Qu’importe le déluge après nous, pourvu qu’il reste une trace de notre passage après lui. Mais qu’en restera-t-il ? De nous, de nos bonnes manières et de nos pets de travers, une fois le déluge passé ? Que restera-t-il de ces corps que nous avons parfois détestés comme ils prenaient trop de place ou pas assez, comme ils n’ont jamais ressemblé à ceux sur lesquels la bave glisse sous leur papier glacé ; que nous avons souvent abîmés à coup de régimes de sport et de crèmes miracles, à coup de nutella d’alcool et de tabac, mais qui nous ont toujours tenus debout malgré tout ? Que restera-t-il de ces têtes que nous avons remplies à l’excès de souvenirs et de serments, de leçons et de théorèmes, de bons mots et de migraines, de ces têtes bien faites, de ces têtes bien pleines que nous avons exhibées sous tous les angles de face, de profil, en plongée, en contre-plongée, comme si un like savait donner une respiration à nos bouilles en apnée ? Que restera-t-il de ces cœurs lourds, légers ou volages, de ces cœurs qui en avaient gros sur eux-mêmes quand le manque le désir et la vie pesaient un âne mort, de ces cœurs qui en chavirant ont fait tomber avec eux nos corps et nos têtes, ces cœurs que nous avons remplacés par un nouveau taillé dans la pierre, en nous disant qu’un cœur qui ne bat pas fait moins mal, en oubliant que la pierre en tombant se brise plus facilement ? Mais qu’en restera-t-il ? De nous, de nos coups de cœur, de nos coups de gueule et de nos coups de génie, une fois le déluge passé ? Une fois le rideau et les masques tombés, une fois l’écran éteint, une fois les yeux du monde fermés. Que restera-t-il de nous face au miroir que le déluge aura fissuré ? Qu’importe le déluge, qu’importent mes gros orages et mes brèves éclaircies : une seule moue de toi, et il ne reste plus rien de mes sourires ni de la rage que je cachais dessous. Qu’importent mon corps grossier, ma tête en vrac, mon cœur pas vaillant pour un sou, ce qu’il restera d’eux, pourvu qu’avant le déluge nos images en vibrant cessent enfin d’être sages.
Notice biographique
Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture. C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonoritJés, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.