Marie-Aude Murail. (c) Claude Riva.
Pendant tout un temps, on a cru que la "saison 3" de "Sauveur & Fils" (l'école des loisirs, Médium, 318 pages) était la dernière. Mais aujourd'hui Marie-Aude Murail l'a confirmé: il y aura bien une "saison 4", qui paraîtra sans doute début 2018. La romancière jeunesse y travaille en tout cas à fond. Ados et adultes sont rassurés, contents et déjà impatients. En attendant, ils ont près de mille pages de la saga romanesque à leur disposition, riches et passionnantes, sur les humains, ces drôles de gens.
Bonne nouvelle que ce tome 4, même si le problème de la fin se reposera peut-être à sa sortie. Surtout après avoir avalé la "saison 3" qui donne fort envie de connaître la suite. En effet, lire les différents épisodes de la série "Sauveur & Fils", c'est comme retrouver la famille éloignée lors d'un rassemblement familial. "Oh, tu es là aussi. Que c'est chouette de te revoir!" On connaît tout le monde et, en un seul tour de piste, on a des nouvelles de tous ces proches. Avec cette troisième saison, les habitants de la rue des Murlins (Orléans), et même les patients de Monsieur Saint-Yves, sont définitivement devenus nos lointains cousins. On tient à eux, on ne veut pas les lâcher, on ne veut pas qu'ils nous lâchent. Que me dites-vous? Ce sont des cousins de papier? Et alors, c'est bien une nouvelle preuve, si besoin était, du talent de romancière de Marie-Aude Murail.
Cette troisième saison, qui court du dimanche 18 octobre 2015 au vendredi 25 décembre 2015, se lit avec autant de plaisir, d'intérêt, de compassion et d'appétit que les précédentes (saison 1 ici, saison 2 ici). On découvre un Sauveur toujours aussi beau et portant toujours bien son prénom prometteur dans sa pratique de psychologue clinicien. On apprend que, physiquement, l'Antillais pourrait ressembler à l'acteur Sydney Poitier et qu'il aurait la voix de Nat King Cole... Mais ce Sauveur de la saison 3 se révèle aussi terriblement humain, c'est-à-dire faillible, côté cour, côté cœur. Il règne sur sa "maison masculine", qualificatif que lui donne son amoureuse Louise, la mère d'Alice et Paul, l'ex de Jérôme aujourd'hui en couple avec Pimprenelle. Elle n'a pas tort: la maison accueille, outre Sauveur, Lazare son fils de 9 ans maintenant, Gabin, son fils adoptif de quasi 17 ans, Jovo, un SDF de plus de 80 ans, ancien de la Légion étrangère qui habite désormais là aussi, sans oublier Paul, son fils à elle, l'inséparable de Lazare. Cela fait beaucoup de garçons et peu de place pour elle. Car Alice, sa fille, est peu preneuse des week-ends là, à l'exception des crêpes du dimanche. Au début de la saison en tout cas, elle changera d'avis plus tard.
Les patients défilent toujours dans le cabinet du psychologue. On a également plaisir à les retrouver. Voir que certains vont mieux, que d'autres cherchent toujours leur voie, que d'autres encore se sont ajoutés, de tous les âges. Chacun d'eux est présent physiquement, détaillé dans sa souffrance, suivi dans sa réflexion. Chacun d'eux paraît vrai. Et à découvrir leurs comportements, on pense souvent "Chapeau, les enfants!" Ils vont bougrement évoluer dans cette saison, que ce soit Ella/Elliott et ses questions d'identité sexuelle qui vont entraîner du cyberharcèlement, Samuel qui a retrouvé son père musicien, la mère de Gabin, hospitalisée pour schizophrénie, Gabin lui-même qui passe ses nuits en jeux vidéos, Blandine et sa sœur Margaux qui ont des mots qu'on pourrait appliquer à de nombreux protagonistes du livre: "Moi, je pense qu'on se soigne, Margaux et moi, mais c'est nos parents qui sont malades." De nouvelles têtes aussi, patients de Sauveur ou non, comme M. Kermartin qui se croit espionné par ses voisins, la petite Maïlys de 4 ans qui tente de capter l'attention de sa maman quelques instants, M. Wiener, le père de Samuel, Nanou, la mère de Louise, la famille Gonzales...
Mais qu'on imagine pas qu'on ne va pas quitter le cabinet de consultation, côté jardin. Bien sûr que non, toute une vie se déroule côté cour, avec ses surprises, ses joies, ses difficultés, ses erreurs, ses drames. Comme celui du Bataclan, le funeste 13 novembre 2015, dont on se doutait depuis la "saison 2" qu'il serait présent dans les pages. Gabin avait en effet le projet de se rendre au concert des Death Metals avec un copain. Il ira, quittant Orléans pour Paris cette journée-là. Marie-Aude Murail traite admirablement ce sujet sensible, sans rien gommer de la panique et de l'angoisse que les attaques ont créées dans la capitale et ailleurs mais en naviguant adroitement avec ce que les lecteurs en savent. C'est évidemment un des sujets discutés en consultation mais aussi un élément du roman.
En parallèle à tout cela, Lazare grandit à toute vitesse et Sauveur s'interroge sur son métier et sa vie. Une saison dense donc, mais non dénuée de rires, de rebondissements et de bons moments, dont l'arrivée de la télé et l'incroyable jour de Noël final! D'autres thématiques étant apparues dans la "saison 3", il est presque inutile qu'on est fin prêt pour la "saison 4"!