Je vous ai parlé de Sandrine Collette pour la première fois il y a un peu plus d'un an, lorsque la Bibliothèque Orange m'avait permis de découvrir son roman Six fourmis blanches, qui m'avait épatée. Je m'étais promis de la suivre, projet que j'ai pu mettre à exécution grâce à son dernier roman, Les larmes noires sur la terre (titre assez peu engageant, reconnaissons-le, mais j'imagine qu'il y a parfois des petits coups de mou dans la vie d'un auteur à cet égard...).
Libres pensées...
La Casse s'apparente à un bidonville immense où sont tassés les miséreux du monde. Moe atterrit là avec son nourrisson après avoir quitté son île natale et son conjoint qui l'exploitait, et être peu à peu tombée dans la pauvreté.
Dans ce lieu de non droits, elle rejoint la caravane d'Ada, qui la prend sous son aile, et l'accueille dans la petite communauté de femmes qu'elle a créée et où l'entraide est la seule issue pour survivre.
Peu à peu, Moe apprend les codes, les moyens d'obtenir de l'argent, par la prostitution et le trafic de drogue, et ce afin d'économiser assez pour payer son tribut et enfin quitter la Casse. Auprès d'elle, Jaja, Marie-Thé, Nini et Poule partagent leur quotidien, et lui livrent l'histoire de leur vie, d'une société injuste et indigne.
Étrange et abject univers que celui dans lequel nous plonge Sandrine Collette! Loin de ce que proposait Six fourmis blanches, puisqu'il s'agit ici d'un lieu fictionnel, et qui pourtant évoque de manière inquiétante des traits dont on pourrait croire qu'ils sont en gestation dans nos sociétés actuelles, voire qui existent déjà, à travers les bidonvilles si peu visibles parmi les images véhiculées dans l'espace public, et qui font pourtant la réalité obscène d'un monde fracturé, où s'aggravent de jour en jour les inégalités (pour ceux qui en doutent, la lecture de Piketty pourra vous en donner des indications).
Les portraits réalisés des différentes protagonistes touchent, révoltent, en cela l'auteur parvient à s'assurer l'adhésion émotionnelle de son lectorat, car c'est de cela qu'il est surtout question : passer par des figures rendues humaines pour sensibiliser à une situation à laquelle les citoyens de tous pays ont pu devenir de plus en plus indifférents, à la faveur d'une médiatisation qui banalise, et qui déshumanise (en particulier ceux qui assistent au spectacle de l'autre côté de leur écran - dont je fais partie, il n'est donc pas question de jeter la pierre ou de lancer une invective moralisatrice hypocrite).
Je ne vous dirai rien de l'issue du roman, trop soucieuse de vous donner envie de le découvrir à votre tour, et de penser pour vous-même à ce qu'il vous inspire.
Je peux dire, en revanche, que Sandrine Collette m'a surprise, et que son talent s'est confirmé à mes yeux à la lecture de ce livre inattendu et dérangeant.
Pour vous si...
Morceaux choisis
"Elle peut toujours expliquer entre deux sanglots, ça leur fait mal, elles toutes, il faut que Nini se taise, vivre elles ont laissé cela de côté, il ne reste que la survie; qu'on parle de gourmandise, d'envie et de paresse, du corps d'un homme, de la peau d'un bébé, elles ne le supportent pas, voudraient avoir tout oublié pour ne pas sentir le manque jusqu'au fond de leurs entrailles, si seulement elles ne savaient pas. Mais quand bien même la fatigue et les années les auraient amputées de cette mémoire-là, la seule présence de Nini leur rappelle, Nini qui fugue certaines nuits, affamée d'amour, et qui ne trouve que des étreintes fugaces, Nini qui vole des sucreries, qui rêve tout haut d'une vie à venir."
"Difficile d'oublier les nuits de ténèbres entre les bâches usées, quand cela revient si souvent et que, d'une fois sur l'autre, le corps garde la mémoire des odeurs et des coups de boutoir, des insultes proférées en lieu et place de sentiments impossibles."
