrane, ce qui précède le récit et dessine les contours du protagoniste. C'est tout. Un protagoniste, il faut le faire vivre, le voir désirer, haïr, espérer, changer. C'est ce qui se passe, en une nuit, pour Rage, sous la plume vibrante d'Organe Charpentier. C'était excellent. Je ne cesse de secouer ce roman sous le nez de mes amis et d'essayer d'attirer l'attention dessus par tous les moyens. Je liste assez rapidement les autres titres que je vous recommande parmi mes lectures du mois : Rage, c'est le nom de notre narratrice. " Où sont ses parents ", me demanderez-vous, " que je les signale presto à l'Aide Sociale à l'Enfance, on a pas idée de donner un prénom pareil ? ". Justement. Ses parents, on ignore où ils sont, et ce nom, elle se l'est donné elle-même après les avoir perdus - eux, sa vie d'avant, son corps d'enfant, son innocence, et tout son optimisme. Pas de gros flop - le Bosco, L'enfant et la rivière était un peu gentillet et moralisateur, très Comtesse de Ségur par certains aspects, mais j'ai adoré d'autres passages de ce (court) roman : tous ceux qui tiennent presque du nature writing et surtout de l'Aventure à hauteur d'enfant ; on est emporté par les Robinsonnades et les jeux d'imagination des deux garçons. Donc ce n'est même pas un semi-flop.
  • De cape et de mots, de Flore Vesco (Didier Jeunesse, 2015) Un roman qui me faisait de l'œil depuis sa sortie, qui a reçu le prestigieux prix des Incoruptibles, entre (multiples) autres, et que j'ai adoré. Fantaisiste et intelligent comme les contes préférés de notre enfance, il emprunte à un univers old-school pour nous livrer un récit d'une modernité et irrévérence craquistouflantes. Je vous en fais bientôt une chronique à quatre mains avec ma nouvelle chroniqueuse Stern.
  • Verte, de Magali Le Huche, adapté du roman de Marie Desplechin (Rue de Sèvres, 2017) Une très bonne adaptation du roman de Marie Desplechin que j'avais adoré. Il raconte la vie d'une petite sorcière moderne désirant plus que tout ne pas ressembler à sa mère frappadingue, et rêvant d'abandonner ses pouvoirs pour se trouver un gentil mari, plus tard. La mère indépendante et fière désespère et la grand-mère prend les choses en main : elle va enseigner à Verte les rudiments de la magie afin de lui montrer qu'elle peut être la sorcière qui lui correspond, et trouver sa propre voie... Un récit semi-fantastique semi-féministe, traversé par une dynamique de quête identitaire ultra mignonne, et illustré avec pep's et authenticité par la géniale Magali Le Huche, qui a su se montrer extrêmement fidèle à l'univers de Marie Desplechin. (Les tomes suivants devraient être adaptés également.)
  • La drôle de vie de Bibow Braley, de Nikolaï Pinheiro, adapté du roman d'Axl Cendres (Sarbacane, 2016) Une adaptation très réussi de ce roman décapant d'Axl Cendres <3, où l'on suit Bibow, plouc américain des années 60, qui va avoir un destin à la Forrest Gump, traversant et influençant son époque, grâce (ou en dépit de) ses capacités mentales et émotionnelles singulières. Avec ça, Nikolaï Pinheiro propose un univers visuel très cool, parfois totalement psychédélique, et ça donne une très bonne BD.
  • Dans la forêt, de Jean Hegland (VO 1996, VF Gallmeister 2017) Un roman original et déstabilisant : reprenant les codes du post-apo, Jean Hegland nous plonge dans un récit intimiste où, la civilisation s'écroulant autour d'elles, deux sœurs adolescentes s'enfoncent de plus en plus dans une vie reculée, dans la forêt. Espérant et attendant d'abord des secours, elles retournent petit à petit à un mode de vie de chasseurs-cueilleurs. Tout le roman est porté par cette ambiance douce et sauvage propre au nature writing. (Lisez la VO si vous pouvez, la traduction est parfois un peu faible.) Le genre de roman qui nous habite et nous transporte.
  • Polina, de Bastien Vivès (Casterman, 2011) Je note celui-ci en passant car je suis en train de le lire, je n'ai pas fini : visuellement, il m'a rappelé mon énorme coup de cœur BD de 2016, Zaï zaï zaï zaï, de Fabcaro, et ce dernier a probablement été influencé par le style de dessin et la gestion du rythme de Bastien Vivès. (Et sinon, Polina, c'est de la bombe.) (Et Zaï zaï zaï zaï, c'est à se faire pipi de rire dessus.)
2) CHRONIQUES D'AILLEURS

Passons à présent aux...

3) AILLEURS SUR LE WEB
  1. La très jolie chronique de Pikobooks du magnifique roman Tant que nous sommes vivants, d'Anne-Laure Bondoux. Ce billet plein de fascination, d'émotion, d'intensité et de mystère m'a rappelé ma propre expérience de lecture, émerveillée. Courez-y.
  2. La supercalifragilistic idée de Claire, du blog La Tête En Clair : Un livre, un thé ! Comme toutes les idées de génie, elle est simplisme : associer un livre avec un thé. Je suis vendue, j'adore les deux.
  3. Et enfin - et je me sens presque gênée de les citer parce que, petit a, je les cite tous les mois et, petit b, elles me citent elles même à balle dans leur article - les autrices du blog Dans ta page. Ce blog propose des analyses transversales de la littérature jeunesse (en lien avec la société, le public, un thème donné, etc.) toujours avec énormément de lol et de recul, ce qui donne des billets riches, mais riches ! Bon, pour en venir au bouzin, leur merveilleux article s'appelle :

    et je vous le recommande. Par ailleurs, elles m'ont donné envie de lire Les Porteurs, de C. Kueva, chez Thierry Magnier (2017), dont je me méfiais précisément pour les raisons qu'elles évoquent.

#1. Connaissez-vous le blog-BD Estelle et Constance osent le blog ? Les graphismes sont très beaux, sobres, c'est de la bichromie-trichromie anguleuse toute mimi (moi jm bien), et sur le fond, c'est du blog-BD introspectif très générationnel, dans lequel nombre d'entre nous se reconnaîtront.

4) HAPPY NOMBRIL

#2. Ce qui me rappelle que si vous ne connaissez pas Sarah's scribbles, vous DEVEZ aller rire en lisant ces BD ironico-despressivo-cringe sur le Facebbok de Sarah Andersen, leur géniale autrice.

JE SUIS EN ÉCOSSE.

Je suis en plein road-trip Angleterre-Écosse depuis 5 jours. (À York, j'ai vu la rue qui a inspiré le Chemin de Traverse !) (Paraît-il.) (Elle est assez typique, mais j'ai quand même fait " SQUEEEEE ".)

Il fait froid et venteux et j'ai fait l'acquisition d'une couverture en peau de mouton pour survivre, mais je goûte de délicieuses bières de 78 genres différents, vois de beaux paysages, découvre de chouettes librairies, mange de pork pies et des fish and chips, et suis globalement happy. Je recommande. En plus, les gens du nord du Royaume-Uni sont des crèmes. Des clotted cream, même. Doux et enveloppants et on voudrait ne jamais les quitter.

Of course, j'ai choisi ma lecture de vacances accordingly : Jane Austen, qui fait partie de mon Défi 12 mois, 12 amis, 12 livres.

Vous pouvez insérer le lien de votre propre C'est le 1er, je balance tout ! en cliquant sur l'aimable grenouille bleue ci-dessous. (Je reporterai tous les liens directement en fin d'article.)

À très vite et d'ici là, bonnes lectures !