Les 68 premières fois me proposent cette semaine l'histoire d'un couple, et le moins que l'on puisse dire, c'est que le bandeau de présentation ne laisse pas présager du meilleur concernant leur épanouissement amoureux...
Libres pensées...
Presque ensemble est l'histoire de Nicolas et Victoire, leur histoire individuelle avant qu'ils ne se rencontrent à vingt ans, l'histoire de leur couple, et ce qu'il reste d'eux une fois que la romance se fane.
Alors, je ne vais pas vous mentir, le roman de Marjorie Philibert a quelque chose de très déprimant. Comme d'autres auteurs, cette dernière excelle à dresser le tableau d'un couple qui pourrait incarner une certaine classe sociale à une époque donnée, les années 1980 aux années 2010 (en gros), en portant un regard acéré, parfois ironique, sur ses protagonistes, ce qui déroute bien sûr. On s'attend souvent à ce qu'un auteur chérisse ses personnages, les soigne, veuille les montrer sur leur meilleur jour. Ici, il n'en est pas question, Nicolas et Victoire apparaissent sous une lumière crue, leurs petites bassesses ne sont pas passées sous silence, et ils paraissent même tout à fait mesquins dans certaines de leurs réactions, qui, par moment, m'ont paru à la limite de la caricature.
Leur vie de couple, en particulier, est l'incarnation de la fadeur, leurs aspirations semblent par moment aussi étriquées que déconnectées de la réalité, rien dans leur condition ne fait vraiment envie, et d'une certaine façon, ils inspirent l'indulgence à force d'inspirer l'aversion (ils sont nonobstant tout à fait ordinaires).
J'ai été troublée par cet œil presque hautain porté sur deux personnes tout à fait banales, et m'interroge à ce sujet : est-ce là volonté de l'auteur de paraître au-dessus de cela? De créer une connivence avec le lecteur en lui faisant croire que ce n'est pas là sa propre condition qui est dépeinte aussi? De tourner en dérision une génération, une classe sociale insatisfaite et frustrée? Ou, au contraire, de sourire de ce qui, finalement, est notre lot à tous?
Difficile de trancher.
Aussi, bien que la prose soit très fluide, l'humour au rendez-vous, le tableau social intéressant, il m'est arrivé d'être prise d'un malaise face à l'implacable déroulement des vies minuscules de Nicolas et Victoire, pourtant bercés de rêves et d'attentes qui ressemblent à tant d'autres.
Je médite encore, à vrai dire.
Pour vous si...
Morceaux choisis
"Avec la Coupe du monde permanente, le calendrier serait rythmé par les victoires et les défaites. Plus d'années qui s'écoulent lamentablement identiques les unes aux autres. Pâques. La Pentecôte. La Toussaint. A la place, France-Espagne, France-Ukraine, France-Belgique. Les victoires seraient fêtées comme il se doit, avec des primes et une semaine de congé obligatoire. Les défaites ouvriraient des périodes de réflexion, où des cellules psychologiques seraient proposées pour comprendre les raisons de l'échec. La précarité, doux euphémisme pour désigner la condition du pauvre, laisserait la place à un aléatoire égalitaire, lié à la trajectoire du ballon. Quelques centimètres de plus ou de moins en direction du poteau décideraient de tout : ainsi, le bonheur et le malheur seraient les mêmes pour tous. La loi du sport, c'était la démocratie retrouvée, se dit Nicolas en écrasant sa cigarette."
"La négociation au sujet de sa venue au monde débuta durant l'été 1979 à Nantes. Auparavant s'étaient succédé cinq années durant lesquelles Marie, sa mère, avait mené une guerre d'usure pour persuader Pierre de vivre avec elle. Pierre avait fermement résisté, avant de capituler, puis de le regretter. Ce pacte bancal fut à l'origine des deux phrases que Nicolas devait entendre toute son enfance :
_Ton père est un égoïste.
_Ta mère m'a bien eu."
"Ils avaient bien raison, Jean-Edouard et Loana, de s'envoyer en l'air. A eux comme à tout le monde, on avait menti. Ils n'auraient jamais ce qu'ils auraient mérité d'avoir, et que tant d'autres avaient reçu en héritage. Danone licenciait en masse, Chirac était convoqué dans l'affaire des HLM de Paris, les politiques ne parlaient que d'insécurité. Grâce au Loft, on pouvait espérer accéder à une vie meilleure, sans diplôme et sans effort, si le public vous trouvait sympathique."
"Certains jours, ils auraient voulu que leur jeunesse soit déjà derrière eux, afin de savoir qui ils avaient été. L'incertitude les rongeait. Ils allaient fêter leurs dix ans : mais les années les avaient usés davantage que des couples plus anciens, car elles avaient mangé leur possibilité d'expérimenter la vie.
En eux-mêmes, il leur arrivait parfois de s'indigner, de chercher un responsable, sans trouver."
Note finale3/5(cool)
Libres pensées...
