Le mois dernier, j’ai eu l’opportunité de faire un stage en CDI (Centre de Documentation et d’Information des collèges et lycées, je précise, on ne sait jamais), en rapport avec ma reprise d’étude dans la documentation. Une semaine au sein du CDI de Sainte-Odile, établissement privé de Lambersart, commune de Lille. Une semaine de stage un peu spéciale, puisque la documentaliste de la partie collège du CDI est en pleine préparation d’un salon du livre.
Eh oui, les salons du livre ne sont pas réservés qu’aux grandes villes. Cette année sera la quatrième où Sainte-Odile organise un salon au sein de ses bâtiments. Mais un salon du livre ouvert à tous et gratuit ! Et pas de la gnognotte, s’il-vous-plaît, puisque ce sera ouvert toute la journée, de 10h à 18h et que pas moins de 27 auteurs/illustrateurs et 3 maisons d’éditions seront présents ! Ainsi que la librairie Au Temps Lire !
Un salon vrai de vrai donc, avec toutes les activités qui vont avec : les auteurs ne seront pas là pour décorer, mais bien pour dédicacer et animer des ateliers. Vincent Villeminot (l’un des auteurs de U4, mais aussi de Samedi 14 novembre), Winoc, Nancy Guilbert, Marie Colot, ou encore Coralie Saudo, seront présents. Un beau palmarès qui donne envie de venir les bras chargés de livres (ou le portefeuille bien rempli, puisque nombres de leurs livres seront en vente sur le salon) pour repartir avec moultes dédicaces et des étoiles plein les yeux.
Ce 4ème salon se déroulera ce samedi 13 mai, à Sainte-Odile, avenue de Dunkerque à Lambersart.
Je vous en ferai évidemment une jolie chronique-reporter, mais en attendant, je suis en réalité là aujourd’hui pour vous parler plus précisément de l’un des événements de ce salon : le prix des Liseurs Intrépides. Un prix littéraire jeunesse mis en place par la documentaliste rien que pour l’occasion.
Trois catégories sont proposées à ce prix, par tranche d’âge. Les trois catégories de lecteurs, des élèves du collège et du lycée, ont eu trois livres à lire, choisis avec soin pour leur âge. Ils ont ensuite voté pour leur préféré et le jour du Salon du livre sera révélé le livre gagnant de chaque catégorie.
Le choix des livres m’a énormément plu. Tous issus de plumes francophones, c’est ce qui fait la grande force de cette sélection. Tous sont forts, autant par leur écriture que par le message qu’ils véhiculent. Mais je ne peux pas vous présenter 9 livres d’un coup, ou vous gaver avec trois articles consécutifs sur cette sélection, je n’en ai donc choisi que trois ici, pour vous.
J’ai pioché un livre dans chaque catégorie, chacun pour une raison particulière. Je vous les présente un par un.
Dans la catégorie 10-12 ans, étaient proposés :
- Théo, chasseur de baignoire en Laponie de Pascal Prévot chez Le Rouergue
- L’Homme Montagne de Séverine Gauthier et Amélie Fléchais chez Delcourt jeunesse
- Perdus de vue de Yaël Hassan chez Flammarion jeunesse
J’ai choisi L’Homme Montagne pour deux raisons : c’est la seule bande dessinée de toute la sélection, ça change donc un peu la donne. Et il est écrit et illustré par deux monstres (pour moi) que j’admire énormément. Séverine Gauthier, que j’ai découverte il y a quelque temps avec Cœur de Pierre chez Métamorphose et relu avec plaisir dans L’épouvantable peur d’Epiphanie Frayeur, il y a peu de temps cette fois. Amélie Fléchais, que je découvrais également chez Métamorphose avec Chemin Perdu (j’en parlais il y a déjà un petit moment par ici) et dont je possède aussi Le Petit Loup Rouge de chez Ankama (pas eu le temps d’en faire un article précis, mais je le mettais déjà mes coups de cœur lors de notre premier bilan annuel).
L’Homme Montagne est donc pour moi la réunion de deux vraies artistes. Qui plus est des femmes. Qui plus est francophones. De quoi vous émoustiller m’sieurs ‘dames, et mettre des étoiles supplémentaires dans la culture française.
Cette bande dessinée retrace l’histoire d’un petit garçon qui va entamer son premier voyage sans son grand-père. Le vieil homme et l’enfant ont toujours voyagé ensemble. Mais vient un jour où le grand-père se fait trop vieux, les montagnes sur son dos se font trop lourdes. Le petit garçon décide donc de partir seul pour la première fois, en quête du vent le plus puissant, qui pourra aider son grand-père à se redresser.
C’est une véritable petite pépite que j’ai découverte là. Une bande dessinée parfois proche de l’album, mélange entre un conte moderne et une fable. Une ode à la diversité, au vivre ensemble, à la compréhension de l’autre, au respect. Et tout ça sans tomber dans la mièvrerie ou la niaiserie. Chapeau bas. Le voyage du petit garçon nous montre tous les événements et les rencontres qui peuvent façonner un être dans sa vie, les évolutions qui en découlent et les bifurcations que peut prendre un chemin tout tracé. Pour, à la fin, prendre son envol, prendre la relève et assurer une transmission générationnelle. En somme, une quête initiatique jalonnée de montagnes à franchir pour se sentir grandir.
Catégorie 13-15 ans :
- Qui décide, tous les soirs, d’allumer les étoiles ? de Carine Bausière chez Ravet-Anceau
- Le Petit Prince de Calais de Pascal Teulade chez La Joie de Lire
- Espionnage intime de Susie Morgenstern à L’Ecole des Loisirs
Dans cette seconde catégorie, j’ai choisi Qui décide, tous les soirs, d’allumer les étoiles ? pour la simple et bonne raison que ET l’auteure ET la maison d’édition seront présentes au fameux salon du livre de Sainte-Odile. J’ai également tilté, dès la quatrième de couverture sur le fait que le récit se déroule à Roubaix, ville de ma naissance, et ville voisine de celle où j’ai grandi. Bon, d’accord, je l’ai aussi un peu choisi parce que j’ai adoré ce roman.
