Bonjour. Merci d'avoir accepté de répondre à mes questions.
Bonjour Mylène. C’est très gentil de votre part de m’avoir proposé cet entretien.
Tout d’abord, présentez-vous un peu.
Frédéric Bellec est mon vrai nom. Je n’utilise aucun pseudonyme, peut-être par peur qu’un second moi me fasse de l’ombre ! Je suis né le 9 mars 1965 en région parisienne. J’ai construit l’essentiel de mon cursus professionnel dans le Var en tant que responsable informatique, où en plus d’une formation commerciale sur le tas, j’ai eu le plaisir d’exercer dans le webmastering, la publicité et la PAO. Depuis quelques petites années, je suis installé dans le Cher, en Centre France, pour me rapprocher de ma famille. Je travaille actuellement (et pour deux ans encore) en tant qu’assistant d’éducation dans un lycée.
Quels ont été les auteurs qui ont bercé votre enfance ?
Une question difficile car je n’ai jamais été un grand lecteur. J’admire d’ailleurs ceux qui peuvent avaler un livre par jour ! Je lis en pointillé, de livre en livre sans forcément commencer par la première page pour finir par la dernière. Je pense être le seul auteur qui possède plus de marque-pages que de livres ! Adolescent, je prenais plaisir à lire du Hitchcock, ainsi que les novellisations d’Allan Dean Foster. J’affectionnais aussi les beaux livres qui traitaient des civilisations antiques. Mais il ne se passait pas une seule journée sans que je mette mon nez dans des revues techniques spécialisées dans l’électronique et la programmation. Je n’ai pas perdu cette habitude d’avoir toujours quelque chose à lire sous les yeux.
Depuis combien de temps écrivez-vous ?
J’ai appris à aimer la lecture très tôt. L’écriture est venue avec. J’ai tenu le journal satirique du lycée, écris des articles techniques dans la presse, créé un magazine informatique sur support numérique. Le tout était de qualité très inégale, avec beaucoup de choses mauvaises. Mais le besoin d’une écriture plus structurée susceptible de faire l’objet de livres n’est apparu qu’une fois adulte. Je n’ai jamais cherché à devenir auteur, ce sont les circonstances de la vie qui m’ont amené à endosser ce statut qui m’a enrichi l’esprit.
Combien de livres à votre actif ?
Avant de publier le premier tome de la saga Exilium fin 2015 (le troisième livre sort courant juin 2017), j’ai publié début 2012 une (grosse) biographie-documentaire en deux volumes sur le thème de la stigmatisation de l’identité sexuelle face par l’obscurantisme religieux. J’ai aussi publié une BD rigolote au thème adjacent (le second volume n’est d’ailleurs jamais sorti). Mais je prends plus de plaisir à l’écriture depuis la création de l’univers fantastique d’Exilium. Je suis un créatif, j’ai besoin de sortir plein de lapins de mon chapeau. À côté de cela, je ne suis pas manuel du tout. C’est mon frère qui a monté ma bibliothèque !
Comment et pourquoi avez-vous choisi l’auto-édition ?
À moins d’être « fils de », l’auto-édition n’a rien d’un choix quand on publie un livre. À plus forte raison quand c’est le premier. Inutile de rappeler les difficultés qu’il y a à percer dans le monde de l’édition traditionnelle. En revanche, les rapides évolutions technologiques dans l’impression numérique ont changé le rapport entre le monde de l’édition et l’auteur. L’édition traditionnelle n’a aujourd’hui plus le monopole des bonnes surprises. Écrire un livre fait beaucoup moins peur qu’avant parce que les outils pour y parvenir se sont démocratisés. Avec l’édition indépendante, n’importe quel auteur un tant soit peu sérieux peut faire entendre sa (petite) voix, même s’il faut compter sur le temps et les bonnes rencontres pour élargir son cercle de lecteurs. Mais elle souffre d’un (gros) inconvénient : le manque de visibilité des ouvrages produits, induits par les difficultés de les promouvoir. En revanche, l’auteur garde un contrôle total sur le texte qui lui appartient toujours. Ensuite, tout est question de priorité : si un éditeur est emballé par notre histoire et souhaite la diffuser à un million d’exemplaires et le traduire en dix langues, il faudra accepter l’idée que notre livre ne nous appartiendra plus et deviendra un pur produit commercial dont on cédera les droits. Mais quand on en arrive là, les choix deviennent plus simples !
Où peut-on se procurer vos livres ?