Presque ensemble est l'histoire de Nicolas et Victoire, leur histoire individuelle avant qu'ils ne se rencontrent à vingt ans, l'histoire de leur couple, et ce qu'il reste d'eux une fois que la romance se fane.
Alors, je ne vais pas vous mentir, le roman de Marjorie Philibert a quelque chose de très déprimant. Comme d'autres auteurs, cette dernière excelle à dresser le tableau d'un couple qui pourrait incarner une certaine classe sociale à une époque donnée, les années 1980 aux années 2010 (en gros), en portant un regard acéré, parfois ironique, sur ses protagonistes, ce qui déroute bien sûr. On s'attend souvent à ce qu'un auteur chérisse ses personnages, les soigne, veuille les montrer sur leur meilleur jour. Ici, il n'en est pas question, Nicolas et Victoire apparaissent sous une lumière crue, leurs petites bassesses ne sont pas passées sous silence, et ils paraissent même tout à fait mesquins dans certaines de leurs réactions, qui, par moment, m'ont paru à la limite de la caricature.
Leur vie de couple, en particulier, est l'incarnation de la fadeur, leurs aspirations semblent par moment aussi étriquées que déconnectées de la réalité, rien dans leur condition ne fait vraiment envie, et d'une certaine façon, ils inspirent l'indulgence à force d'inspirer l'aversion (ils sont nonobstant tout à fait ordinaires).
J'ai été troublée par cet œil presque hautain porté sur deux personnes tout à fait banales, et m'interroge à ce sujet : est-ce là volonté de l'auteur de paraître au-dessus de cela? De créer une connivence avec le lecteur en lui faisant croire que ce n'est pas là sa propre condition qui est dépeinte aussi? De tourner en dérision une génération, une classe sociale insatisfaite et frustrée? Ou, au contraire, de sourire de ce qui, finalement, est notre lot à tous?
Difficile de trancher.
Aussi, bien que la prose soit très fluide, l'humour au rendez-vous, le tableau social intéressant, il m'est arrivé d'être prise d'un malaise face à l'implacable déroulement des vies minuscules de Nicolas et Victoire, pourtant bercés de rêves et d'attentes qui ressemblent à tant d'autres.
Je médite encore, à vrai dire.
Pour vous si...
- Vous mettez en doute la conception traditionnelle du couple, que vous considérez vouée à l'échec.
- Vous vous demandez sincèrement si on ne peut pas sauver un couple avec, au choix : un chat / un mariage / un bébé. La réponse est non.
Morceaux choisis
"Avec la Coupe du monde permanente, le calendrier serait rythmé par les victoires et les défaites. Plus d'années qui s'écoulent lamentablement identiques les unes aux autres. Pâques. La Pentecôte. La Toussaint. A la place, France-Espagne, France-Ukraine, France-Belgique. Les victoires seraient fêtées comme il se doit, avec des primes et une semaine de congé obligatoire. Les défaites ouvriraient des périodes de réflexion, où des cellules psychologiques seraient proposées pour comprendre les raisons de l'échec. La précarité, doux euphémisme pour désigner la condition du pauvre, laisserait la place à un aléatoire égalitaire, lié à la trajectoire du ballon. Quelques centimètres de plus ou de moins en direction du poteau décideraient de tout : ainsi, le bonheur et le malheur seraient les mêmes pour tous. La loi du sport, c'était la démocratie retrouvée, se dit Nicolas en écrasant sa cigarette."
"La négociation au sujet de sa venue au monde débuta durant l'été 1979 à Nantes. Auparavant s'étaient succédé cinq années durant lesquelles Marie, sa mère, avait mené une guerre d'usure pour persuader Pierre de vivre avec elle. Pierre avait fermement résisté, avant de capituler, puis de le regretter. Ce pacte bancal fut à l'origine des deux phrases que Nicolas devait entendre toute son enfance :
_Ton père est un égoïste.
_Ta mère m'a bien eu."
"Ils avaient bien raison, Jean-Edouard et Loana, de s'envoyer en l'air. A eux comme à tout le monde, on avait menti. Ils n'auraient jamais ce qu'ils auraient mérité d'avoir, et que tant d'autres avaient reçu en héritage. Danone licenciait en masse, Chirac était convoqué dans l'affaire des HLM de Paris, les politiques ne parlaient que d'insécurité. Grâce au Loft, on pouvait espérer accéder à une vie meilleure, sans diplôme et sans effort, si le public vous trouvait sympathique."
"Certains jours, ils auraient voulu que leur jeunesse soit déjà derrière eux, afin de savoir qui ils avaient été. L'incertitude les rongeait. Ils allaient fêter leurs dix ans : mais les années les avaient usés davantage que des couples plus anciens, car elles avaient mangé leur possibilité d'expérimenter la vie.
En eux-mêmes, il leur arrivait parfois de s'indigner, de chercher un responsable, sans trouver."
Note finale3/5(cool)