Ça a été une vraie découverte heureuse pour moi car je ne connaissais pas l’auteure, et la maison d’édition seulement de nom. Je dois même avouer qu’avec le titre et la couverture (que ce soit la première ou le résumé de la quatrième) j’avais des aprioris et je pensais trouver un récit mièvre, plein de bons sentiments et un peu cul-cul. Ouhlala, vite vite au placard les préjugés ! Et merci la sélection de la documentaliste de m’avoir fait découvrir ce livre !
Qui décide, tous les soirs, d’allumer les étoiles ? est l’histoire de Camille, 13 ans, qui vient de perdre sa mère, brutalement. Depuis, elle se débat avec sa rage et sa tristesse, mais aussi avec un petit frère qui ne se console plus, un père qui ne sait pas comment remonter la pente et ne sait pas gérer les trucs de filles, des amours un peu bancals et un rêve (partir à New-York) qu’elle ne pourra réaliser que quand tous ses problèmes seront réglés. Et ce n’est pas gagné…
Malgré les thèmes pas faciles à traiter, le tout est réalisé avec beaucoup de finesse. Même si on n’a pas vécu les mêmes drames que Camille, l’identification reste possible et complète grâce à la plume de l’auteure. Pas trop de détails, mais assez pour nous plonger au cœur de l’histoire ; des événements dans lesquels chacun de nous pourra se reconnaître à différents niveaux ; un univers familial très attachant ; des réactions vraies ; un langage et un comportement adolescent tout à fait dans le quotidien, sans exagération ; des instants de joies et de chagrins justement dosés et équilibrés (j’ai rarement autant alterné les rires et les yeux mouillés dans un même bouquin). Bref, un moment de vie puissant et qui donne envie de la croquer à pleine dents.
Catégorie Lycéen :
- Je ne sais pas de Marie Colot chez Alice Jeunesse
- Ma meilleure amie s’est faite embrigader de Dounia Bouzar chez La Martinière
- Sauveur et fils de Marie-Aude Murail à L’Ecole des Loisirs
Pour cette dernière catégorie, mon choix s’est porté sur Sauveur et fils, pour deux raisons. La première est que Marie-Aude Murail est l’une des auteurs qui, dans ma jeunesse, m’a faite chavirer et aimer la littérature de jeunesse à tout jamais (comme je l’évoque dans mon instant nostalgie par ici). J’étais à l’époque abonnée à Je Bouquine et c’est le roman D’amour et de sang, mis en feuilleton dans ce magasine qui m’a subjuguée. Depuis, j’ai lu plusieurs romans de Marie-Aude Murail, toujours avec plaisir. Mais ça faisait longtemps que je n’avais pas parcouru son univers, c’était donc l’occasion d’y replonger. La deuxième raison de mon choix pour Sauveur et fils et que les deux autres résumés m’ont mis le cafard, et comme je venais de lire Samedi 14 novembre de Vincent Villeminot qui fout bien le bourdon aussi, je voulais parler de quelque chose de plus gai.
Le résumé de Ricochet est parfait, je vous l’ai donc choisi : Sauveur Saint-Yves, psychologue à la stature imposante, passe ses journées assis dans son fauteuil à écouter les petites et grandes misères de ses patients. Le soir venu, le thérapeute se glisse dans la peau d’un père pour s’occuper de son fils, Lazare, 8 ans, avec qui il vit à plein temps. Scarification, énurésie, addiction… Ce jargon médical n’a plus aucun secret pour le petit garçon qui écoute, caché derrière la porte, les confidences de Margaux, Ella, Cyrille et les autres. Et comme si soulager les maux de ses patients n’était pas suffisant, le psychologue doit désormais faire face aux menaces de son beau-frère détraqué. L’irruption soudaine de ce dernier provoque un raz-de-marée phénoménal dans la vie privée de Saint-Yves, qui le pousse à emmener son fils en Martinique, sa terre natale. C’est bercé par l’accent créole que Lazare construit (grâce aux confidences de son père) le véritable puzzle de sa vie.
Bon, je vous l’accorde, finalement ce n’est pas non plus un thème des plus joyeux. Mais c’est tout de même sympa car très bien écrit, avec une plume fine et perspicace. Et cet élément permet de s’accrocher à l’histoire sans pour autant tomber dans la tristesse absolue. Marie-Aude Murail sait, comme personne, aborder des thèmes durs, sans pour autant en faire un instant tragique. Ce que j’ai apprécié dans cette histoire c’est le fait de voir, et le mal-être des enfants, et celui d’adultes. Un récit qui raconte la souffrance dans autant de mondes différents, c’est peu commun. Avec des thèmes du quotidien qui peuvent toucher chacun d’entre nous un jour, c’est un roman dans lequel beaucoup de monde se reconnaîtra. Quelques lignes qui permettent de s’apercevoir que l’on n’est pas le seul dans tel ou tel cas permet de mieux se sentir ensuite.
Pour ceux qui ont aimé, Sauveur et fils est suivi de déjà deux autres « saisons », et la quatrième est en cours !
J’espère que cette petite sélection vous aura donné envie de plonger dans l’un ou l’autre de ces textes, mais aussi de venir faire un petit tour dans le Nord au salon du livre de Sainte-Odile le samedi 13 mai ! Plein de belles surprises vous y attendent !
Joyeuses découvertes littéraires les loulous !