Chez un marchand de livres ! La librairie de ma ville a toujours mes ouvrages en stock (ils sont gentils), sinon ils sont commandables dans n’importe quelle librairie, avec livraison rapide par la SODIS, la société de distribution du groupe Gallimard. Les grandes plateformes en lignes le distribuent également, aux formats imprimés et numériques (Apple ibook, Kindle Amazon etc.), en version brochée ou luxe, au niveau national et l’international. Les plus chanceux peuvent tomber sur des exemplaires exposés dans certains magasins tels Cultura, FNAC, Kebler etc. Bref, partout où on vend des livres !
Comment écrivez-vous ? Avez-vous des rituels ? Écoutez-vous de la musique ou préférez-vous être au calme ?
J’ai besoin d’avoir l’esprit libéré pour écrire. Une tuile dans la journée et ça me ruine la motivation. Je travaille sans musique ni rien pour me distraire autour de moi. Je plonge dans le récit, je partage les émotions des personnages, et je fais en sorte qu’aucun stimuli extérieur ne vienne dénaturer ces ressentis. Je quitte ma réalité et voyage dans un autre monde. C’est aussi pour cette raison que je préfère écrire la nuit. Ou du moins le soir jusque tard si je dois travailler le lendemain.
Combien d’heures par jour écrivez-vous ?
Je n’ai aucune règle. C’est ma disponibilité psychologique qui le décide. Je peux rester plusieurs semaines, voire des mois, sans écrire, comme passer des journées entières devant mon écran. Mais l’absence d’écriture n’est pas une absence de réflexion. Je ne laisse pas une journée sans réfléchir à l’intrigue. Je note toutes les idées qui viennent sur magnifique un calepin en cuir commandé spécialement pour cet usage, ou un fichier texte relié entre mes différents terminaux informatiques.
Avez-vous l’ensemble de votre histoire en tête, ou il y a-t-il une grande part d’improvisation ?
Il y a une finalité morale dans Exilium : la nature triomphe toujours ! Et si elle permet qu’on la bouscule, elle gagne toujours la guerre. Jusqu’à la fin du troisième tome, le scénario est bouclé, même si beaucoup d’idées spontanées s’ajouteront avec le temps. Il m’arrive aussi de m’imposer des défis : créer des situations dont je ne prémédite pas l’évolution ! Je prends l’exemple de la jeune Maïwenn, qui apparaît comme un cheveu dans la soupe à la fin du tome 1. Elle bénéficie de prédispositions bien définies, mais je n’avais aucune idée du rôle qui serait tenu par cette lycéenne dans la suite dans l’histoire ! Je sentais juste qu’elle devait être là. Alors j’ai suivi mon intuition. La réflexion m’a ensuite permis d’en faire un personnage à part entière et désormais irremplaçable. J’aime travailler ainsi sur certains pans de l’histoire. Une façon de brusquer les neurones qui me permet déjà d’envisager un quatrième tome. Je trouve aussi certaines de mes idées dans mes rêves nocturnes.
Quelle est la première personne à lire ce que vous écrivez ? Faites-vous appel à des bêta-lecteurs ?
Les relectrices ! Des personnes neutres qui n’ont pas besoin d’aimer ou de ne pas aimer l’histoire. En dehors des aspects purement techniques qui imposent la relecture (pour les méchantes coquilles, les fautes rebelles, les incohérences de lieu, de temps, de personnages…), je n’aime pas faire découvrir l’histoire à des ‘pré-lecteurs’. Je suis ouvert à toutes les remarques une fois le livre terminé, et j’en tiens compte si cela permet de nourrir l’intrigue. C’est par exemple ce qui m’a permis de développer la psychologie des personnages dès le tome 2. Mais je préfère laisser à tous les lecteurs l’entière découverte d’un produit fini, avec mon style, ma façon de développer l’histoire. Je ne prends pas ombrage de ceux que mon univers indiffère, je leur laisse ouverte la porte vers mon univers pour y découvrir peut-être quelques richesses. Même s’il ne restait qu’un seul lecteur sur terre qui aime mon univers, je continuerai d’écrire pour lui, je me sentirai redevable. Je n’oublie pas mon frère qui est un grand fan. Il écrit lui aussi, mais de l’heroic fantasy, et sous un pseudonyme.
Vous avez choisi de traiter ce roman comme un journal dont le personnage principal s'appelle comme vous et travaille au même endroit. Pourquoi ? Vous ressemble-t-il aussi beaucoup dans sa façon d'être et de penser ?