"Et la conviction qu'une femme, ça ne vaut rien. Elle va leur prouver le contraire."
Note finale3/5(cool)
Libres pensées...
La Casse s'apparente à un bidonville immense où sont tassés les miséreux du monde. Moe atterrit là avec son nourrisson après avoir quitté son île natale et son conjoint qui l'exploitait, et être peu à peu tombée dans la pauvreté.
Dans ce lieu de non droits, elle rejoint la caravane d'Ada, qui la prend sous son aile, et l'accueille dans la petite communauté de femmes qu'elle a créée et où l'entraide est la seule issue pour survivre.
Peu à peu, Moe apprend les codes, les moyens d'obtenir de l'argent, par la prostitution et le trafic de drogue, et ce afin d'économiser assez pour payer son tribut et enfin quitter la Casse. Auprès d'elle, Jaja, Marie-Thé, Nini et Poule partagent leur quotidien, et lui livrent l'histoire de leur vie, d'une société injuste et indigne.
Étrange et abject univers que celui dans lequel nous plonge Sandrine Collette! Loin de ce que proposait Six fourmis blanches, puisqu'il s'agit ici d'un lieu fictionnel, et qui pourtant évoque de manière inquiétante des traits dont on pourrait croire qu'ils sont en gestation dans nos sociétés actuelles, voire qui existent déjà, à travers les bidonvilles si peu visibles parmi les images véhiculées dans l'espace public, et qui font pourtant la réalité obscène d'un monde fracturé, où s'aggravent de jour en jour les inégalités (pour ceux qui en doutent, la lecture de Piketty pourra vous en donner des indications).
Les portraits réalisés des différentes protagonistes touchent, révoltent, en cela l'auteur parvient à s'assurer l'adhésion émotionnelle de son lectorat, car c'est de cela qu'il est surtout question : passer par des figures rendues humaines pour sensibiliser à une situation à laquelle les citoyens de tous pays ont pu devenir de plus en plus indifférents, à la faveur d'une médiatisation qui banalise, et qui déshumanise (en particulier ceux qui assistent au spectacle de l'autre côté de leur écran - dont je fais partie, il n'est donc pas question de jeter la pierre ou de lancer une invective moralisatrice hypocrite).
Je ne vous dirai rien de l'issue du roman, trop soucieuse de vous donner envie de le découvrir à votre tour, et de penser pour vous-même à ce qu'il vous inspire.
Je peux dire, en revanche, que Sandrine Collette m'a surprise, et que son talent s'est confirmé à mes yeux à la lecture de ce livre inattendu et dérangeant.
Pour vous si...
- Vous vous étiez senti comme un poisson dans l'eau à la lecture de Toutes les choses de notre vie de Hwang Sok-Yong
- Vous avez un côté Girl power un peu plus militant que celui de Beyoncé
Morceaux choisis
"Elle peut toujours expliquer entre deux sanglots, ça leur fait mal, elles toutes, il faut que Nini se taise, vivre elles ont laissé cela de côté, il ne reste que la survie; qu'on parle de gourmandise, d'envie et de paresse, du corps d'un homme, de la peau d'un bébé, elles ne le supportent pas, voudraient avoir tout oublié pour ne pas sentir le manque jusqu'au fond de leurs entrailles, si seulement elles ne savaient pas. Mais quand bien même la fatigue et les années les auraient amputées de cette mémoire-là, la seule présence de Nini leur rappelle, Nini qui fugue certaines nuits, affamée d'amour, et qui ne trouve que des étreintes fugaces, Nini qui vole des sucreries, qui rêve tout haut d'une vie à venir."
"Difficile d'oublier les nuits de ténèbres entre les bâches usées, quand cela revient si souvent et que, d'une fois sur l'autre, le corps garde la mémoire des odeurs et des coups de boutoir, des insultes proférées en lieu et place de sentiments impossibles."
"Et la conviction qu'une femme, ça ne vaut rien. Elle va leur prouver le contraire."
Note finale3/5(cool)