L’orateur. — Un homme est seul devant un lutrin sur lequel des feuilles manuscrites sont déposées. Il lit un discours en faisant des gestes mesurés. Une foule docile se tient devant lui, elle réagit là où l’orateur désire une réaction. Elle est si docile qu’elle n’existe pas vraiment, l’orateur se prépare à un événement d’une grande importance. Il doit expliquer à des gens d’affaires le plan de relance économique de son gouvernement, un millier de têtes chercheuses (de subventions) réunies dans un centre de conférence. Sous son air pourtant calme règne une peur presque maladive de faire une erreur. Il a si peur qu’il se surentraîne depuis une semaine, 20 heures au total. L’événement est dans cinq jours. Pourtant, il connaît par cœur ce plan et le précédent qui visaient à faire perdre la crédibilité au gouvernement d’un Parti maintenant dans l’opposition en prouvant que son modèle a coûté trop cher et qu’il devait en freiner le développement. Le nouveau plan vise celui-ci à prouver que son gouvernement gère mieux. Le temps passe, l’événement se tient, il est devant les maîtres de ce monde, il commence son discours, il est très nerveux même si rien n’y paraît. Au début tout va bien, puis une confusion s’installe dans sa tête, son discours devient moins clair, puis il opte pour ce qu’il n’a jamais fait, dire la vérité : « Toute ma vie a été axée sur le mensonge, ça suffit… »
L’auteur
Né à Saint-Ulric, près de Matane, sur la rive sud du fleuve, j’ai été créé par les images de ce désert d’eau qui change de forme selon les saisons. Je lancerai bientôt (le 23 novembre) Des mots sur des couleurs, mon premier recueil de récits, en collaboration avec l’artiste peintre Pierre Morin de Varennes qui appartient, tout comme moi, aux paysages de la Matanie, mon pays, mes amours.