À l’origine, le livre était destiné à amuser les ados du lycée où je travaille. J’étais donc leur surveillant et je leur faisais part de mes découvertes dans l’internat, réputé pour faire des bruits étranges en pleine nuit. Le témoignage devait faire authentique, tout le monde devait reconnaître les lieux. Seuls les prénoms des personnages avaient été modifiés. D’ailleurs, il ne devait au départ y avoir qu’un seul volume, qui s’était appelé au départ « L’Internat ». En fusionnant au maximum le réel, jusqu’au personnage du surveillant (donc moi), avec des éléments troublants, j’ai suscité le doute et accroché le lecteur. Et c’est comme ça que la mayonnaise a pris. Ensuite, à partir du tome 2, le personnage fictif reprend davantage ses droits, la narration est moins vue du côté exclusivement surveillant, mais beaucoup pensent encore que ce roman fantastique traite de sujets réels. Cela dit, je ne vous cache pas que tous les éléments présentés comme ayant caractère fantastique le soient forcément. Mais peut-être devrais-je aussi garder une part de mystère !
Le personnage me ressemble sous beaucoup d’aspect. Mes collègues de travail me l’ont confirmé ! Plus particulièrement dans le rapport que j’entretiens avec les élèves, qui se veut au plus juste et sans jugement. Posture délicate s’il en est et soumise comme tant d’autres à la maladresse. Mais, suspense littéraire oblige, le surveillant du lycée est plus long que moi pour défaire les nœuds. Du moins dans le tome 1. En même temps, comment réagir dans des circonstances similaires ? Il prend toutefois du poil de la bête dans la seconde partie du tome 2, et on remarque sa vraie personnalité de meneur dès la fin de ce tome (donc à paraître en juin 2017). Il prend les choses en main pour gérer comme il faut son petit groupe d’ados face aux événements dantesques qui se présentent, parce qu’il n’a pas le choix. Il se défend bien. J’aimerais pouvoir ajouter : c’est tout moi ! Tout au long des différents tomes de la saga, le surveillant reste le narrateur.
Pourquoi ce choix d'un roman fantastique ?
L’envie de changer d’univers. De sortir de cette réalité pour en découvrir de nouvelles. J’affectionne les mondes dans les mondes, les univers qui sont sous nos yeux et qu’on refuse de voir. Avec Exilium, j’encourage le lecteur à contrôler ses peurs pour chasser l’ignorance et ouvrir son cœur et son esprit à l’autre et à la beauté de la vie infinie, plutôt que s’enfermer dans les normes et les conventions établies.
Malgré le côté huis-clos (qui remplit très bien son rôle) vous avez choisi de sortir des sentiers battus, du code des classiques (niveau « monstres »). Pourquoi ce choix ? (Difficile de rester vague pour ne rien spoiler... ^^')
Plusieurs chroniqueurs ont écrit que mon livre sortait des sentiers battus. Je me souviens de certains passages (je fais un copier-coller) : « Une histoire surprenante, inattendue », « un roman qui change vraiment des romans fantastiques que vous avez déjà pu lire », « Un roman qui se différencie sans difficulté des autres romans du genre fantastique ». Des compliments qui à chaque fois me font battre le cœur de reconnaissance. J’ai pourtant le sentiment de n’avoir produit qu’un ouvrage fantastique de plus, avec tout le panel d’idées que l’imaginaire peut produire. Il est vrai que mes « monstres » sont aussi majestueux qu’ils sont terrifiants, et c’est peut-être cette opposition qui casse avec le code du monstre hideux étiqueté mécaniquement de méchant. La terreur suscitée par l’apparition d’une seule de mes créatures est inversement proportionnelle à la douceur de leur fourrure, même si les choses changent à partir du tome 2. Cela dit, ce contraste est volontaire. Je voulais que le surveillant ait peur de ce qu’il voit, mais soit aidé pour surmonter cette peur et découvrir tout ce qui se cache derrière sa vision d’horreur. Le message est simple : ne nous arrêtons pas à ce qui nous effraie ou dérange notre petit confort. Augmentons en connaissance, notre compréhension de l’inconnu augmentera, et l’amour avec !
Si vous pouviez être une créature fantastique (en dehors des vôtres), laquelle choisiriez-vous, et pourquoi ?
Probablement une créature angélique. Libéré d’un corps composé de matière lourde, avec le pur esprit aux commandes, et la conscience libérée de l’esclavage terrestre. La liberté d’être !
Votre livre n'est pas qu'une simple histoire. Il envoie aussi un message très fort de tolérance, d'amour et de lutte contre les préjugés. Sans oublier la cause animale et leur sensibilité. J'imagine que ce sont des sujets importants à vos yeux...
