L’orateur et les parapluies… par Marc-Andé Lévesque

L’orateur. — Un homme est seul devant un lutrin sur lequel des feuilles manuscrites sont déposées. Il lit un discours en faisant des gestes mesurés. Une foule docile se tient devant lui, elle réagit là où l’orateur désire une réaction. Elle est si docile qu’elle n’existe pas vraiment, l’orateur se prépare à un événement d’une grande importance. Il doit expliquer à des gens d’affaires le plan de relance économique de son gouvernement, un millier de têtes chercheuses (de subventions) réunies dans un centre de conférence. Sous son air pourtant calme règne une peur presque maladive de faire une erreur. Il a si peur qu’il se surentraîne depuis une semaine, 20 heures au total. L’événement est dans cinq jours. Pourtant, il connaît par cœur ce plan et le précédent qui visaient à faire perdre la crédibilité au gouvernement d’un Parti maintenant dans l’opposition en prouvant que son modèle a coûté trop cher et qu’il devait en freiner le développement. Le nouveau plan vise celui-ci à prouver que son gouvernement gère mieux. Le temps passe, l’événement se tient, il est devant les maîtres de ce monde, il commence son discours, il est très nerveux même si rien n’y paraît. Au début tout va bien, puis une confusion s’installe dans sa tête, son discours devient moins clair, puis il opte pour ce qu’il n’a jamais fait, dire la vérité : « Toute ma vie a été axée sur le mensonge, ça suffit… »

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecSinging in the rain… — C’est la procession des parapluies. Certains d’entre eux sont sombres, ils sont portés par des hommes à la démarche rapide, rarement par des femmes. Celles-ci préfèrent les couleurs, même pâles, parfois même la transparence, comme cette femme avec des bottes rouges qui se marient au contour rouge du parapluie transparent. Généralement, ils sont verts, beige ou gris. Nous ne sommes pas au parasol ou aux ombrelles d’été. Chaque chose en son temps… Je ne me souviens plus de ce que je portais lorsqu’il pleuvait dans les années 50, soit que nous ne sortions pas ou, si nous sortions, nous nous tenions près de la maison, pourtant, je me souviens que j’aimais me promener sous la pluie. Je devais sûrement porter un petit manteau, genre coupe-vent. Je me souviens que le fleuve sentait fort le fleuve, que les poissons et humains ne faisaient qu’un tout, que je pouvais être un navire échoué lors d’une tempête, que je nageais pour sauver une voisine, que j’explorais des pays étranges, bref, cette température se laissait parcourir par notre imagination… En après-midi, lorsque les parapluies reviendront avec leurs propriétaires, ils seront en berne, la pluie étant arrêtée, une autre journée de travail sera finie.

L’auteuralain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Né à Saint-Ulric, près de Matane, sur la rive sud du fleuve, j’ai été créé par les images de ce désert d’eau qui change de forme selon les saisons.  Je lancerai bientôt (le 23 novembre) Des mots sur des couleurs, mon premier recueil de récits, en collaboration avec l’artiste peintre Pierre Morin de Varennes qui appartient, tout comme moi, aux paysages de la Matanie, mon pays, mes amours.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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