- C'est qui la cruche ?! -

- C'est qui la cruche ?! -

- Lettre à celle qui lit mes romances érotiques et qui devrait arrêter tout de suite -

Commençons par un aveu : Titine aime, de temps à autre, lire une bonne romance érotique, bien baveuse. Par exemple, elle s'est enfilée (qui a l'esprit mal tourné ici ?! Dénoncez-vous !) l'intégralité de After, les 3 Did I mention I miss you et autres joyeusetés du même acabit. Voilà, c'est dit. Par contre, Christian Grey n'a jamais réussi à pénétrer (ahem) son esprit et l'exemplaire des nuances du monsieur a tristement pris la poussière dans le purgatoire des livres de Titine : la caisse "À vendre", puis pire ! la boite "À donner". Vous comprenez donc que, sans être une férue du genre, Titine se soit sentie légèrement concernée par le titre de ce petit recueil à la dominance rose (d'ailleurs, à l'occasion, j'écrirais une thèse sur ma petite collection d'essais féministes qui ont, presque tous, une couleur ROSE) (spoiler : ça m'énerve).

- C'est qui la cruche ?! -

- C'est qui la cruche ?! -

Une fois n'est pas coutume, Titine ne va pas vous ressortir tout cuit le résumé de l'éditeur mais essayer de vous pondre quelque chose de son cru (cuit/cru, on pète le feu ici !). Dans Une lettre à celle qui lit mes romances érotiques, Camille Emmanuelle va nous raconter une petite partie de son parcours professionnel, cette période de vache maigre où, pour payer son loyer et sa pitance, elle va écrire des romances érotiques, dans une maison d'édition bien entendue anonymisée. Le genre étant à la mode, la demande est forte et Camille Emmanuelle tout excitée à l'idée de commencer. Mais rapidement, elle va se prendre l'envers du décor dans la figure et la journaliste spécialiste de la sexualité et du féminisme qu'elle est va devoir se coller, pendant un temps, ses principes derrière l'oreille.

- C'est qui la cruche ?! -

Autant vous prévenir tout de suite, si vous adhérez un tant soit peu au féminisme, vous allez passer votre temps de lecture à pester, à râler, à surligner quantités de passages et à vous exclamer diverses insanités que la chasteté et l'innocence de Broco m'empêchent d'écrire ici.

Pendant toute la durée de son contrat d'écrivain, Camille Emmanuelle va œuvrer pour une maison d'édition inconnue, spécialisée dans la romance et disponible uniquement en numérique. Et, jour après jour, manuscrit après manuscrit, elle va recevoir les directives complètement aberrantes d'une éditrice convaincue de la véracité de ses propos. La voilà donc, écrivant tout le temps la même chose, une histoire d'amour et de sexe hétérosexuelle, entre deux adultes consentants, blancs et, n'ayons pas peur des mots, chiants. Monsieur est riche, jeune et lisse tout en étant hyper viril (comprenez pas-là qu'il n'a pas de poils ailleurs que sur la tête) (ça, c'est moi qui rajoute, hein, c'est pas dans le bouquin) et Madame (ou plutôt Mademoiselle...) est jeune, canon sans le savoir et a des moyens, financiers et intellectuels, fortement limités.

Parce que c'est là toute la problématique du bouquin : la vision des êtres humains et plus particulièrement des femmes. Oui, je sais, c'est dur d'être un homme aussi mais avouez que s'identifier à un trentenaire, beau, riche et fringant, qui a la possibilité de gérer un empire multimillionnaire tout en ayant le temps de coupler les activités piscine, poney et sexe en plein air, c'est plutôt agréable pour l'égo. À l'inverse, même si j'ai parfois rêvé d'être une princesse (un moment d'égarement, on a tous nos faiblesses), me faire offrir une paire de godasses quand j'ai la main droite qui a envie de pratiquer son uppercut, ça a plus tendance à me faire monter dans les tours que de me faire perdre ma petite culotte.

Dans les romances érotiques que va devoir écrire Camille Emmanuelle, c'est comme ça que ça va se passer. L'héroïne, demoiselle en détresse, est une douce petite chose, fragile, centrée sur sa petite personne (et sur le grand et fort monsieur qui va la prendre sous son aile) (et dans son lit). On ne lui demande pas de réfléchir, on ne lui demande de s'émanciper, on ne lui laisse pas l'opportunité d'avoir une épilation ratée ou des sous-vêtements mal assortis ou d'avoir ses règles le jour où monsieur décide de faire des galipettes. Elle doit correspondre à un stéréotype éculé, rentrer dans des petites cases bien étroites (là où le fessier d'aucune d'entre nous ne peut se poser, soyons honnêtes) et, si possible, avoir à la fois une sexualité débridée mais bien-pensante. Bonjour l'exercice d'équilibriste.

Pour un genre qui se targue d'être moderne et d'apporter la preuve de l'émancipation sexuelle des femmes, ça pose quand même un réel problème... Parce que oui (et Camille Emmanuelle va vous donner quelques titres), il est possible d'écrire de l'érotique en étant féminisme, moderne et pas gnangnan à se sortir des paillettes de divers orifices). Et heureusement.

- C'est qui la cruche ?! -

Au tout début de ce blog, j'avais lu (et chroniqué) un roman qui est, hélas, totalement passé inaperçu : Et ils s'envoyèrent en l'air. Le pitch était simple (et what ze fuck) : une autrice de romance érotique voit débarquer ses deux personnages principaux, le monsieur physiquement intelligent et l'oie blanche, dans la vie réelle. J'ai retrouvé dans Lettre à celle qui lit mes romances érotiques quelques-uns des points soulevés par le roman mais là, où il m'avait bien fait rire ( ce n'est que de la fiction, haha !), ce texte m'a totalement révolté. On a beau avoir conscience de certaines choses, les voir sur papier, les "entendre" dans la bouche d'une éditrice qui a le pouvoir de choisir ce que nous, et les générations futures, allons lire, c'est prodigieusement écœurant. Cela dit, ça reste tout de même drôle, acide comme il faut et bien écrit. Que vous lisiez ou non des romances érotiques, j'ai bien l'impression que Lettre à celle qui lit mes romances érotiques est un de ces textes indispensables, afin de continuer à prendre plaisir à lire ce genre, tout en gardant l'esprit ouvert et critique. Et un coup de cœur pour Broco, un !