Je ne suis pas un grand activiste dans la défense des belles choses, d’autres sont plus efficaces que moi. Les animaux font partie de ces belles choses qu’il faut choyer. Mais j’ai la conviction que l’homme subira un jour ou l’autre un cuisant échec s’il persévère à se croire supérieur à la nature, plutôt que se considérer comme un simple composant. Une supériorité malsaine qui touche aussi l’esprit. Comment peut-on encore aujourd’hui établir des jugements sur tout ce qui est différent de soi ? Quel niveau de suffisance faut-il atteindre pour se croire le mètre étalon de la bien-pensance ? Celui qui comprend ne juge jamais ! J’essaie de faire passer ce message dans Exilium. Encourager à l’instruction et la connaissance pour refouler les pensées obscurantistes qui conduisent à la peur de ce qu’on ne comprend pas et à la violence. Et je suis heureux de vivre une époque où le savoir est accessible au plus grand nombre, notamment par le biais d’Internet. J’encourage ensuite chacun à transformer ce savoir en connaissance par la réflexion. La culture n’est pas faite pour briller en société, elle est indispensable pour structurer nos pensées et nous aider à cultiver la modération dans nos conclusions. Y’a rien de pire qu’un imbécile qui courbe le dos sous le poids de ses propres convictions !
Pouvez-vous nous en dire un peu plus (sans spoiler, bien entendu) sur les tomes à venir ? Combien y en aura-t-il en tout ?
Au moment où j’écris ces lignes, la seconde partie de second tome d’Exilium est en relecture (le tome 2 a été divisé en deux pour des raisons pratiques). Sortie prévue avant l’été 2017. Avant l’écriture du tome 3, il y aura un livre intermédiaire, « Exilium – Chroniques parallèles », composé d’une trentaine (voire davantage) de mini-nouvelles, chacune mettant en avant une spécificité ou un tranche de vie des créatures exposées dans Exilium. Il y en aura pour tous les goûts : du rire, des larmes, de l’amour, du drame, du sexe, du gore… No tabou ! Le tome 3, prévu pour bien plus tard, est quant à lui censé clore la saga Exilium. Le hic : j’ai encore des idées pour un tome 4 ! Et en théorie c’est une saga qui n’a pas de fin tant que les héros sont vivants ! J’avais toutefois pensé à écrire ce qu’on appelle des « spin-off », c’est-à-dire des récits qui relatent l’histoire des personnages principaux, avant qu’ils ne se rencontrent. J’aimerais tant avoir le temps d’écrire du soir au matin sur ces thèmes !
Avez-vous d’autres projets littéraires ?
J’ai plusieurs idées de thrillers fantastiques sous le coude, sans aucun lien avec Exilium. Peut-être que le jour où je pourrai vivre de ma plume, je pourrai me libérer du temps pour concrétiser ces projets. Qui vivra verra…
Encore une fois, merci beaucoup d'avoir pris le temps de répondre à mes questions. Un dernier mot pour la fin ?
Juste un mot d’amour aux auteurs indépendants : aimez ce que vous écrivez, n’écrivez pas pour la gloire, vous vous fatiguerez avant de la trouver. Ne vous découragez jamais au point de stopper l’écriture. Écrivez à votre rythme, mais écrivez ! Et gardez toujours un calepin à portée de main pour noter toutes les idées que la vie vous offre du matin au soir, et du crépuscule à l’aube ! Surprenez-vous à rêver éveillés et dépassez votre monde, envolez-vous là où personne n’a jamais été, allez puiser vos idées et vos folies partout où votre esprit vous conduit, parez-vous de lumières et de couleurs… Et revenez LIBRES ! Que l’écriture vous libère le cœur, vous élève et fasse de vous une personne meilleure !
Merci à Frédéric Bellec d'avoir eu la gentillesse et la patience de répondre à mes questions. Merci aussi pour sa rapidité ainsi que pour la richesse de ses réponses. ^^
Un auteur très gentil, ouvert et à l'univers captivant. J'ai hâte de me lancer dans la lecture de la première moitié du T2 d'Exilium. :D
Si vous en avez, n'hésitez pas à (lui) poser des questions dans les commentaires. ;-)
Bibliographie de Frédéric Bellec :
Romans
Exilium T2 1/2 - Les legs noirs
Exilium T2 2/2 - Les legs noirs (En cours)
Exilium T3 (A venir)
Autre
Je n'ai pas choisi d'être homosexuel, je suis juste chanceux !
Masturbin et Clitorine T1
Livre lu
Exilium T1 - L'Internat - Frédéric Bellec
Où retrouver l'auteur ?
Page Facebook